Côte d''Ivoire
«Gueï n'est pas à l'abri des poursuites»
Après le malaise provoqué par la rencontre, la semaine dernière, entre Laurent Gbagbo et le général Gueï, le gouvernement a rectifié le tir, lundi 20 novembre. Selon le ministre de la Défense, le chef de l'ex-junte n'est pas à l'abris d'éventuelles poursuites judiciaires, de même que d'autres membres de l'ancien pouvoir militaire. Moïse Lida Kouassi est toutefois resté plus évasif sur le cas des généraux Palenfo et Coulibaly, arrêtés le 8 novembre.
«Robert Gueï n'est pas à l'abris de poursuites». C'est en substance le message qu'a voulu faire passer le gouvernement ivoirien à l'occasion d'une conférence de presse, lundi 20 novembre, de ses ministres de la Défense, de la Justice et de la Communication. La rencontre entre le général Gueï et le président Gbagbo à Yamoussoukro, le 13 novembre dernier, au cours de laquelle le chef de l'ex-junte a reconnu la légitimité du nouveau président, passe mal dans l'opinion, alors que l'image des soldats de la garde présidentielle tirant sur la foule des manifestants protestant contre le «hold-up électoral», les 24 et 25 octobre derniers, est encore dans toutes les mémoires. L'image largement diffusée de la poignée de mains entre les deux hommes, puis les déclarations de Laurent Gbagbo évoquant la nécessité de privilégier la réconciliation ont provoqué de nombreuses réactions d'incompréhension.
«Cette rencontre a suscité beaucoup de controverses. Elle n'avait pas pour but d'absoudre le général Gueï pour tout ce qui s'est passé, mais de régler un certain nombre de problèmes de sécurité intérieure», a asséné le ministre de la Défense, avant d'ajouter qu'elle «n'entraîne pas l'impunité.» Parmi les raisons ayant motivé la rencontre, Moïse Lida Kouassi a évoqué le sort des 500 anciens membres de la garde rapprochée du général. Selon lui, les éléments de cette unité, baptisée «Brigade rouge», ont été regroupés et désarmés dans un camp militaire d'Abidjan. Leur chef, le lieutenant Boka Yapi, tenu pour mort, est en fait toujours vivant affirme le ministre. «Nous l'avons repéré, vous permettrez que je n'en dise pas plus. Il a été cité dans plusieurs meurtres, dans plusieurs exécutions. Et donc il sera déféré devant la justice et répondra de ses actes».
Restent les cinq cent éléments de la garde, dont les exactions ne se sont pas limitées à la répression des manifestations de fin octobre. Dans leur fief, la caserne de la «Poudrière», ils ont fait subir d'atroces tortures aux soldats tenus pour responsables de l'attaque contre la résidence du général Gueï dans la nuit du 17 au 18 septembre. Sur les vingt-sept personnes arrêtées, trois sont décédés peu après leur arrestation. «Le seul statut qu'on peut leur reconnaître aujourd'hui c'est le statut de milice. Ils ne sont pas aux arrêts, ils sont désarmés, affirme Moïse Lida Kouassi. Il faut les retenir pour voire quels sont ceux parmi eux qui sont aptes au service militaire et qui sont susceptibles d'être intégrés aux forces armées régulières. Pour les autres, il faudra trouver une solution de réinsertion dans la vie économique et sociale.»
Quant aux suites judiciaires à donner aux exactions commises pendant les dix mois de régime militaire sous la responsabilité du général Gueï, le garde des Sceaux, Siene Oulaï, a déclaré «qu'il appartiendra à l'autorité judiciaire de dire qui peut être jugé et qui ne le peut pas». Mais il a apporté une précision de taille en ajoutant que l'article de la nouvelle constitution prévoyant une amnistie pour les anciens membres du pouvoir militaire ne s'applique qu'au coup d'Etat du 24 décembre. Comme son collègue de la Défense, il a par ailleurs réitéré le souhait du gouvernement de voir la justice mener à bien les enquêtes sur les violences qui ont coûté la vie à 171 personnes, selon un bilan officiel, entre le 23 et le 26 octobre derniers.
A propos des généraux Palenfo et Coulibaly, arrêtés le 8 novembre dernier, dans le cadre de l'enquête sur l'attaque de la résidence de Robert Gueï, le ministre de la Défense s'est contenté d'évoquer le travail du commissaire du gouvernement Ange Kessy Kouamé, le procureur militaire à l'origine des poursuites : «Il sait qu'il y a eu changement dans ce pays et qu'il ne peut plus travailler de la même façon qu'avant. Il sait que les nouvelles autorités suivent de près ce qu'il fait et qu'il est obligé de travailler dans la rigueur.» Les deux généraux, souvent présentés comme proches d'Alassane Ouattara, ont toujours nié leur responsabilité dans ce qu'ils considèrent comme un coup monté. Après le rejet d'une première demande de mise en liberté, leurs avocats, pour qui le dossier de leurs clients est «vide», ont renouvelé leur requête. Mais ils n'entendent pas en rester là. Dans une interview au Patriote, un quotidien proche du RDR, ces derniers affirment envisager un recours contre le chef de l'ex-junte au nom de «toutes les personnes qui ont subi des tortures, perdu des parents sous les ordres du général Gueï.»
