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L''affaire Elf

Le ministre, sa maîtresse et les pétroliers devant les juges

Roland Dumas, ex-président du Conseil constitutionnel et ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand, comparaît depuis lundi avec six autres prévenus (dont Loïk Le Floch-Prigent, ancien PDG d'Elf) dans l'un des volets de l'affaire Elf : celui des salaires présumés fictifs, avantages et commissions versés par la société pétrolière française à son ex-maîtresse, Christine Deviers-Joncour, entre 1989 et 1993. Le procès devrait s'étaler sur quatre semaines.
En raison de l'état de santé de Roland Dumas, âgé de 78 ans, ce procès qui devait se tenir l'année dernière, commence seulement ce lundi. L'ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand et ex-président du Conseil constitutionnel qui comparaît devant le tribunal correctionnel de Paris, est soupçonné d'avoir favorisé l'embauche, dans des sociétés d'Elf, de son ex-maîtresse, Christine Deviers-Joncour, qui a perçu entre 1989 et 1993 des salaires confortables de complaisance ainsi que 14 millions de francs pour acquérir un somptueux appartement à Paris.

Il ne s'agit là que de l'un des volets de l'affaire Elf, toujours en cours d'instruction. Roland Dumas est également accusé d'avoir accepté, en connaissance de cause, les cadeaux faits par son amie sur le compte d'Elf. Pour ces faits, il risque ainsi que les six autres prévenus, cinq ans d'emprisonnement et 2,5 millions de francs d'amende.

Outre Roland Dumas et Christine Deviers-Joncour, cinq autres prévenus seront à leurs côtés au procès : l'ancien PDG d'Elf-Aquitaine International (EAI) de 1989 à 1993, Loïk Le Floch-Prigent, l'ex-PDG d'Elf-Gabon, André Tarallo, l'homme d'affaires Gilbert Miara, l'ex-dirigeant d'EAI, Jean-Claude Vauchez et pour finir le bras droit de Le Floch-Prigent, Alfred Sirven, toujours en fuite aux Philippines mais qui devrait cependant être jugé par défaut. Tous sont accusés d'abus de biens sociaux et/ou de recel de complicité.

Roland Dumas, qui n'a cessé de clamer son innocence, nie par ailleurs avoir fait embaucher Christine Deviers-Joncour par Elf et d'avoir profité des sommes versées par le groupe pétrolier à son ex-maîtresse.

Des anciens Premiers ministres à la barre

Roland Dumas citera une dizaine de témoins, parmi lesquels Pierre Mauroy et Michel Rocard, tous deux anciens Premiers ministres de François Mitterrand mais aussi Michel Charasse et Roger Fauroux, anciens ministres socialistes, un ex-directeur de la Direction de la surveillance du territoire (DST) et quatre ambassadeurs «pour dire la vérité» a déclaré Jean-René Farthouat, avocat de l'ancien président du Conseil constitutionnel.

Ces «invités» de marque seront sans doute amenés à s'exprimer sur l'affaire des frégates vendues en août 1991 par Thomson à Taiwan. Un dossier qui ne sera pas jugé dans cette procédure mais qui devrait, cependant, être omniprésent. En effet, Christine Deviers-Joncour aurait été rémunérée par Elf à hauteur de 45 millions de francs, pour faire du lobbying auprès de Roland Dumas, alors ministre des Affaires étrangères, et infléchir ainsi son veto sur la vente de ces frégates, malgré le risque de voir la Chine s'offusquer. Dans ce dossier, Christine Deviers-Joncour est mise en examen dans le cadre d'une information distincte, pour tentative d'escroquerie d'Elf aux dépens de Thomson. Sur ce volet, les juges d'instruction n'ont jamais inquiété Roland Dumas de manière à ne pas être désaissis de l'instruction au profit de la Cour de justice de la République, seule habilitée à juger les crimes et délits commis par des ministres dans le cadre de leurs fonctions.

Ce procès risque d'avoir un goût d'inachevé en l'absence du personnage clé de l'affaire, Alfred Sirven.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 22/01/2001