Congo démocratique
Aldo Ajello: «Certains obstacles ne sont plus là»
Trois questions à Aldo Aiello, envoyé spécial de l'Union européenne pour la région des Grands Lacs
RFI : Quelles conséquences peut avoir la mort de Laurent Désiré Kabila sur le processus de paix en RDC ?
Aldo Ajello -. Il y aura certainement une phase de blocage, de pause, pour permettre à la situation de se décanter et de se clarifier. On est en présence d'une situation complètement nouvelle, inattendue l'assassinat d'un président est un événement traumatique. Il y aura donc cette phase de clarification mais en même temps, il ne faut pas qu'elle soit trop longue, car les choses pourraient se détériorer.
C'est à cause de cela que nous avons fait une première chose, qui est de lancer un appel très fort à tous les belligérants de la guerre du Congo démocratique pour qu'ils fassent preuve de retenue en arrêtant toute activité militaire et même toute préparation d'activité militaire. C'est un point essentiel sur lequel je suis sûr que la communauté internationale sera absolument unie et ferme. Il faut respecter le cessez-le-feu, qui ne l'a jamais été jusqu'à présent. Je pense que les déclarations qu'on a écouté jusqu'à présent, et surtout la déclaration de Jean-Pierre Bemba, leader du Mouvement de libération du Congo (MLC), est assez rassurante dans ce domaine-là, car il demande lui aussi le respect du cessez-le-feu.
Donc, on espère que tout le monde le fera. En même temps il faudra voir rapidement quelles sont les conditions pour mettre en marche le plus tôt possible le dialogue intercongolais prévu par les accords de Lusaka.
La mort de Laurent Désiré Kabila peut-elle débloquer le processus ?
Je le croîs. Certains obstacles qui existaient ne sont plus là. Le principal était que la dynamique de dialogue prévue à Lusaka avait donné l'impression à Kabila qu'elle était conçue pour le sortir du pouvoir. Si le président Kabila n'est plus là je crois que ce problème n'existe plus. Il y aura d'autres problèmes à examiner, mais ce mécanisme ne préoccupe plus personne. Donc on pourrait démarrer le dialogue intercongolais dans un futur proche.
Mais il faut aussi regarder l'aspect régional du problème. Il est indispensable qu'au-delà de toutes les médiations en cours, il y ait une initiative politique plus forte de la part des Nations Unies et de l'OUA. Nous essayerons d'encourager les deux secrétaires généraux à se mettre en marche dans cette direction. J'en ai déjà parlé au secrétaire général de l'OUA, qui a manifesté son accord, on en parlera d'ici quelques jours au secrétaire général de l'ONU.
Le président du conseil de sécurité devrait convoquer une réunion d'ici le 15 février. Cette réunion était déjà prévue avant les événements mais elle n'en est maintenant que plus nécessaire.
La dialogue intercongolais dont vous parlez prévoit une transition. Pour l'heure, c'est le fils de Laurent-Désiré Kabila qui est à la tête du pays. Quelles évolutions peut-on attendre dans l'immédiat?
Je crois que la décision des dirigeants congolais de nommer Joseph Kabila est le résultat d'une volonté d'éviter toute déstabilisation à Kinshasa et dans le reste du pays, en essayant de donner l'impression d'une certaine continuité. Je crois que la décision a été assez appropriée, car Kinshasa est restée calme.
La nomination a néanmoins été faite en considérant que son père était toujours vivant. C'était une nomination à titre d'interim. Dans la mesure où il est mort, ils vont devoir trouver le président qu'ils souhaitent, décider du rôle qu'il va devoir jouer et dans quelle mesure il sera capable de lancer le débat intercongolais. Ce dernier devrait aboutir à la mise en place d'un parlement de transition et d'une constitution de transition. Ensuite, tout cela devrait préparer la tenue d'une élection. Mais celle-ci ne peut pas se faire en un jour. Il faudra au moins deux ans pour préparer un tel scrutin.
La RDC figurait en tête des dossiers devant être discutés à Yaoundé. Est-ce qu'on peut encore envisager une initiative avant la fin du sommet ?
Il est inévitable qu'on discute de cette question. Une chose est d'en parler, une autre est d'imaginer des solutions pour lesquelles on a besoin des protagonistes qui ne sont pas là. Mais, en leur absence, un certain nombre de choses peuvent tout de même se faire.
par Propos recueillis par Christophe CHAMPIN
Article publié le 19/01/2001