Etats-Unis
Sous l'oeil goguenard de la planète
Le spectacle donné au monde par l'élection présidentielle du pays le plus puissant de la planète met en verve les commentateurs politiques de la presse internationale. «Chaos», «légende qui s'effondre», «pataquès électoral» mais aussi des termes beaucoup plus ironiques viennent qualifier la situation actuelle.
Dans la presse internationale
L'accusation de fonctionner comme une «République bananière», formulée par le quotidien britannique Daily Mirror et reprise par l'Autrichien Die Presse est celle qui semble avoir le plus touché les Américains. Jusqu'à un journaliste sud-américain qui a suggéré l'envoi d'observateurs de l'Organisation des Etats américains, comme cela a été le cas au Pérou et en Haïti. Ces journaux ne sont pas les seuls, dans la presse internationale, à ironiser. Pour l'Allemand Die Welt, une chose pareille n'est jamais arrivée même lors d'élections en Ouzbékistan et le «pays pourrait bien être au bord de la plus grave crise depuis le Watergate» et son confrère Berliner Zeitung d'ajouter : «On pourrait s'en amuser s'il s'agissait de l'élection du maire de Chicago et pas de l'homme le plus puissant du monde». L'International Herald Tribune plaisante sur le «laborieux comptage manuel» à l'heure d'internet.
Le Guardian (britannique) s'étonne d'une «possible fraude délibérée ou d'une grosse incompétence». Et le quotidien turc Sabah d'ajouter «si c'était arrivé en Afrique, ils se seraient moqués d'eux». Opinion partagée par le ministre zimbabwéen de l'information, proposant, lui aussi, des observateurs pour «aider» les Etats-Unis et relevant que le candidat élu pourrait bien ne pas être celui qui a reçu le plus de voix il estime que son pays ne pourrait pas faire cela sans s'exposer à des sanctions internationales.
Déjà le Washington Post pense que, «quel que soit celui qui, sera investi président, la légitimité de son élection sera en doute». Moins pessimiste, le quotidien français Le Figaro pense que «la crise actuelle sera surmontée. Les Américains sont trop attachés à l'état de droit pour que la présidence sorte de l'épreuve affaiblie».
Le billet d'humeur d'Alexandre Buccianti
De notre correspondant en Egypte
Les Etats-Unis sont la «plus grande democracy du monde» ! La giga-puissance financière et militaire sur terre et sur mer vient d'en faire la brillante démonstration au tiers, quarts et cinquièmes mondes. L'Amérique fait tout mieux qu'eux ! Les incrédules n'ont qu'à regarder le déroulement magistral des élections pour la case blanche de l'Oncle Sam.
Les pays les plus démunis affirmaient jusqu'à présent que le suffrage universel était un luxe réservé aux riches. Faux ! Si le candidat démocrate George W. Bush remportait l'Etat de Floride avec quelques centaines de voix il deviendrait le président élu des Etats-Unis même si, au niveau national, il avait 187 352 suffrages de moins qu'Al Gore. «Une contradiction entre le vote populaire et les résultats au collège électoral n'entache pas une victoire dans notre système» a expliqué le très respectable Washington Post. Ce non-respect de la volonté de la majorité de la population ne date pas d'aujourd'hui. C'est une merveilleuse tradition qui remonte à 1876 quand Tilden perdit les élections avec 51 % des voix et qui s'est répétée en 1888 quand Harrison devint président des Etats-Unis avec 47,8 % des voix. C'est l'application du sain principe de tous les jeux : «The winner gets all» (le gagnant rafle la mise). Avec le système des «grands électeurs» répartis par Etat, il suffit de remporter la Californie, New York, le Texas, la Floride et la Pennsylvanie pour avoir fait plus de 60 % du chemin menant à la Maison Blanche.
En Côte d'Ivoire comme en Yougoslavie les candidats perdants refusent de reconnaître la défaite. En Amérique on fait mieux puisqu'Al Gore a concédé la défaite avant de se rétracter. Dieu merci qu'en Amérique il n'y a pas de «Bérets rouges» ! En Afrique on voit des irrégularités partout, en Amérique les contestations sont plus chirurgicales : la Floride dont le gouverneur est, comme par hasard, le frère cadet du candidat Bush. Mieux, on cible les «irrégularités» (on ne parle pas encore de fraude car il faut faire preuve de self control) et on décide de recourir à la justice.
