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Côte d''Ivoire

Tentative de coup d'Etat

Moins de trois mois après son arrivée au pouvoir, le régime de Laurent Gbagbo a fait face à une tentative de coup de force dans la nuit de dimanche 7 au lundi 8 janvier. En début de matinée, les forces gouvernementales avaient repris le contrôle de la radio-télévision dont s'étaient emparés des soldats mutins dans la nuit de dimanche à lundi. Mais cette attaque rappelle la fragilité de la situation politique en Côte d'Ivoire.
Le scénario est tristement familier. Et il évoque une période que les Ivoiriens voudraient bien oublier. Dans la nuit de dimanche à lundi, des tirs intenses ont été entendus non loin du centre d'Abidjan, la capitale économique ivoirienne. Des assaillants, qui cherchaient visiblement à renverser le président Gbagbo, se sont emparés de la radio, dans le centre administratif du plateau, et de la télévision nationale, dans le quartier de Cocody.

En début de matinée, le ministre ivoirien de l'Intérieur, Emile Boga Doudou, interrogé par RFI, a indiqué que les forces gouvernementales ont repris le contrôle de la télévision nationale. Peu après trois heures du matin, sur l'une des trois fréquences de la radio nationale, un porte-parole non identifié, affirmant parler au nom des mutins, avait annoncé qu'ils tenaient la radio et la télévision et appelé leurs «frères d'armes à les rejoindre». Mais ils auraient été encerclés dès 3 h 30 par des forces loyalistes. La reprise de la télévision, puis de la radio, plus tard dans la matinée, s'est faite au prix de violents combats entre forces loyalistes et putschistes. Deux gendarmes au moins ont été tué et on compterait plusieurs morts parmi les assaillants.

Selon l'AFP, la résidence officielle du président de la république et le camp de gendarmerie d'Agban ont également fait l'objet d'attaques. Située à l'entrée du quartier d'Adjamé, près du centre ville, la caserne aurait subi l'assaut de plusieurs dizaines d'hommes armés arrivés à bord de voitures banalisées. Selon un témoignage recueilli par RFI Internet, les attaquants auraient essayé d'empêcher les gendarmes, qui disposent de plusieurs blindés, de sortir du camp, avant d'être repoussés.

Incertitude sur l'identité des assaillants

L'identité des auteurs de ce qui apparaît comme une tentative de coup d'Etat contre le régime de Laurent Gbagbo n'était pas clairement établie en fin de journée. Au micro de RFI, le ministre de l'Intérieur Emile Boga Doudou a affirmé détenir des éléments qu'il a refusé de révéler. Son collègue de la défense Moïse Lida Kouassi a toutefois indiqué qu'un des assaillants de la résidence de l'ex-chef de la junte ivoirienne Robert Gueï, en septembre 2000, a participé à l'attaque de la nuit dernière. Plusieurs dizaines de personnes ont été interpellées et sont en cours d'interrogatoire. La télévision nationale a par ailleurs montré les documents d'identité de certains attaquants, présentés comme des militaires nigériens.

Apparemment, les dirigeants ivoiriens n'ont pas été pris par surprise. Laurent Gbagbo était en dehors d'Abidjan au moment de la tentative et plusieurs ministres ont indiqué à l'AFP avoir été alertés depuis plusieurs jours de l'imminence d'un coup de force. Mais cette attaque rappelle la fragilité de la situation politique en Côte d'Ivoire, moins de trois mois après le départ de la junte militaire. Le pouvoir vient d'annoncer la tenue, le 14 janvier prochain, d'élections législatives partielles dans plusieurs circonscriptions du nord du pays, où elles n'avaient pu se tenir le 10 décembre dernier, en raison de l'agitation politique. Or, la participation du RDR de l'ancien premier ministre Alassane Ouattara, qui avait boycotté le scrutin, est toujours incertaine, alors que l'ancien parti unique, le PDCI, refuse de siéger au parlement, tant que les vingt-six sièges restant à pourvoir seront vacants.

Les événements de la nuit de dimanche à lundi vont inévitablement soulever la question du rôle de l'armée ivoirienne, dans une Côte d'Ivoire revenue à un régime civil. Bien qu'officiellement rentrés dans les casernes, les militaires restent un élément clé de la politique ivoirienne. Outre le soulèvement populaire, c'est grâce à leur ralliement, le 25 octobre 2000, que Laurent Gbagbo a pu accéder à la présidence. La nomination au poste de chef d'Etat-major du général Mathias Doué, ancien numéro quatre de la junte militaire, dans les jours qui ont suivi l'investiture du nouveau chef de l'Etat, avait d'ailleurs été interprétée comme un gage donné au pouvoir militaire sortant. Mais face à une situation politique tendue, l'armée, manifestement toujours en proie à des divisions internes, demeure un dangereux facteur d'instabilité en Côte d'Ivoire.





par Christophe  Champin

Article publié le 08/01/2001