Congo démocratique
La paix: avec ou sans les accords de Lusaka ?
Après le vote, la semaine dernière, d'une résolution onusienne prévoyant un calendrier de retrait des belligérants, le Rwanda et l'Ouganda sont en passe de respecter leurs engagements. D'ici la fin de la semaine, Kigali aura retiré trois bataillons de la région du Katanga et Kampala aura fait de même avec trois d'entre eux dans le nord de la RDC. La paix n'est plus impossible. Reste à savoir si elle se fera sur la base des accords de Lusaka, signés en juillet-août 1999, et dont nous vous proposons la version intégrale.
Les signes de détente se multiplient dans le conflit congolais, même si la prudence s'impose. Le Rwanda et l'Ouganda entament cette semaine le retrait d'une partie de leurs troupes des zones de combats, conformément à la résolution 1341 adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité, le 22 février dernier. Kigali a même décidé d'aller plus loin que le plan de redéploiement adopté à Harare (Zimbabwe), le 6 décembre 2000, qui évoquait un retrait des soldats belligérants de 15 km par rapport à la ligne de front. Non seulement l'Armée patriotique rwandaise (APR) quitte Pweto, une ville stratégique de la région du Katanga, mais elle s'engage à redéployer 2000 à 3000 hommes à 200 km au Nord-Est.
Avec ce premier geste significatif, Kampala et Kigali jouent leur crédibilité dans un processus où le nouvel homme fort de Kinshasa, le jeune Joseph Kabila, a jusqu'ici pris l'avantage. A peine arrivé au pouvoir, le fils du président défunt Laurent-Désiré Kabila a bénéficié d'un soutien inégalé de la communauté internationale, et notamment de la France, principal maître d'£uvre de la résolution 1341, qui place de facto le Rwanda et l'Ouganda en position d'agresseurs en décidant d'un calendrier pour leur retrait du territoire congolais. «Parallèlement, on a vu que l'accueil réservé à Paul Kagame aux Etats-Unis a été plutôt froid. On assiste à une normalisation des rapports avec Washington qui n'entend plus maintenir avec Kigali une relation privilégiée, estime François Grignon, analyste politique à l'International crisis group, une organisation non-gouvernementale spécialisée dans les conflits. D'autre part, le Rwanda et l'Ouganda ont été satisfaits de voir que la résolution des Nations Unies a pris en compte le plan de neutralisation des forces négatives qui opèrent dans l'Est du Congo. Ils se devaient de montrer leur bonne volonté pour renvoyer la balle des négociations dans le camp de Kinshasa.»
Incertitude sur la tenue du dialogue intercongolais
Pour la première fois en tous cas, la fin de cette «guerre mondiale africaine», entamée avec le début de la deuxième rébellion congolaise en août 1998, devient une hypothèse crédible. Il reste à savoir sur quelle base. L'Ouganda et le Rwanda, de même que pour les mouvements rebelles congolais (le RCD d'Adolphe Onusomba et le MLC de Jean-Pierre Bemba) et l'opposition non armée, n'ont jamais cessé de faire référence aux accords de Lusaka, signé en juillet-août 1999. La position de Kinshasa à ce propos est en revanche beaucoup moins claire. Laurent-Désiré Kabila avait de facto refusé leur respect intégral. Après avoir accepté la nomination d'un facilitateur, prévue dans le texte, en la personne de l'ancien président botswanais Ketumile Masire, Kabila père avait fait machine arrière. Ce refus, de même que la création d'un parlement de transition en mai 2000, visait essentiellement à empêcher la tenue d'un dialogue intercongolais, également consigné dans les accords de Lusaka, qui aurait, à terme, entraîné son départ du pouvoir. «Les rebelles ont revanche toujours été pour cet accords car c'est la seule possibilité pour eux de rentrer dans le jeu normal», précise Mwaila Tshiyembé, directeur de l'Institut panafricain de géopolitique.
Depuis son arrivée au pouvoir Joseph Kabila a pris le contre-pied de son père, en acceptant le retour de Ketumile Masire dans le processus. Il n'a en revanche pas clarifié sa position sur le dialogue intercongolais, dont la tenue est réclamée au plus vite par l'opposition civile. La France, qui fait un retour remarqué en Afrique centrale, ne semble pas lui en tenir rigueur, au contraire de la Belgique et des Etats-Unis davantage attachés au respect des accords de Lusaka. La dernière résolution des Nations Unies, initiée et rédigée par Paris, met d'ailleurs l'accent sur le retrait des troupes étrangères et évoque la tenue d'une conférence internationale pour régler les problèmes de sécurité dans la région des Grands Lacs.
Une position diversement appréciée. «Les hommes autour de Joseph Kabila ont fait comprendre aux français que les accords de Lusaka ont été poussés par les anglo-saxons et que le dialogue intercongolais pourrait avantager des mouvements rebelles soutenus par l'Ouganda et le Rwanda, alors que dans une conférence régionale, le régime actuel aurait plus de facilité à s'imposer», analyse Mwaila Tshiyembé.