En Afrique on rajoute des symboles (croissant, dromadaire, téléphone, avion et même tank) à côté du nom des candidats pour aider les analphabètes à voter. En Amérique c'est mieux puisque les électeurs continuent à se tromper de case à trouer ou de bouton à presser. Cela n'arrive naturellement qu'en Floride et notamment dans le comté de Palm Beach habité sans doute par des bédouins pêcheurs. Entre-temps, on recompte les bulletins de vote électroniquement et si ce n'est pas assez précis on le fera manuellement. Il faudra donc compter des jours et des jours. Encore une fois mieux que dans le tiers-monde qui dispose pourtant du tam-tam IBM et du portable arabe et où il ne faut que 48 heures pour faire le décompte.
Dans la monarépublique syrienne, le fils hérite la présidence de son père. En Amérique, en cas de victoire de George W. Bush, on n'a pas besoin d'enterrer son père pour devenir président de père en fils. Il suffit d'être dans l'or noir. Mais l'Amérique étant le dernier pays où l'on peut encore rêver, on peut aussi accéder au poste suprême sans être multimillionnaire. Il suffit de s'appeler Clinton. Aujourd'hui Hillary Clinton se contente du siège de sénateur de New York mais rien ne l'empêche, même si elle fait encore la fine bouche, de s'installer dans le fauteuil du Bureau ovale en 2004.
Enfin en Egypte tout le monde connaît ces morts qui ressuscitent le temps d'un scrutin mais nul n'avait encore voté pour un mort. Les électeurs du Missouri viennent de réaliser cet exploit. Ils ont élu Mel Carnahan décédé depuis trois semaines dans un accident d'avion. Selon les officiels, 21 jours était un délai trop court pour le rayer de la liste ! En attendant le défunt est sénateur. Sa veuve a proposé de le remplacer et il ne s'y est pas opposé ! Elle héritera donc très probablement de la villa, de la Voyager, du manche à balais et du fauteuil de sénateur.
L'accusation de fonctionner comme une «République bananière», formulée par le quotidien britannique Daily Mirror et reprise par l'Autrichien Die Presse est celle qui semble avoir le plus touché les Américains. Jusqu'à un journaliste sud-américain qui a suggéré l'envoi d'observateurs de l'Organisation des Etats américains, comme cela a été le cas au Pérou et en Haïti. Ces journaux ne sont pas les seuls, dans la presse internationale, à ironiser. Pour l'Allemand Die Welt, une chose pareille n'est jamais arrivée même lors d'élections en Ouzbékistan et le «pays pourrait bien être au bord de la plus grave crise depuis le Watergate» et son confrère Berliner Zeitung d'ajouter : «On pourrait s'en amuser s'il s'agissait de l'élection du maire de Chicago et pas de l'homme le plus puissant du monde». L'International Herald Tribune plaisante sur le «laborieux comptage manuel» à l'heure d'internet.
Le Guardian (britannique) s'étonne d'une «possible fraude délibérée ou d'une grosse incompétence». Et le quotidien turc Sabah d'ajouter «si c'était arrivé en Afrique, ils se seraient moqués d'eux». Opinion partagée par le ministre zimbabwéen de l'information, proposant, lui aussi, des observateurs pour «aider» les Etats-Unis et relevant que le candidat élu pourrait bien ne pas être celui qui a reçu le plus de voix il estime que son pays ne pourrait pas faire cela sans s'exposer à des sanctions internationales.
Déjà le Washington Post pense que, «quel que soit celui qui, sera investi président, la légitimité de son élection sera en doute». Moins pessimiste, le quotidien français Le Figaro pense que «la crise actuelle sera surmontée. Les Américains sont trop attachés à l'état de droit pour que la présidence sorte de l'épreuve affaiblie».
