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Etats-Unis

Les juges s'interrogent

La cour suprême des Etats-Unis a auditionné vendredi les avocats des candidats républicains et démocrates qui se disputent le gain décisif de la Floride. Les neufs juges se sont demandé si l'affaire relevait bien de leur juridiction. Ils devraient rendre la semaine prochaine un verdict dont peut dépendre l'issue de la course à la Maison Blanche. En Floride, la bataille juridique fait toujours rage.
De notre correspondant à New York

Certains n'ont pas hésité à passer la nuit dans des sacs de couchage, pour assister à une audition de la Cour suprême des Etats-Unis qui promettait d'être historique : Bush contre Gore, dans un prétoire cette fois et sans caméra, au grand dam de CNN. Seule une cinquantaine de ces simples citoyens ont pu se glisser dans un tribunal assailli par les avocats, les journalistes et les invités de marque tels l'ancien secrétaire d'Etat Warren Christopher ou les enfants du vice-président Al Gore. Pour la première fois de son histoire, la Haute cour devait s'immiscer dans un vulgaire contentieux électoral, toujours irrésolu. Il semble que les honorables juges en aient quelque peu pris ombrage. Ils n'ont pas hésité à bousculer les avocats des deux candidats, les pressant de questions ou les interrompant au milieu d'une démonstration.

George W. Bush avait saisi les juges pour leur demander d'invalider une décision de la Cour suprême de Floride, autorisant une extension de 12 jours du délais légal pour le décompte des bulletins de vote. Circonspects, les juges se sont demandé à plusieurs reprises si l'affaire relevait de leur juridiction. Ils ont interrogé les avocats du candidat républicain sur ce qu'ils attendaient d'une décision de la Cour suprême des Etats-Unis. Pour l'un d'eux, maître Klock, si la décision de la Cour suprême de Floride était contredite, il n'y aurait alors pas de base légale au nouveau décompte réclamé par Al Gore. George W. Bush serait donc président.

Le salut des Démocrates pourrait venir de la réticence de la Cour suprême à intervenir dans les affaires politiques. D'autant que les neufs juges, quoique majoritairement républicains, peuvent difficilement contredire la Cour suprême de Floride sans affaiblir la justice toute entière.

Si les juges sont dans une position délicate, c'est pourtant bien sur eux que comptent la plupart des Américains pour trancher d'autorité un conflit qui n'a que trop duré. "Les juges ont une occasion - et une obligation civique - de clarifier la loi et peut-être d'accélérer les choses en vue d'une conclusion", pouvait-on lire hier dans l'éditorial du New York Times.

Deux revers pour Al Gore

Quand bien même ils le feraient, il n'est pas évident qu'ils aient le dernier mot. Car en Floride, la bataille juridique fait toujours rage, même si hier soir Al Gore a essuyé coup sur coup deux revers infligés par la Cour suprême de l'Etat. Il réclamait la tenue d'un nouveau scrutin dans le Comté de Palm Beach où des bulletins de vote trop complexes auraient induit les électeurs en erreur : refusé. Il demandait le décompte immédiat de 14 000 bulletins de vote litigieux : refusé aussi.

Le vice-président a toutefois quelques atouts dans sa manche. Un camion blanc rempli de près de 700 000 bulletins de vote a quitté Miami aux aurores pour rejoindre la Cour de la capitale Tallahassee, pourchassé par des télévisions en mal d'images pour illustrer une élection qui s'éternise. La question de savoir si ces bulletins doivent être recomptés, et selon quels critères, dépend d'un juge de Floride qui doit auditionner aujourd'hui les deux partis. Parmi ces bulletins se trouvent peut-être les 538 voix qui manquent à Al Gore pour remporter la victoire. La semaine prochaine, en Floride toujours, les Démocrates veulent faire invalider 15 000 votes par correspondance, fort probablement majoritairement en faveur de Bush et que des responsables du parti républicain auraient frauduleusement modifiés. De son côté, le parlement de Floride, dominé par les Républicains, parle d'une session spéciale pour nommer lui-même les grands électeurs, en faveur de George W. Bush, court-circuitant ainsi la justice.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 02/12/2000