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Balkans

Guerilla albanaise au sud de la Serbie

Reportage dans le sud de la Serbie où les séparatistes albanais de la vallée de Presevo multiplient les opérations de guerilla dans la zone démilitarisée imposée par l'OTAN le long de la «frontière» du Kosovo.
De notre envoyé spécial au sud de la Serbie

Dans la vallée de Presevo au sud de la Serbie, les civils albanais sont peut-être devenus, paradoxalement, les plus chauds partisans du vice-premier ministre serbe Nebojsa Covic, représentant spécial du gouvernement de Belgrade dans cette petite région menacée par une guérilla séparatiste albanaise. «C'est le premier politicien serbe qui reconnaisse que les Albanais du sud de la Serbie sont victimes de discriminations», reconnaît Fazile, une mère de famille de Presevo. «Nous représentons 70% de la population, et pas un seul policier, pas un seul juge n'est albanais : Covic a eu le courage de le dire à la télévision».

Dans cette vallée située dans la zone démilitarisée voulue par l'OTAN le long de la limite administrative entre Kosovo et Serbie, la population de Presevo, Bujanovac et Medvedja se reprend à croire à la paix, alors que, sur le terrain, les rebelles albanais de l'UCPMB, l'Armée de libération locale, émule de l'UCK du Kosovo, multiplie les coups de main. Mercredi matin, un policier serbe a encore été grièvement blessé. Les positions de l'UCPMB se confondent avec la «zone de sécurité» qui interdit aux forces yougoslaves de s'approcher de plus de 5 kilomètres des frontières du Kosovo. La population civile a fui ce secteur, ou l'UCPMB règne en maître.

Une réduction de la «zone de sécurité»

Le plan de paix proposé par les autorités de Belgrade repose sur l'ouverture de négociations générales et la réduction de la zone de sécurité à un kilomètre seulement, ce qui permettrait aux troupes de l'OTAN, basées au Kosovo, et aux forces yougoslaves de réduire rapidement la guérilla. L'OTAN a accepté le principe d'une réduction de la zone de sécurité, et envisagerait désormais de déployer une force de paix spécifique dans la région. Cette proposition pourrait être acceptable aussi bien par Belgrade que par les Albanais, qui disposeraient ainsi de garanties internationales.

Jeudi matin, l'UCPMB a tenu une conférence de presse dans le village de Konculj, placé sous son contrôle, à quelques kilomètres de la bourgade de Bujanovac, où les représentants de l'OTAN étaient pour leur part en négociation avec les représentants du gouvernement serbe. Les guérilleros réclament une large «démilitarisation» de la région, avant que la population de la région puisse faire valoir son droit à l'autodétermination. Ces positions maximalistes sont nuancées par le président du comite - albanais - de défense des droits de l'homme de Bujanovac, Shaim Kanberi: «Il faut procéder a une démilitarisation des deux camps sous contrôle international, et qu'une présence internationale permanente garantisse le retour à la paix», explique-t-il. Shaim Kanberri est proche du maire albanais de la commune de Presevo, Rizah Halimi, qui doit lui-même révéler sa plate-forme de paix samedi. L'UCPMB exige toutefois d'avoir la direction de la délégation albanaise aux pourparlers de paix qui doivent s'ouvrir. Ici comme hier au Kosovo, les leaders albanais les plus modérés semblent n'avoir pas d'autre choix que de passer sous les fourches caudines des radicaux.

«L'UCPMB est partout, même dans la zone sous contrôle serbe. Il y a beaucoup d'informateurs civils qui informent la guérilla et surveillent la population», reconnaît Belgzim, un jeune journaliste albanais de Presevo. L'OTAN et la communauté internationale multiplient pourtant les efforts diplomatiques, alors que l'apparition d'une nouvelle guérilla albanaise, cette fois-ci en Macédoine, mais à une encablure seulement du Kosovo et du sud de la Serbie, fait craindre un embrasement général de la région. «Nous espérons la paix, mais nous avons très peur», conclut Fazile. «Si la guerre commence vraiment en Macédoine, nous allons tous être entraînés dans le tourbillon».



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 02/03/2001