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Guinée

L'Afrique hésite à intervenir

La CEDEAO tarde à intervenir en Guinée, alors que des centaines de milliers de réfugiés sont menacés dans le sud-est du pays. Les chefs d'Etats membres de la Communauté des Etats d'Afrique de l'ouest ont bien prévu d'envoyer un force de paix d'environ 1700 hommes dans la zone, mais la date de leur déploiement ne cesse d'être repoussée. Explications.
La situation qui règne dans la région de Gueckedou, dans le sud-est de la Guinée, en proie à d'intenses combats depuis plusieurs semaines, pose plus que jamais la question de l'intervention des troupes de la CEDEAO. A l'occasion de leur 24e sommet, du 12 au 14 décembre dernier, les chefs d'Etats membres de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest, s'étaient mis d'accord sur le déploiement de soldats de la paix dans les zones frontalières de la Guinée, de la Sierra Leone et du Liberia. Une mission de l'organisation s'était rendue dans ces trois pays, fin novembre, et avait pris acte de la multiplication des incidents armés meurtriers, dans cette zone, entre les troupes de Conakry d'une part, et les ex-rebelles libériens de l'ULIMO K et les guérilleros sierra-leonais du RUF auxquels se seraient joints des opposants armées guinéens.

Mais au moment où des centaines de milliers de réfugiés sierra-léonais et libériens sont menacés dans la région guinéenne dite du «bec de perroquet», la force ouest-africaine d'interposition, qui devait entre autre chose assurer leur sécurité, se fait toujours attendre. Au terme d'une réunion à Abuja, le 13 janvier dernier, les responsables militaires du Mali, du Niger, du Nigeria et du Sénégal - qui ont proposé leur contribution û avaient annoncé que le déploiement des casques blancs se ferait au cours des semaines suivantes. La taille de la force -1676 hommes- est déjà déterminée depuis fin décembre. Le Mali, le Sénégal, le Niger et le Nigeria se sont proposés, avec respectivement 500, 200, 220 et 500 soldats. Et c'est un général nigérian qui commandera la force d'interposition.

Une situation très complexe

Reste à savoir si celle-ci verra effectivement le jour. La semaine dernière, le secrétaire général de la CEDEAO, le guinéen Lansana Kouyaté, a fourni une première explication officielle aux atermoiements actuels, en avançant la nécessité d'obtenir le feu vert préalable de l'Onu. Le Mali dont le président Konaré assure la présidence de l'organisation ouest africaine, a d'ailleurs introduit une résolution dans ce sens au Conseil de sécurité des Nations Unies, où la situation dans la sous-région d'Afrique de l'ouest a fait l'objet d'intenses discussions lundi 12 février. Lansana Kouyaté a également indiqué que les gouvernements de la Guinée et du Libéria devraient signer un «accord de statut des forces» avant que les troupes ne soient déployées.

La situation est en fait très complexe. La recrudescence des combats, ces dernières semaines, et la confusion qui règne dans la région a visiblement refroidi les Etats censés envoyer leurs troupes sur le terrain. Mais la question essentielle tient aux aspects logistiques d'une future intervention qui restent pour l'instant en suspend. Aucun pays de la région, à l'exception peut-être du Nigeria, ne dispose des moyens matériels d'acheminement des casques blancs sur le terrain. D'où la nécessité d'obtenir l'aide d'une grande puissance. La France, qui avait offert son appui logistique aux troupes de la CEDEAO en Guinée-Bissau début 1999, soutient les initiatives de paix engagées par l'organisation sous-régionale. Ira-t-elle plus loin ? Mardi après-midi, le ministre français délégué à la Coopération, Charles Josselin, a seulement indiqué que les moyens «logistiques et militaires sont en discussion avec l'organisation sous-régionale», pour créer une éventuelle zone sécurisée en Sierra Leone afin de permettre aux réfugiés de retourner dans leur pays. Paris s'aligne en effet sur la solution proposée par le président sierra-léonais Tejan Kabbah, qui souhaite la mise en place d'un couloir humanitaire sécurisé dans son pays afin d'évacuer les centaines de milliers de réfugiés bloqués dans les zones de combats. Pour sa part le Haut commissariat aux réfugiés (HCR), a évoqué l'idée d'un passage sécurisé à l'intérieur de la Guinée pour les faire remonter vers le Nord du pays dans des camps plus sûrs.



par Christophe  Champin

Article publié le 13/02/2001