Le billet d'humeur d'Alexandre Buccianti
De notre correspondant en Egypte
Les Etats-Unis sont la «plus grande democracy du monde» ! La giga-puissance financière et militaire sur terre et sur mer vient d'en faire la brillante démonstration au tiers, quarts et cinquièmes mondes. L'Amérique fait tout mieux qu'eux ! Les incrédules n'ont qu'à regarder le déroulement magistral des élections pour la case blanche de l'Oncle Sam.
Les pays les plus démunis affirmaient jusqu'à présent que le suffrage universel était un luxe réservé aux riches. Faux ! Si le candidat démocrate George W. Bush remportait l'Etat de Floride avec quelques centaines de voix il deviendrait le président élu des Etats-Unis même si, au niveau national, il avait 187 352 suffrages de moins qu'Al Gore. «Une contradiction entre le vote populaire et les résultats au collège électoral n'entache pas une victoire dans notre système» a expliqué le très respectable Washington Post. Ce non-respect de la volonté de la majorité de la population ne date pas d'aujourd'hui. C'est une merveilleuse tradition qui remonte à 1876 quand Tilden perdit les élections avec 51 % des voix et qui s'est répétée en 1888 quand Harrison devint président des Etats-Unis avec 47,8 % des voix. C'est l'application du sain principe de tous les jeux : «The winner gets all» (le gagnant rafle la mise). Avec le système des «grands électeurs» répartis par Etat, il suffit de remporter la Californie, New York, le Texas, la Floride et la Pennsylvanie pour avoir fait plus de 60 % du chemin menant à la Maison Blanche.
En Côte d'Ivoire comme en Yougoslavie les candidats perdants refusent de reconnaître la défaite. En Amérique on fait mieux puisqu'Al Gore a concédé la défaite avant de se rétracter. Dieu merci qu'en Amérique il n'y a pas de «Bérets rouges» ! En Afrique on voit des irrégularités partout, en Amérique les contestations sont plus chirurgicales : la Floride dont le gouverneur est, comme par hasard, le frère cadet du candidat Bush. Mieux, on cible les «irrégularités» (on ne parle pas encore de fraude car il faut faire preuve de self control) et on décide de recourir à la justice.
En Afrique on rajoute des symboles (croissant, dromadaire, téléphone, avion et même tank) à côté du nom des candidats pour aider les analphabètes à voter. En Amérique c'est mieux puisque les électeurs continuent à se tromper de case à trouer ou de bouton à presser. Cela n'arrive naturellement qu'en Floride et notamment dans le comté de Palm Beach habité sans doute par des bédouins pêcheurs. Entre-temps, on recompte les bulletins de vote électroniquement et si ce n'est pas assez précis on le fera manuellement. Il faudra donc compter des jours et des jours. Encore une fois mieux que dans le tiers-monde qui dispose pourtant du tam-tam IBM et du portable arabe et où il ne faut que 48 heures pour faire le décompte.
Dans la monarépublique syrienne, le fils hérite la présidence de son père. En Amérique, en cas de victoire de George W. Bush, on n'a pas besoin d'enterrer son père pour devenir président de père en fils. Il suffit d'être dans l'or noir. Mais l'Amérique étant le dernier pays où l'on peut encore rêver, on peut aussi accéder au poste suprême sans être multimillionnaire. Il suffit de s'appeler Clinton. Aujourd'hui Hillary Clinton se contente du siège de sénateur de New York mais rien ne l'empêche, même si elle fait encore la fine bouche, de s'installer dans le fauteuil du Bureau ovale en 2004.
Enfin en Egypte tout le monde connaît ces morts qui ressuscitent le temps d'un scrutin mais nul n'avait encore voté pour un mort. Les électeurs du Missouri viennent de réaliser cet exploit. Ils ont élu Mel Carnahan décédé depuis trois semaines dans un accident d'avion. Selon les officiels, 21 jours était un délai trop court pour le rayer de la liste ! En attendant le défunt est sénateur. Sa veuve a proposé de le remplacer et il ne s'y est pas opposé ! Elle héritera donc très probablement de la villa, de la Voyager, du manche à balais et du fauteuil de sénateur.
Article publié le 10/11/2000