Argent sale
Le trouble jeu de la Suisse <br> <br>
La mission d'information de l'Assemblée nationale française sur le blanchiment de l'argent sale Europe poursuit ses enquêtes: après le Liechtenstein et Monaco, la Suisse est à son tour sévèrement épinglée. Dans un rapport rendu public le 21 février, les parlementaires français dénoncent le manque de volonté des autorités helvétiques à lever les obstacles juridiques et politiques pour endiguer ce fléau.
«Prédateur de la finance mondiale», pays «associé à la délinquance financière mondiale», la Suisse est lourdement stigmatisée dans le troisième rapport que publie la mission parlementaire française sur la lutte contre le blanchiment des capitaux en Europe. «Il y a un écart entre la façade de droit et la réalité», constate, amer, Vincent Peillon, député socialiste et président de la mission. Constat que reprennent d'ailleurs le titre du rapport: «La lutte contre le blanchiment des capitaux en Suisse: un combat de façade», et la thèse non moins accusatrice: «Une apathie, un manque de volonté, une déficience dans la lutte contre le blanchiment d'argent».
Pour les parlementaires français qui ont enquêté, le laxisme de la Suisse et sa «neutralité rentable» ne sont plus à démontrer. «Si la Suisse donne l'impression de lutter ardemment contre le blanchiment, les résultats obtenus et les moyens engagés par les autorités fédérales font apparaître un retard considérable sur les voisins de l'Union européenne», note le rapport. Ainsi, le Bureau de communication, chargé de recueillir les déclarations de soupçons adressées par les banques et les intermédiaires financiers, ne compte-t-il que quatre personnes û contre des «dizaines, voire des centaines dans les autres pays européens». Entre 1999 et 2000, déplore l'équipe parlementaire, «seulement» 313 déclarations de soupçons, sur les 14.000 milliards de francs français que gèrent les banques helvétiques, ont été faites.
La Suisse s'est dotée d'un dispositif juridique visant à lutter contre le blanchiment d'argent en 1997, soit sept ans après les autres pays européens. Mais il s'agit d'un «dispositif de papier visant à éblouir la communauté internationale», déclare Arnaud Montebourg, rapporteur de la mission. Selon lui, les autorités suisses ne font rien pour soutenir les magistrats indépendants et semblent se complaire dans cette lutte à «géométrie variable». «A Genève et dans le Tessin, indique-t-il, les magistrats ont une culture de l'indépendance à l'égard du pouvoir politique et financier, tandis qu'à Zurich, les magistrats dépendent directement de l'autorité politique, et n'ont pas voulu coopérer».
Complaisance volontaire
Coupable, la Suisse? Les auteurs du rapport expliquent que la complaisance de la Confédération helvétique n'est pas innocente. Elle part de choix volontaires et systématiques: la culture du secret bancaire, une fiscalité hautement attractive ancrée dans l'histoire de la Suisse (90% des sommes venues de l'extérieur n'ont pas été déclarées dans leur pays) et une coopération judiciaire largement entravée. De fait, les députés proposent dans leur rapport, tenu comme «un message d'amitié international à tous ceux qui luttent contre le blanchiment», la levée du secret bancaire et une réglementation de tous les services financiers offerts en Suisse.
Dans un premier communiqué diffusé le 21 février, le ministère suisse des Finances a tenu à «relativiser l'importance et la pertinence des rapports de ce genre». «Les conclusions des parlementaires français sont en contradiction avec les constations faites par les organismes internationaux», souligne-t-on à Berne. Selon le ministère, les secteurs bancaire et non-bancaire sont obligés de se manifester aux autorités lorsqu'il reçoivent des fonds d'origines douteuses.
