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Prix littéraires

Fémina et Médicis: les écrivains étrangers à l'honneur

Y a-t-il une vie après le Goncourt ? C'est, en effet, le prix que tous les auteurs, et surtout les éditeurs convoitent et pour lequel ils se battent âprement durant plusieurs mois. Depuis une semaine, la grande fièvre était donc retombée. Pourtant, le Fémina et le Médicis ne sont pas des lots de consolation : ils réservent de bonnes surprises à l'amateur de littérature.
Certaines réalités sont plus incontournables que d'autres : un bon Goncourt se vend à 400 000 exemplaires, un bon Féminaà dix fois moins. En termes de qualité pourtant, les prix les plus convoités ne sont pas forcément les meilleurs. La quarantaine de romans sélectionnés par les différents jurys sont tous, sauf exception, des £uvres abouties. Le prestige, la mode et le facteur temps sont ici essentiels.

Prestige et mode font toujours la grande force du Goncourt: c'est LE roman que les Français, à Paris et en province, vont s'offrir et offrir en priorité d'ici Noël. Deux mois, donc, de ventes assurées. Le facteur temps est aussi déterminant. Pour le petit monde des éditeurs, le Grand Prix de l'académie française (décerné en premier) serait plutôt une tuile qu'une aubaine : s'il apporte prestige et reconnaissance à l'auteur (cette année l'excellent Pascal Quignard), il a peu d'incidence sur les ventes. Une semaine plus tard, on tire enfin le gros lot : le Goncourt, créé en 1903, et le Fémina, créé en 1904à pour contrecarrer la misogynie du Goncourt par vingt-deux collaboratrices de la revue La Vie heureuse (en 1926, le Renaudot fut imaginé par dix critiques littéraires qui s'ennuyaient en attendant la délibération des académiciens Goncourt!).

Goncourt, Fémina : la «guerre de cent ans» est finie.

Avant ou après le Goncourt, le Fémina ? La course a longtemps fait rage : il était décerné quelques jours avant jusqu'en 1959, puis les Goncourt ont décidé de se resservir en premier. Coup de théâtre en 1993 : les dames du Fémina annoncent leur choix trois jours avant les Messieurs. Re-coup en 1999 : les Goncourt reprennent de vitesse le Fémina et rendent leur verdict avant ellesà Cette «guerre de cent ans» vient de se terminer avec la conclusion d'un accord : l'ordre d'attribution de ces deux prix alternera. Honneur aux dames : elles ouvriront le bal en 2001. Quant au Médicis, créé en 1958, il se propose de «récompenser un ouvrage au style singulier», «d'avant-garde» - Goncourt et Fémina étant plutôt «grand public». Fémina et Médicis ont pourtant un point commun, intéressant : ils récompensent chacun, en plus d'un roman français, un essai et un roman étranger.

Cette année, Jamaica Quincaid (Fémina étranger) et Michael Ondaatje (Médicis étranger) sont tous deux de très bons choix. La première, citoyenne américaine originaire de l'île caribéenne d'Antigua, pratique l'écriture depuis l'adolescence comme un moyen de survie : dans Mon frère, livre bouleversant, elle revient sur la douloureuse agonie de son frère cadet, mort du sida dans les années quatre-vingt. Canadien originaire du Sri Lanka, Michael Ondaatje est mondialement connu depuis que Le Patient anglais a été porté à l'écran. Le Fantôme d'Anil est, aussi, un roman qui déclare la guerre à la guerre. Tous deux poursuivent à travers leurs £uvres une quête de soi, avec rage et colère pour la première, avec véhémence et poésie pour le second.

Côté français, Camille Laurens obtient le Fémina pour Dans ces bras-là (éditions POL), et Yann Apperry le Médicis pour Diabolus in musica (Grasset). La première, qui signe là son cinquième roman, raconte les hommes -mari, amant, fils, amis, inconnus croisés, étreints ou rêvés - avec tendresse et ironie. Si son livre est enlevé, celui de Yann Apperry est foisonnant, c'est une fresque peuplée de personnages fous de malheur, d'amour et de musique : la musique sauvera le héros et lui ouvrira les portes de la vie. Imagination et belle écriture sont au rendez-vous.

Quant au Fémina de l'essai, il est attribué à l'ancien Garde des Sceaux Robert Badinter pour L'Abolition (Fayard) : il y raconte sa longue marche de militant contre la peine de mort. Un récit et une réflexion de portée internationale.



par Henriette  SARRASECA

Article publié le 06/11/2000