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Congo démocratique

L'ONU parie sur la paix

Sous l'impulsion de la France, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté à l'unanimité une résolution prévoyant un calendrier de retrait des belligérants. Ils doivent se retirer à 15 km de la ligne de front dès le 15 mars, avant de présenter un plan de retrait complet le 15 mai prochain. Dans le même temps, la Mission de l'ONU, aux effectifs réduits, pourra se déployer pour observer le désengagement.
De notre correspondant à New York

Pour donner une nouvelle chance au processus de paix , le Conseil de sécurité a montré une belle unanimité. Ses 15 membres ont voté jeudi une résolution qui entérine l'accord des principaux protagonistes (six pays, trois mouvements rebelles) sur un plan de désengagement progressif. Dès le 15 mars, les belligérants devront se retirer à 15 km de la ligne de front, en moins de deux semaines. Ils seront ainsi séparés par une zone démilitarisée, normalement suffisante pour éviter des accrochages.

La Monuc, la Mission de l'ONU au Congo démocratique, entre alors en action. Jusque là, ses effectifs autorisés étaient de de plus de 5 500 hommes, mais 200 seulement étaient déployés pour cause d'obstruction de la part de l'ancien président Laurent-Désiré Kabila. Le conseil de sécurité les a ramenés à 3000, dont près de 500 observateurs, au prétexte que les protagonistes n'ont pas montré d'hostilité à l'égard des casques bleu. "Si nous voulions imposer la paix comme nous l'avons fait au Kosovo, il nous faudrait des dizaines, voire des centaines de milliers d'hommes", explique Jean-David Levitte, ambassadeur français à l'ONU. Kofi Annan a donné un autre éclairage en expliquant que "les pays contributeurs de troupes pour les opérations de maintien de la paix ne sont pas convaincus qu'ils devraient risquer la vie de leurs soldats dans des circonstances où les principaux responsables ne s'engage pas eux-mêmes de manière crédible." Au besoin toutefois, les effectifs seront augmentés, notamment dans l'éventualité du déploiement d'une force à la frontière du Rwanda.

Aux alentours du 15 mai, le Conseil de sécurité devrait se rendre dans la région pour que les partis en présence exposent leurs plans de retrait complet. Cette visite serait pour la communauté internationale une façon de montrer sa détermination. "Le retrait à 15 kilomètres n'est qu'une première étape, prévient Jean-David Lévitte. Il faudra que dans une deuxième étape s'engage le retrait complet, total, de toutes les troupes étrangères à commencer par celles de l'Ouganda et du Rwanda." C'était un des principaux soucis de la France, qui s'est attelée à la rédaction de la résolution en un temps record, reprenant ainsi la main dans la région des Grands lacs. L'allié américain se montrant plus tiède depuis que l'administration Bush est au pouvoir, le Rwanda a jugé bon de renouer avec la France. Avant de se rendre à New York, son ministre des affaires étrangères André Bumaya a rendu visite à Paris à Hubert Védrine, accompagné de son homologue Ougandais.

Profiter de la fenêtre d'ooportunité ouverte par Joseph Kabila

Cette nouvelle résolution du Conseil de sécurité apportera-t-elle un plus, à un processus de paix embourbé ? Difficile à dire, mais certains signes sont encourageants. "Jusqu'à présent on a été un peu laxiste, mais j'ai l'impression que cette année le conseil de sécurité veut prendre ses responsabilités pour le retour de la paix, estime Léonard She Okitundu, ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la RDC. Il est décidé à prendre des sanctions contre ceux qui ne respecteraient pas l'accord." En privé, les diplomates onusiens reconnaissent prendre un risque, en déployant une mission aux effectifs et aux moyens réduits. Mais ils comptent sur la "fenêtre d'opportunité" ouverte par Joseph Kabila.

Un premier test sera sans doute le 28 février, date annoncée par le Rwanda pour le retrait de la ville de Pweto, dans le sud-est de la RDC, prise en décembre dernier lors d'une offensive. Les Rwandais promettaient qu'il s'agirait du lancement d'un retrait à 200 kilomètres au moins de la ligne de front, mais leurs alliés du RCD-Goma ont déjà fait savoir qu'ils s'en tiendraient aux 15 kilomètres. "On est ouvert à tout ce qui peut faciliter la mise en oeuvre de l'accord de Lusaka", explique le ministre rwandais André Bumaya. Mais le retrait complet des armées étrangère n'est pas gagné. "Ce qui est vraiment demandé au 15 mai, poursuit le ministre, c'est de produire un plan précisant des priorités dans le désarmement et la démobilisation des forces négatives, notamment les ex-FAR et les Interhamwes. En ce qui nous concerne, le retrait total et définitif de la RDC sera conditionné par la réponse à cette question épineuse, qui a d'ailleurs été à la base de notre implication dans le conflit actuel de la RDC." L'ambassadeur français a sans doute le mieux résumé la situation, en estimant que "c'est le début d'un long chemin, mais c'est un bon début".



par Philippe  Bolopion

Article publié le 23/02/2001