A ceux qui verraient dans leur travail de mauvaises intentions, les députés ont assuré qu'il ne s'agit pas «d'un rapport de Français à l'égard de leurs voisins européens, et les auditions en France vont se poursuivre». Arnaud Montebourg a d'ores et déjà annoncé la prochaine audition de Jean-Claude Trichet, le gouverneur de la Banque de France. En tant que président de la commission bancaire (organe de contrôle des établissements de crédit), il est accusé de ne pas avoir «joué son rôle tutélaire» sur le système bancaire dans la lutte anti-blanchiment. Cette commission bancaire, qui dépend de la Banque de France, aurait «négocié» directement avec une filiale lyonnaise de la Banque cantonale de Genève (BCGE), impliquée dans une affaire de blanchiment, plutôt que de transmettre le dossier à la justice. «Ce n'est pas de la négligence de la part de la commission bancaire, affirme le socialiste Arnaud Montebourg, mais à l'évidence une véritable complaisance».
Pour les parlementaires français qui ont enquêté, le laxisme de la Suisse et sa «neutralité rentable» ne sont plus à démontrer. «Si la Suisse donne l'impression de lutter ardemment contre le blanchiment, les résultats obtenus et les moyens engagés par les autorités fédérales font apparaître un retard considérable sur les voisins de l'Union européenne», note le rapport. Ainsi, le Bureau de communication, chargé de recueillir les déclarations de soupçons adressées par les banques et les intermédiaires financiers, ne compte-t-il que quatre personnes û contre des «dizaines, voire des centaines dans les autres pays européens». Entre 1999 et 2000, déplore l'équipe parlementaire, «seulement» 313 déclarations de soupçons, sur les 14.000 milliards de francs français que gèrent les banques helvétiques, ont été faites.
La Suisse s'est dotée d'un dispositif juridique visant à lutter contre le blanchiment d'argent en 1997, soit sept ans après les autres pays européens. Mais il s'agit d'un «dispositif de papier visant à éblouir la communauté internationale», déclare Arnaud Montebourg, rapporteur de la mission. Selon lui, les autorités suisses ne font rien pour soutenir les magistrats indépendants et semblent se complaire dans cette lutte à «géométrie variable». «A Genève et dans le Tessin, indique-t-il, les magistrats ont une culture de l'indépendance à l'égard du pouvoir politique et financier, tandis qu'à Zurich, les magistrats dépendent directement de l'autorité politique, et n'ont pas voulu coopérer».
Complaisance volontaire
Coupable, la Suisse? Les auteurs du rapport expliquent que la complaisance de la Confédération helvétique n'est pas innocente. Elle part de choix volontaires et systématiques: la culture du secret bancaire, une fiscalité hautement attractive ancrée dans l'histoire de la Suisse (90% des sommes venues de l'extérieur n'ont pas été déclarées dans leur pays) et une coopération judiciaire largement entravée. De fait, les députés proposent dans leur rapport, tenu comme «un message d'amitié international à tous ceux qui luttent contre le blanchiment», la levée du secret bancaire et une réglementation de tous les services financiers offerts en Suisse.
Dans un premier communiqué diffusé le 21 février, le ministère suisse des Finances a tenu à «relativiser l'importance et la pertinence des rapports de ce genre». «Les conclusions des parlementaires français sont en contradiction avec les constations faites par les organismes internationaux», souligne-t-on à Berne. Selon le ministère, les secteurs bancaire et non-bancaire sont obligés de se manifester aux autorités lorsqu'il reçoivent des fonds d'origines douteuses.
A ceux qui verraient dans leur travail de mauvaises intentions, les députés ont assuré qu'il ne s'agit pas «d'un rapport de Français à l'égard de leurs voisins européens, et les auditions en France vont se poursuivre». Arnaud Montebourg a d'ores et déjà annoncé la prochaine audition de Jean-Claude Trichet, le gouverneur de la Banque de France. En tant que président de la commission bancaire (organe de contrôle des établissements de crédit), il est accusé de ne pas avoir «joué son rôle tutélaire» sur le système bancaire dans la lutte anti-blanchiment. Cette commission bancaire, qui dépend de la Banque de France, aurait «négocié» directement avec une filiale lyonnaise de la Banque cantonale de Genève (BCGE), impliquée dans une affaire de blanchiment, plutôt que de transmettre le dossier à la justice. «Ce n'est pas de la négligence de la part de la commission bancaire, affirme le socialiste Arnaud Montebourg, mais à l'évidence une véritable complaisance».
par Luc Ngowet
Article publié le 21/02/2001