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L''affaire Elf

Alfred Sirven : le chaînon manquant

Arrêté aux Philippines après 3 ans de cavale, Alfred Sirven, personnage central de l'affaire Elf, doit être extradé vers la France où les magistrats attendent de l'interroger sur son rôle dans les faits de corruption, détournement de fonds et autres abus de biens sociaux qui risquent d'éclabousser une partie de la classe politique française à droite comme à gauche.
L'affaire Elf est tentaculaire. Les ramifications du scandale sont innombrables dans le monde politique, économique, en France et à l'étranger. Au c£ur de cet écheveau qu'ont essayé de démêler les juges Eva Joly et Laurence Vichnievsky, une pièce manquait depuis le début de l'instruction. Cette pièce, ce lien entre les multiples volets de cette affaire, c'est le témoignage d'Alfred Sirven.

Numéro deux du groupe pétrolier nationalisé, officiellement directeur des affaires générales de 1989 à 1993, Alfred Sirven était l'homme des missions et des commissions occultes. Arrivé chez Elf en 1989 dans les bagages de Loïk Le Floch-Prigent le nouveau patron de l'entreprise, Alfred Sirven a eu pour tâche d'opérer le partage (principalement en Afrique) des territoires, des prébendes et des privilèges entre les réseaux gaullistes (traditionnellement présents dès les origines au sein de la société) et les réseaux socialistes fidèles au président de l'époque François Mitterrand.

A ce titre, Alfred Sirven était, entre autres, en charge de la filiale « Elf Aquitaine international » (EAI) qui s'était fait une spécialité d'accorder de généreux salaires à des personnalités pour des emplois que la justice, suisse comme française, soupçonne d'être fictifs. Au premier rang des bénéficiaires figurait Christine Deviers-Joncour, alors maîtresse du ministre des Affaires étrangères, Roland Dumas. Au total, les magistrats estiment que plus d'un milliard de francs aurait transité sur comptes bancaires dont disposait Alfred Sirven en Suisse.

Sera-t-il bavard ou silencieux ?

Alfred Sirven est également soupçonné d'avoir joué le rôle d'intermédiaire dans le rachat par Elf de la raffinerie Leuna dans l'ex-Allemagne de l'Est. Une opération qui a donné lieu au versement de commissions occultes destinées au parti chrétien-démocrate du chancelier allemand de l'époque, Helmut Kohl.

Reste à savoir si Alfred Sirven choisira d'être bavard ou silencieux. Une chose est sûre en tout cas, les juges ont beaucoup de questions à lui poser. Et l'homme aujourd'hui âgé de 74 ans sera peut-être lassé de jouer le rôle du bouc émissaire. Depuis qu'il a pris la fuite, il y a trois ans, nombre de protagonistes des différents volets de l'affaire Elf ont effectivement fait porter sur lui la responsabilité des malversations mises au jour. Alfred Sirven voudra peut-être rétablir sa vérité.



par Philippe  Couve

Article publié le 02/02/2001