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Etats-Unis

L'étau se resserre autour d'Al Gore

Le vice-président a essuyé deux revers dans sa tentative de contester la victoire du Républicain George W. Bush. La cour suprême des Etats-Unis somme sa petite soeur de Floride de s'expliquer sur l'extension du délai de décompte des voix. En Floride, un juge a refusé un nouveau décompte manuel. Ces décisions ne sont pas irrévocables, mais pour Al Gore, les chances d'accéder à la présidence s'amenuisent.
De notre correspondant à New York

Groggy, mais pas KO, Al Gore encaisse. Le premier coup, léger, est venu hier des honorables juges de la Cour suprême des Etats-Unis. Les avocats de George W. Bush les avaient saisis pour contester une décision de la Cour suprême de Floride, qui rallongeait le délai de décompte des voix. Cette prolongation avait permis à Al Gore de ramener son retard sur son adversaire républicain de 930 voix à 537. Unanimement, les juges de la haute cour ont décidé... de ne rien décider. Ils ont renvoyé la balle, brûlante, dans le camp de la cour suprême de Floride, pour lui demander d'éclaircir les bases légales sur lesquelles se fondaient sa décision controversée. La haute cour de l'Etat doit maintenant réexaminer les arguments des deux parties.

C'est un pas en arrière pour les avocats du vice-président, mais jusque-là, ils tenaient le coup, parlant de simple «temps mort», quand le camp Bush criait à la victoire. Al Gore comptait encore sur un simple juge de Floride, Sanders Sauls, davantage que sur les hauts magistrats. L'homme avait fait acheminer dans son tribunal de Talahassee près de un million de bulletins de vote, dont 14 000 des comtés de Miami-Dade et Palm Beach. Ceux-là même que les juristes du candidat démocrate voulaient faire manuellement recompter, dans l'espoir d'y trouver de quoi arracher la victoire.

Quelques heures après ses pairs de Washington, le «petit» juge a cogné à son tour : «Le tribunal estime que les plaignants ont échoué à apporter la nécessaire charge de la preuve», a-t-il déclaré, ajoutant que les avocats du vice-président n'ont pas pu établir «une probabilité raisonnable que les résultats de l'élection dans l'Etat de Floride seraient différents des résultats certifiés» en cas de nouveau décompte. Dans les minutes qui ont suivi, les avocats de Al Gore ont fait appel de la décision auprès de la cour suprême de Floride, sollicitée pour la seconde fois en quelques heures, et qui se profile comme l'ultime arbitre d'une course folle.

Recours toujours possibles

«Ils ont gagné, nous avons perdu. Nous faisons appel. Ce sera tranché par la cour suprême de Floride et je pense que ce sera la fin de la bataille», a concédé l'avocat vedette de l'équipe Gore, David Boies. «Quel que soit le gagnant devant la cour suprême de Floride, nous l'accepterons», a promis l'homme de loi, avant d'ajouter, rassurant : «Nous avons fait un pas de plus vers le résultat final». Un pas supplémentaire, mais un pas seulement, car les trésors de recours offerts par le système judiciaire américain ne sont pas épuisés, n'en déplaise à George W. Bush. «Le vice-président va devoir prendre la décision qu'il juge nécessaire, a déclaré le candidat républicain. Et je sais que l'intérêt supérieur du pays sera important pour lui

En Floride, plusieurs procès pourraient encore renverser les choses, et donner à Al Gore les 25 grands électeurs qui feront la différence. Dans le comté de Seminole, un militant démocrate accuse des employés du parti républicain d'avoir trafiqué des demandes de bulletin de vote. Il réclame que des milliers de votes par correspondance, qui seraient majoritairement en faveur de Bush, soient annulés. Plus étrange, à Washington, la justice enquête sur des plaintes selon lesquelles de nombreux électeurs noirs de Floride, traditionnellement pour Gore, ont été empêchés de voter.

Au cas où les choses tourneraient mal pour eux sur le terrain juridique, les Républicains gardent un atout dans leur manche. Le parlement de Floride qu'ils dominent n'exclut pas de nommer lui-même, d'autorité, les grands électeurs tant convoités. Le temps joue désormais contre le vice-président, qui n'a plus qu'une semaine devant lui pour trouver une issue honorable. Car de plus en plus, les recours en justice risquent d'apparaître comme des man£uvres dilatoires, aux yeux d'une opinion publique impatiente d'avoir un président légitime.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 05/12/2000