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L''affaire Elf

Dumas offensif, Deviers-Joncour offensée

Les trois premières journées d'audience du procès de Roland Dumas, ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand, viennent de s'achever. Christine Deviers-Joncour, Loïk Le Floch-Prigent, André Tarallo et enfin Roland Dumas ont été appelés à la barre. Le procès qui se déroule sur un mois, à raison de trois après-midi par semaine, reprendra lundi prochain.
Après Christine Deviers-Joncour lundi, Loïk Le Floch-Prigent et André Tarallo mardi, ce fut au tour mercredi après-midi de Roland Dumas de venir témoigner à la barre du tribunal correctionnel de Paris. L'ancien président du Conseil constitutionnel et ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand est poursuivi ainsi que son ex-maîtresse, Christine Deviers-Joncour, pour corruption dans l'un des volets de l'affaire Elf.

Lundi, la première journée d'audience du «procès Dumas» a bien mal commencé pour l'intéressé. Avant le début du procès, il avait cité comme témoin Michel Rocard, Premier ministre à l'époque des faits, et Michel Charasse, alors ministre du Budget, pour qu'ils «disent la vérité». Mais ce fut en vain: les deux hommes ont décliné l'offre. Le premier affirmant n'avoir «rien à dire» et le second évoquant un «problème d'emploi du temps». Christine Deviers-Joncour, ex-maîtresse de Dumas, est la première à subir un interrogatoire sur des salaires, avantages en nature et commissions versés par le Elf. «La Putain de la République» comme elle s'est elle-même qualifiée dans un ouvrage, s'explique sur ces relations de travail avec Alfred Sirven, ex-numéro deux d'Elf: «oui, j'ai travaillé (à) j'étais à la disposition de Sirven 24 heures sur 24! Alfred me parlait des choses à faire. Je prenais des notes, puis je partais au Quai d'Orsay et j'attendais un moment où Roland Dumas pouvait me recevoir». A ce moment, Roland Dumas et Loïk Le Floch-Prigent échangent des hochements de tête et des sourires amusés. A l'issue de cette journée, Christine Deviers-Joncour n'a pas réellement convaincu mais a minimisé le rôle joué par son ex-amant, contrairement à ces déclarations lors de l'instruction.

Mardi, l'objectif de la deuxième journée, était de déterminer le rôle joué par les dirigeants de la compagnie pétrolière pour l'embauche entre 1989 et 1993 de Christine Deviers-Joncour. Loïk Le Floch-Prigent, ancien PDG d'Elf Aquitaine et André Tarallo, le «Monsieur Afrique» du groupe se succèdent à la barre. Le premier contredit lourdement les affirmations la veille faites par l'ex-maîtresse de Roland Dumas en affirmant avoir été nommé à la tête d'Elf par François Mitterrand en personne dédouanant ainsi l'ancien ministre des Affaires étrangères tandis que le second l'enfonce en expliquant, en effet, avoir signé le premier contrat d'embauche de Deviers-Joncour sur ordre d'Alfred Sirven «à la demande de Roland Dumas».

Roland Dumas à la barre

Attentif et silencieux sur le banc des prévenus depuis le début du procès, Roland Dumas sort habilement, mercredi, sa plaidoirie en espérant convaincre la présidente du tribunal. Sa défense est double: il nie toute intervention dans l'embauche de son ex-amie et affirme n'avoir jamais tiré profit de son train de vie de quelque façon que ce soit: «Je n'ai jamais demandé à personne d'embaucher Madame Deviers-Joncour. Je ne l'ai pas fait ni oralement ni par écrit. Si j'avais eu envie de le faire, je n'aurais pas sollicité Monsieur Sirven mais me serais adressé directement au président d'Elf» a-t-il déclaré.

Interrogé pour la première fois depuis l'ouverture du procès, Roland Dumas révèle que c'est pour lui «un crève c£ur» de comparaître en justice avant d'ajouter «courir le risque d'un déshonneur à mon âge est une réalité insoutenable». Après avoir nié en bloc son implication dans l'embauche de son ex-maîtresse, combatif et agressif il s'en prend aux juges Eva Joly et Laurence Vichnievsky, celles-là même qui ont mené l'instruction: «Les juges d'instruction étaient plus intéressées par les lettres anonymes qui arrivaient sur leur bureau plutôt que de chercher à vérifier la vérité des choses» mais aussi aux médias: «cela fait quatre années, que je subis la pression médiatique chaque jour».

Mercredi, c'était également au tour de Pierre Mauroy, Premier ministre de François Mitterrand de 1981 à 1984 et actuel maire de Lille, de venir témoigner en tant que témoin cité par Roland Dumas.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 25/01/2001