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L''affaire Elf

Sirven : missions et commissions occultes

Alfred Sirven, l'ex-directeur d'Elf Aquitaine International (EAI), et personnage incontournable de l'affaire Elf, vient d'être arrêté aux Philippines, où il était en fuite depuis trois ans. Portrait d'un homme de l'ombre à la réputation sulfureuse et au destin romanesque.
C'est un homme de 74 ans, fatigué par sa longue cavale, qui vient d'être arrêté, vendredi, à Manille aux Philippines. Considéré comme le mauvais génie de l'affaire Elf, instruite par les juges Eva Joly et Laurence Vichnievsky, Alfred Sirven a eu un destin romanesque.

Né en 1927, à Toulouse, dans une famille bourgeoise (son père était un riche industriel de la région), Alfred Sirven s'engage, à 17 ans, dans la Résistance avant de servir dans les forces de l'ONU en Corée, où il fut plusieurs fois blessé. Cet aventurier s'improvise également braqueur de banques au Japon et même quelques temps instituteur en Normandie. De retour en France, il reprend ses études de droit. Il est ensuite engagé par le groupe pétrolier Mobil Oil, avant de rejoindre la société Moulinex puis de 1983 à 1986, Rhône Poulenc où il rencontre Loïk Le Floch-Prigent, alors dirigeant de la compagnie.

Les deux hommes s'apprécient et lorsque Le Floch-Prigent prend la tête d'Elf en 1989, Alfred Sirven le suit tout naturellement et se voit propulsé directeur en charge des affaires générales (en fait le numéro deux du groupe pétrolier). Décrit comme un homme affable, volubile et aux amitiés politiques éclectiques, Alfred Sirven qui travaille dans l'ombre est pourtant contesté pour ses méthodes. Le numéro deux d'Elf a généreusement rétribué bon nombre de personnalités dont Christine Deviers-Joncour, pour s'assurer des reconnaissances diverses. Lorsque l'affaire Elf débute au milieu des années 90, la justice ne semble pas prendre conscience immédiatement du rôle déterminant de cet homme au demeurant discret.

Une cavale bien orchestrée

Alors que Loïk Le Floch-Prigent est mis en examen et placé en détention provisoire en juillet 1996, le premier mandat d'arrêt international contre Sirven ne sera délivré qu'en mai 1997. Mais à la suite d'un raté judiciaire et d'une incroyable série de dysfonctionnements, ce n'est qu'en janvier 1999 que ce mandat fera l'objet d'une diffusion dans les 117 pays affiliés à Interpol.

Au grand dam de la justice, ce seront des journalistes de Paris-Match, qui les premiers retrouveront sa trace aux Philippines et publieront durant l'année 1999 des articles qui amèneront les juges Joly et Vichnievsky à délivrer une commission rogatoire internationale pour tenter de le localiser.

Depuis les recherches engagées par la police philippine et par des policiers français envoyés sur place s'étaient révélées infructueuses. Des recherches rendues d'autant plus difficiles que le «French fugitive», comme l'on surnommé les Philippins, avait accumulé une fortune colossale au détriment du groupe Elf, lui permettant ainsi de s'assurer la complicité active du clan de Vilma Medina, son ancienne employée à Paris, devenue par la suite sa compagne de cavale.

En octobre 2000, il échappe de peu aux enquêteurs, relançant de nouveau les interrogations et les spéculations sur d'éventuelles complicités au plus haut niveau de l'Etat français. Celui qui s'était targué d'en connaître assez pour «faire sauter vingt fois la République» vient d'être arrêté après plus de trois ans de cavale.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 02/02/2001