A Paris, on explique en revanche que la priorité a jusqu'à maintenant été d'éviter que les belligérants profitent de la mort de Kabila père pour gagner du terrain et de ne rien faire pour déstabiliser son fils, dont la position reste fragile. Arrivé au pouvoir au terme d'une lutte entre les deux clans katangais de l'establishment congolais, les Balubakat et les Lundas, le nouveau président est de fait largement tributaire du bon vouloir de ceux qui l'ont fait roi. Or, les règlements de compte internes sont loin d'être terminés. La mise en résidence surveillée d'Eddy Kapend, ancien aide de camp de Laurent-Désiré Kabila et parrain de Joseph Kabila, en apporte l'illustration.
Avec ce premier geste significatif, Kampala et Kigali jouent leur crédibilité dans un processus où le nouvel homme fort de Kinshasa, le jeune Joseph Kabila, a jusqu'ici pris l'avantage. A peine arrivé au pouvoir, le fils du président défunt Laurent-Désiré Kabila a bénéficié d'un soutien inégalé de la communauté internationale, et notamment de la France, principal maître d'£uvre de la résolution 1341, qui place de facto le Rwanda et l'Ouganda en position d'agresseurs en décidant d'un calendrier pour leur retrait du territoire congolais. «Parallèlement, on a vu que l'accueil réservé à Paul Kagame aux Etats-Unis a été plutôt froid. On assiste à une normalisation des rapports avec Washington qui n'entend plus maintenir avec Kigali une relation privilégiée, estime François Grignon, analyste politique à l'International crisis group, une organisation non-gouvernementale spécialisée dans les conflits. D'autre part, le Rwanda et l'Ouganda ont été satisfaits de voir que la résolution des Nations Unies a pris en compte le plan de neutralisation des forces négatives qui opèrent dans l'Est du Congo. Ils se devaient de montrer leur bonne volonté pour renvoyer la balle des négociations dans le camp de Kinshasa.»
Incertitude sur la tenue du dialogue intercongolais
Pour la première fois en tous cas, la fin de cette «guerre mondiale africaine», entamée avec le début de la deuxième rébellion congolaise en août 1998, devient une hypothèse crédible. Il reste à savoir sur quelle base. L'Ouganda et le Rwanda, de même que pour les mouvements rebelles congolais (le RCD d'Adolphe Onusomba et le MLC de Jean-Pierre Bemba) et l'opposition non armée, n'ont jamais cessé de faire référence aux accords de Lusaka, signé en juillet-août 1999. La position de Kinshasa à ce propos est en revanche beaucoup moins claire. Laurent-Désiré Kabila avait de facto refusé leur respect intégral. Après avoir accepté la nomination d'un facilitateur, prévue dans le texte, en la personne de l'ancien président botswanais Ketumile Masire, Kabila père avait fait machine arrière. Ce refus, de même que la création d'un parlement de transition en mai 2000, visait essentiellement à empêcher la tenue d'un dialogue intercongolais, également consigné dans les accords de Lusaka, qui aurait, à terme, entraîné son départ du pouvoir. «Les rebelles ont revanche toujours été pour cet accords car c'est la seule possibilité pour eux de rentrer dans le jeu normal», précise Mwaila Tshiyembé, directeur de l'Institut panafricain de géopolitique.
Depuis son arrivée au pouvoir Joseph Kabila a pris le contre-pied de son père, en acceptant le retour de Ketumile Masire dans le processus. Il n'a en revanche pas clarifié sa position sur le dialogue intercongolais, dont la tenue est réclamée au plus vite par l'opposition civile. La France, qui fait un retour remarqué en Afrique centrale, ne semble pas lui en tenir rigueur, au contraire de la Belgique et des Etats-Unis davantage attachés au respect des accords de Lusaka. La dernière résolution des Nations Unies, initiée et rédigée par Paris, met d'ailleurs l'accent sur le retrait des troupes étrangères et évoque la tenue d'une conférence internationale pour régler les problèmes de sécurité dans la région des Grands Lacs.
Une position diversement appréciée. «Les hommes autour de Joseph Kabila ont fait comprendre aux français que les accords de Lusaka ont été poussés par les anglo-saxons et que le dialogue intercongolais pourrait avantager des mouvements rebelles soutenus par l'Ouganda et le Rwanda, alors que dans une conférence régionale, le régime actuel aurait plus de facilité à s'imposer», analyse Mwaila Tshiyembé.
A Paris, on explique en revanche que la priorité a jusqu'à maintenant été d'éviter que les belligérants profitent de la mort de Kabila père pour gagner du terrain et de ne rien faire pour déstabiliser son fils, dont la position reste fragile. Arrivé au pouvoir au terme d'une lutte entre les deux clans katangais de l'establishment congolais, les Balubakat et les Lundas, le nouveau président est de fait largement tributaire du bon vouloir de ceux qui l'ont fait roi. Or, les règlements de compte internes sont loin d'être terminés. La mise en résidence surveillée d'Eddy Kapend, ancien aide de camp de Laurent-Désiré Kabila et parrain de Joseph Kabila, en apporte l'illustration.
par Christophe Champin
Article publié le 28/02/2001