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Congo démocratique

Joseph Kabila reprend en main l'armée

Le président congolais Joseph Kabila a procédé jeudi soir à une série de nominations dans l'armée et les services de sécurité qui traduisent sa volonté de « remettre de l'ordre » dans son entourage, tout en écartant des éléments directement responsables de la « pagaille » qui régnait dans celui de son père et dont il a été victime, le 16 janvier dernier.
Kabila junior a d'abord confirmé à sa place le chef d'état-major interarmées, le lieutenant-général Sylvestre Luetsha, originaire du Kivu. Il s'agit d'une figure très respectée, en raison de son âge plus que de sa compétence, mais aussi de ses liens avec l'une des principales «rébellions» : celle des Mai-Maï, qu'il était parvenu à récupérer sinon à intégrer dans l'armée congolaise. Par la suite il avait été très meurtri par l'élimination, par les hommes de main de Kabila père, de nombreux «Kadogos», ces jeunes soldats de la première heure, originaires comme lui du Kivu, qui ont assuré la victoire de Kabila en 1996. Certains « kadogos » sont soupçonnés d'avoir perpétré l'assassinat de Laurent-Désiré Kabila, mais Luetsha n'a jamais cessé de garder des contacts avec ces «rebelles» anti-mobutistes.

Toutefois le lieutenant-général Luetsha sera désormais «assisté» du général de brigade Dieudonné Kayembé, originaire du Kasaï, et qui avait été, entre autre chose, vice-ministre de la Défense. Face au «vieux» Luetsha, Kayembé fait désormais figure de véritable «numéro un» des Forces armées congolaises, en raison notamment de sa compétence. Il s'agit d'un ancien élève de l'école militaire française de Saint-Cyr qui a effectué une formation complémentaire aux Etats-Unis, notamment dans le domaine des blindés. Sous le règne de Mobutu Sese Seko, comme de Laurent-Désiré Kabila, le général Kayembé avait lui aussi été victime - comme tant d'autres responsables politiques et militaires - des colères présidentielles. Il avait connu la prison avant d'être placé en résidence surveillée sous Mobutu, mais aussi détenu durant quelques mois sous Kabila.

La confirmation de Luetsha et la promotion de Kayembé annoncent-elles la mise à l'écart des « Katangais », omniprésents jusque là, mais profondément divisés en clans opposés ? Cette tendance semble renforcée par la nomination d'un autre kasaïen à la tête de la principale composante de l'armée : l'armée de terre, qui sera désormais dirigée par le général de brigade François Olenga. Parallèlement, on remarque la non promotion d'officiers supérieurs réputés proches de l'Angola : l'un d'eux, le général-major Faustin Munene, qui était à la tête de la force aérienne, a même été chargé du service national, ce qui n'est visiblement pas une promotion.

Fermeture d'un centre de détention et de torture

En ce qui concerne les services de sécurité, Joseph Kabila a nommé Kazadi Nyembwé, un kasaïen d'adoption proche de son père, à la direction de l'ANR (Agence nationale de renseignement, ou sécurité intérieure), à la place de Leta Mangasa, qui a été récemment interpellé par la Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur l'assassinat de Laurent-Désiré Kabila. D'autre part, c'est un avocat originaire du Katanga, Me Jean Mbuyu, qui occupera désormais le poste de conseiller spécial du chef de l'Etat en matière de sécurité. Jusque là, Mbuyu était directeur de cabinet adjoint du défunt président, en charge des question politiques.

Autre mesure annoncée jeudi par la télévision congolaise, «la fermeture à compter du 8 mars de tous les centres de détention qui ne dépendent pas des parquets de la RDC». Une mesure qui devrait être saluée par la population kinoise car elle vise avant tout l'un des lieux les plus sinistres du régime : le service connu sous le nom de «GLM», du nom de l'immeuble de la capitale Kinshasa où il est installé. Le «GLM» a été régulièrement dénoncé par de nombreuses associations de droits de l'homme, en raison des conditions dégradantes de détention et de la torture quasi-systématique qui y était pratiquée.

Cette annonce intervient peu avant l'arrivée, ce dimanche, en RDC du rapporteur spécial de l'ONU pour les droits de l'homme, Roberto Garreton, qui enquêtera durant dix jours. Il se rendra notamment à Bunia (nord-est), qui a été le théâtre, en janvier dernier, d'un massacre de civils. Garreton rencontrera le président congolais, mais aussi des ministres et des représentants d'ONG et de partis politiques, avant de se rendre dans plusieurs prisons et centres de détention.



par Elio  Comarin

Article publié le 09/03/2001