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Congo démocratique

Kabila joue le dialogue entre Congolais

Des petits pas significatifs mais aussi quelques inconnues de taille. Le sommet de Lusaka du 15 février n'a duré que quelques heures et a été en quelque sorte une réunion préparatoire en vue d'autres rendez-vous concernant l'Afrique centrale. Mais il a permis à Kabila junior d'asseoir son rôle et de prouver qu'il a définitivement choisi de se démarquer de son père. Ce qui confirme que les rapports de force ont bel et bien changé, à quelques jours seulement de la réunion du Conseil de sécurité, les 21 et 22 février prochains à New York.
Le jeune président congolais confirme sa volonté de débloquer le processus de paix, en enlevant deux obstacles majeurs dressés jadis par son père : il a invité l'ex-président botwanais Masire à jouer de nouveau son rôle de « facilitateur » du dialogue inter-congolais et il a accepté que le déploiement des observateurs de l'ONU commence dès le 26 février prochain, en donnant ainsi le feu vert au désengagement des forces étrangères belligérantes (Ouganda, Rwanda et Burundi d'un côté, et de l'autre l'Angola et le Zimbabwe).

Ce double déblocage est vraisemblablement à l'origine des prises de position favorables à Joseph Kabila de tous les mouvements rebelles présents à Lusaka. « En Joseph Kabila, Jean-Pierre Bemba et Adolphe Onusumba Yemba nous avons trois jeunes dirigeants à la philosophie éclairée et qui désirent la paix et le progrès, et ce fait augure bien de l'avenir du processus de paix » a dit Adolphe Onusumba, chef du RCD-Goma (pro-rwandais), l'un de deux principaux mouvements rebelles. Des propos qui tranchent nettement avec ceux qui ont été tenus par tous les leaders de la rébellion au lendemain de l'assassinat de Laurent Kabila, il y a un mois.

Un accord sur le désarmement des miliciens hutus?

L'Ouganda a, de son côté, salué dès vendredi matin « le geste de M. Kabila et espère que le dialogue inter-congolais va pouvoir commencer aussi vite que possible ». A l'occasion du sommet de Lusaka, le MLC de Jean-Pierre Bemba (pro-ougandais) a par ailleurs paraphé l'accord de désengagement des troupes du front, signé début décembre à Harare par tous les autres belligérants. Ceci confirme le rapprochement en cours depuis juin 2000 entre, d'un côté, Kampala et ses alliés (le MLC de Bemba et le RCD-ML de Wamba dia Wamba) et, de l'autre, le gouvernement central de Kinshasa et l'Angola. Alors que les propos très apaisants d'Adolphe Onusumba Yemba (pro-rwandais) sont plus inattendus, car le RCD-Goma a toujours été le plus virulent vis-à-vis de Kinshasa, avant comme après l'assassinat de Laurent Kabila.

Kabila junior avait déjà savouré les louanges de Nelson Mandela, qui voit en lui « un acteur majeur » de la paix dans les Grands Lacs. A Lusaka il a été félicité par presque tous les participants, y compris les rebelles, pour avoir fait avancer le processus de paix. Mais l'un des protagonistes-clé de la longue guerre n'était pas à Lusaka : le président rwandais Paul Kagamé, qui peut de moins en moins compter sur son allié traditionnel, les Etats-Unis. S'agit-il d'un simple contretemps diplomatique ou d'une opposition profonde au processus en cours ? Nous le saurons vraisemblablement la semaine prochaine, à New York, lorsque tous les protagonistes devront abattre leurs cartes, à l'occasion de l'adoption (ou du rejet) d'une résolution du Conseil de sécurité qui pourrait véritablement remettre en marche le processus de paix bloqué depuis le premier sommet de Lusaka, en août 1999.

Mais d'ores et déjà, si l'on en croit l'un des porte-parole du RCD-Goma, « un accord a été réalisé pour désarmer, dans le cadre de l'accord de Lusaka, les forces qui ont perpétré le génocide au Rwanda et sont recherchées par la justice internationale » . Il s'agit de milliers de miliciens hutus qui ont pris fait et cause pour le gouvernement central de Kinshasa depuis le début de l'offensive commune du Rwanda et de l'Ouganda contre Kinshasa, en 1998. Leur désarmement a été constamment réclamé par Paul Kagamé, comme préalable au retrait des troupes rwandaises du Congo démocratique.






par Elio  Comarin

Article publié le 16/02/2001