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L''affaire Elf

Dumas nie tout sans vraiment convaincre

Après une première semaine consacrée aux salaires et avantages perçus par Christine Deviers-Joncour du groupe pétrolier Elf, les débats portent cette fois sur deux commissions d'un montant total de 59 millions de francs que la compagnie pétrolière a versé à «La Putain de la République» et dont Roland Dumas est accusé d'avoir profité. Les audiences de cette semaine portent également sur les fameuses statuettes offertes à l'ancien chef de la diplomatie française.
Après une première semaine tranquille, Roland Dumas s'est expliqué lundi sur les commissions de 14 et 45 millions de francs versées par Elf à Christine Deviers-Joncour. En a-t-il profité ? Etait-il au courant de la provenance de ces fonds ? L'appartement de la rue de Lille, financé par le groupe pétrolier, lui était-il destiné en échange de la nomination présumée de Loïk Le Floch-Prigent chez Elf ? C'est à toutes ces questions que les prévenus répondent cette semaine.

Lundi, le tribunal de Paris a donc examiné le premier virement d'un montant de 14 millions de francs, effectué en mars 1991 et destiné à l'achat par Christine Deviers-Joncour, d'un appartement dans l'un des beaux quartiers de la capitale française. Sophie Portier, la présidente du tribunal, cherche à connaître le degré d'implication de Roland Dumas dans cet achat immobilier. «Oui» affirme l'ex-maîtresse, Roland Dumas était au courant de la promesse formulée par Alfred Sirven (alors numéro deux d'Elf Aquitaine International) : l'appartement pour le ministre en échange de la nomination de Loïk Le Floch-Prigent à la présidence d'Elf en 1989. «Roland Dumas savait-il comment l'appartement était financé ?» insiste Sophie Portier, la réponse fuse claire et limpide «Oui» répond «La Putain de la République».

Quant au second virement de 45 millions de francs, dissimulé en Suisse, il correspond à la commission versée par Elf à Christine Deviers-Joncour pour ses bons et loyaux services concernant l'affaire des frégates vendues par Thomson à Taiwan en 1991. «Ce n'est pas moi qui ait fait lever le veto, c'est évident» explique-t-elle avant d'ajouter : «Je ne veux pas qu'on me donne trop d'importance mais si ce contrat s'est fait, c'est grâce à moi».

Alors que l'ex-maîtresse de Roland Dumas se débat dans ses explications, Loïk Le Floch-Prigent, ancien PDG d'Elf, et l'ancien chef de la diplomatie française, échangent, sur le banc des accusés, des sourires moqueurs.

Mais qui a donc signé les ordres de virements ?

Mardi, le procès s'est poursuivi avec les auditions de Roland Dumas et de Loïk Le Floch-Prigent et a été marqué par la virulente dénonciation des lacunes de l'instruction par les avocats de plusieurs prévenus. La défense de l'ex-PDG du groupe pétrolier a gagné quelques points en notant que le donneur d'ordre des deux virements de 14 et 45 millions de francs versés à Christine Deviers-Joncour restait inconnu.

Lors de la cinquième journée d'audience, l'ancien ministre de François Mitterrand s'est retranché derrière une position défensive et a nié fermement avoir influencé d'une façon ou d'une autre Elf pour l'achat d'un appartement au profit de Christine Deviers-Joncour, comme le lui reproche l'accusation. Evoquant son emploi du temps de ministre qui l'amenait à voyager très souvent, Roland Dumas déclare : «Je me réveillais sans même savoir où j'étais. Et vous pensez que je me préoccupais de savoir si Mme Deviers-Joncour avait reçu de l'argent ? Eh bien non !» rétorque-t-il à la présidente du tribunal.

A l'évocation de la commission de 45 millions de francs, le sang froid de Roland Dumas est soumis à rude épreuve : «Je lui ai fait comprendre que je ne changerais pas de point de vue» déclare t-il, quelque peu ébranlé.

Mercredi, Roland Dumas devra s'expliquer, cette fois, sur les statuettes, acquises par son ex-maîtresse, aux enchères de Drouot en 1990. Aux juges, cette dernière avait affirmé que son amant connaissait l'origine des fonds avec lesquels elle lui a fait ce cadeau.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 31/01/2001