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Côte d''Ivoire

Scrutin calme à Abidjan <br>mais perturbé dans le nord

Les élections législatives se sont tenues dans le calme dimanche à Abidjan. Dans la capitale économique, les électeurs n'étaient pas présents en masse dans les bureaux de vote. En revanche, dans le nord du pays où les partisans du RDR d'Alassane Ouattara sont nombreux, les opérations de vote n'ont pas pu avoir lieu dans une trentaine de circonscriptions. Les autorités ivoiriennes affirment vouloir organiser le vote lundi dans certaines d'entre elles.
Dans une école primaire du quartier d'Adjamé, on attend patiemment. Il est 8h30, l'établissement scolaire a été transformé en bureau de vote. Tout est là, l'urne, les bulletins, l'encre violette pour l'empreinte digitale. Seul manque l'isoloir. Les rares électeurs matinaux en ce dimanche font demi-tour. Ils reviendront plus tard, lorsque la CNE, la Commission nationale électorale, aura livré cet élément.

A quelques rues de là, dans le même quartier, trois policiers en treillis, armés, sont postés devant l'école de la mission libanaise du Sacré C£ur. Le ministre de l'Intérieur avait prévenu la veille en annonçant le rejet des propositions du RDR et la tenue du scrutin : un dispositif de sécurité serait mis en place aux abords des lieux de vote. Mais on ne constate pas de déploiement particulièrement massif d'hommes couleur kaki.

Dans la cour de l'école, une file d'attente clairsemée. Il n'a y a pas foule et on palabre. Thierry, âgé d'une quarantaine d'années, est un Ebrié, (population du sud-est). « On est là pour dire que l'on a pas peur d'Alassane ! Je suis PDCI, j'avais voté FPI aux présidentielles. Le RDR n'est pas un parti », dit-il. Faisant allusion aux troubles qui agitent la Côte d'Ivoire, il poursuit : « depuis quarante ans on n'avait pas vu ça. C'est traumatisant, c'est aux hommes politiques de ramener le paix. Ce serait une bonne chose que Bédié revienne, c'est un fils du pays ».

Son voisin renchérit aussitôt « le cas Ouattara est pathétique, il fait la cour aux gens. L'ivoirité est une bonne chose, ici on est écrasés par les étrangers ». Quand on lui demande s'il s'agit de xénophobie, cet électeur rétorque « c'est un débat national, il faut que ça soit réservé aux nationaux, car en fin de compte les étrangers vont prendre la Côte d'Ivoire ».

Temps orageux

Changement de quartier, direction Abobo. Au pied de la mosquée, le marché bat son plein, comme une journée normale. Le temps est lourd, l'orage au bord d'éclater. Dans l'école Banco, le policier s'est assoupi. On vote tranquillement. Quand on interroge les responsables sur le faible nombre d'électeurs présents dans l'établissement scolaire, on nous répond que c'est l'heure de la messe. Un homme prend la parole pour démontrer la « responsabilité » de la presse dans les événements. Elle « pollue les esprits » affirme-t-il. On ne sait s'il s'agit de la presse ivoirienne ou internationale. Mais régulièrement, la presse étrangère est fustigée, accusée de partialité. Le ton est souvent passionné. La tension perceptible.

Port Bouet, autre quartier d'Abidjan. L'armée est présente à un carrefour. Dans un bureau de vote, l'atmosphère est chargée. Les électeurs tiennent les mêmes discours. Devant la caméra d'AITV, une femme explique que le RDR « c'est le Rassemblement des Dioulas Révolutionnaires ». « Je n'aime pas les gens du Nord, dit une autre, parce qu'au lieu d'aller à l'église le dimanche, ils font des affaires et continuent à vendre des oignons au marché ». Le différend serait une affaire de croyances religieuse, selon elle. Mais un jeune homme n'est pas d'accord et fait non de la tête. Il explique, loin de la caméra, qu'il est originaire de la région de Man, vers l'est, au centre du pays, proche de la Guinée. « Les gens du Nord sont accueillants, ce sont des commerçants avant tout. Ils ne sont pas sédentaires et bougent beaucoup à travers le pays. Je regrette l'appel au boycott lancé par le RDR. Nous avons besoin d'un parlement, de députés ».

Et puis il y a cet homme qui lâche « moi, je n'ai pas voté. Après tout ce qu'on a vécu, à quoi ça sert ? » Le climat se fait de plus en plus oppressant. Quelques heures plus tard, l'orage éclate sur Abidjan.



par Sylvie  Berruet

Article publié le 10/12/2000