Le recadrage du gouvernement sur un dossier plus que sensible intervient alors que Laurent Gbagbo a installé le même jour un Comité de médiation pour la réconciliation (CMRN). Conçu à l'image de la Commission vérité et réconciliation sud-africaine, il vise selon le chef de l'Etat à «rechercher les causes, toutes les causes, des plus lointaines aux plus récentes» des violences qu'a connu la Côte d'Ivoire. Un lourd travail, alors que les plaies ouvertes pendant les émeutes d'octobre sont loin d'être refermées.
«Cette rencontre a suscité beaucoup de controverses. Elle n'avait pas pour but d'absoudre le général Gueï pour tout ce qui s'est passé, mais de régler un certain nombre de problèmes de sécurité intérieure», a asséné le ministre de la Défense, avant d'ajouter qu'elle «n'entraîne pas l'impunité.» Parmi les raisons ayant motivé la rencontre, Moïse Lida Kouassi a évoqué le sort des 500 anciens membres de la garde rapprochée du général. Selon lui, les éléments de cette unité, baptisée «Brigade rouge», ont été regroupés et désarmés dans un camp militaire d'Abidjan. Leur chef, le lieutenant Boka Yapi, tenu pour mort, est en fait toujours vivant affirme le ministre. «Nous l'avons repéré, vous permettrez que je n'en dise pas plus. Il a été cité dans plusieurs meurtres, dans plusieurs exécutions. Et donc il sera déféré devant la justice et répondra de ses actes».
Restent les cinq cent éléments de la garde, dont les exactions ne se sont pas limitées à la répression des manifestations de fin octobre. Dans leur fief, la caserne de la «Poudrière», ils ont fait subir d'atroces tortures aux soldats tenus pour responsables de l'attaque contre la résidence du général Gueï dans la nuit du 17 au 18 septembre. Sur les vingt-sept personnes arrêtées, trois sont décédés peu après leur arrestation. «Le seul statut qu'on peut leur reconnaître aujourd'hui c'est le statut de milice. Ils ne sont pas aux arrêts, ils sont désarmés, affirme Moïse Lida Kouassi. Il faut les retenir pour voire quels sont ceux parmi eux qui sont aptes au service militaire et qui sont susceptibles d'être intégrés aux forces armées régulières. Pour les autres, il faudra trouver une solution de réinsertion dans la vie économique et sociale.»
Quant aux suites judiciaires à donner aux exactions commises pendant les dix mois de régime militaire sous la responsabilité du général Gueï, le garde des Sceaux, Siene Oulaï, a déclaré «qu'il appartiendra à l'autorité judiciaire de dire qui peut être jugé et qui ne le peut pas». Mais il a apporté une précision de taille en ajoutant que l'article de la nouvelle constitution prévoyant une amnistie pour les anciens membres du pouvoir militaire ne s'applique qu'au coup d'Etat du 24 décembre. Comme son collègue de la Défense, il a par ailleurs réitéré le souhait du gouvernement de voir la justice mener à bien les enquêtes sur les violences qui ont coûté la vie à 171 personnes, selon un bilan officiel, entre le 23 et le 26 octobre derniers.
A propos des généraux Palenfo et Coulibaly, arrêtés le 8 novembre dernier, dans le cadre de l'enquête sur l'attaque de la résidence de Robert Gueï, le ministre de la Défense s'est contenté d'évoquer le travail du commissaire du gouvernement Ange Kessy Kouamé, le procureur militaire à l'origine des poursuites : «Il sait qu'il y a eu changement dans ce pays et qu'il ne peut plus travailler de la même façon qu'avant. Il sait que les nouvelles autorités suivent de près ce qu'il fait et qu'il est obligé de travailler dans la rigueur.» Les deux généraux, souvent présentés comme proches d'Alassane Ouattara, ont toujours nié leur responsabilité dans ce qu'ils considèrent comme un coup monté. Après le rejet d'une première demande de mise en liberté, leurs avocats, pour qui le dossier de leurs clients est «vide», ont renouvelé leur requête. Mais ils n'entendent pas en rester là. Dans une interview au Patriote, un quotidien proche du RDR, ces derniers affirment envisager un recours contre le chef de l'ex-junte au nom de «toutes les personnes qui ont subi des tortures, perdu des parents sous les ordres du général Gueï.»
Le recadrage du gouvernement sur un dossier plus que sensible intervient alors que Laurent Gbagbo a installé le même jour un Comité de médiation pour la réconciliation (CMRN). Conçu à l'image de la Commission vérité et réconciliation sud-africaine, il vise selon le chef de l'Etat à «rechercher les causes, toutes les causes, des plus lointaines aux plus récentes» des violences qu'a connu la Côte d'Ivoire. Un lourd travail, alors que les plaies ouvertes pendant les émeutes d'octobre sont loin d'être refermées.
par Christophe Champin
Article publié le 21/11/2000