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Etats-Unis

Le temps joue contre Al Gore

Le vice-président s'est adressé lundi à ses concitoyens pour tenter de les convaincre du bien-fondé des recours qu'il dépose pour contester la victoire en Floride de son adversaire George W Bush. Mais près de 60 % des Américains, dont un quart des partisans du candidat démocrate, souhaitent qu'il mette un terme à trois semaines d'incertitudes en reconnaissant sa défaite.
de notre correspondant à New York

En cinq minutes d'une allocution télévisée ostensiblement décontractée, Al Gore s'est efforcé hier soir de faire la preuve de sa bonne foi : «Ceci est l'Amérique. Quand les votes s'expriment, on les compte. On ne les met pas arbitrairement de côté parce qu'il est trop difficile de les compter.» Il s'agissait pour le vice-président de convaincre une opinion impatiente qu'il défend le droit de chaque Américain à voir son vote pris en compte. Et non qu'il s'accroche désespérément à une victoire qui lui échappe. Car au risque de passer pour un mauvais perdant, Al Gore a déposé un recours contre la certification de la victoire de George W Bush en Floride, qui donnerait au candidat républicain le gain de la présidence. Ce n'est que le début d'une nouvelle avalanche de procédures qui devrait culminer vendredi devant la Cour suprême des Etats-Unis.

Après trois semaines de tergiversations et alors que les manifestants des deux camps préfèrent désormais les insultes aux slogans, les Américains veulent un président. Selon un sondage ABC News-Washington Post, 60 % d'entre eux estiment qu'il est temps pour le candidat démocrate d'admettre sa défaite en Floride. 40 % des sondés souhaitent qu'Al Gore se retire car ils estiment que le vote était juste, et 20 % pensent tout simplement qu'il est temps d'en finir. Les personnes interrogées se départagent largement selon leurs clivages partisans. Toutefois, Al Gore est lâché par un quart de ses supporters qui estiment qu'il doit concéder sa défaite. En revanche, le vice-président est toujours soutenu par la majorité des élus démocrates, et deux tiers de ses partisans estiment qu'il doit poursuivre les recours légaux.

Pour l'heure, les recours déposés par Al Gore ne lui ont pas attiré les foudres des principaux titres de la presse américaine. Le New York Times, dans son éditorial de lundi, estime que «les tribunaux doivent examiner le décompte et dire à la nation s'il constitue le point final officiel de l'élection. Quand les tribunaux se seront prononcés, le temps des disputes sera révolu.» Pas avant. Pour le International Herald Tribune, «Si George W Bush n'avait pas remis les pendules à l'heure avec son appel devant la cour suprême des Etats-Unis, beaucoup d'Américains auraient pu attendre de Al Gore qu'il reconnaisse sa défaite. Nous aurions pu être de ceux-là.»

«Le spectacle n'est pas beau à voir»

Si on se refuse encore à désigner un coupable au chaos procédurier actuel, nombreux sont ceux qui estiment que le combat n'a que trop duré. Le Washington Post, dans un éditorial titré «décadence politique», estime que «le spectacle n'est pas beau à voir. Ces man£uvres n'auront pour seul résultat que d'affaiblir le candidat vainqueur, quel qu'il soit (à)» Cette analyse est partagée par de nombreux titres de la presse internationale qui mettent en doute la légitimité du président qui sera élu au terme du marathon juridique.

En attendant, George W Bush fait mine de se préparer à prendre le pouvoir, tout en rechignant encore à s'auto-proclamer président élu. Il travaille à la période de transition qui s'achèvera le 20 janvier par la relève de l'administration Clinton. Il a déjà désigné son plus proche collaborateur, et comme les bureaux et les fonds alloués normalement par l'Etat pour mettre en place une cellule de transition lui ont été refusés jusqu'à la proclamation officielle du résultat, il compte mettre en place sa propre structure financée par des fonds privés.




par Philippe  Bolopion

Article publié le 28/11/2000