Congo démocratique
Le retrait des belligérants a commencé, maisà
« Tout le monde respecte (l'accord de désengagement), à l'exception du MLC ; et jusqu'à présent, nous n'avons pas eu d'incidents graves ». Au soir du jour « J », le porte-parole du gouvernement zimbabwéen - le principal allié de Kinshasa - a affiché sa satisfaction, mais aussi les craintes de Robert Mugabe. Alors que l'autre allié de Joseph Kabila, l'Angola, gardait le silence. Un silence quelque peu gêné, au vu de la situation très incertaine qui prévaut toujours à Kinshasa, où Kabila junior a tenté de reprendre en main la situation, avant de partir pour une autre grande tournée en Europe.
Un porte-parole de la MONUC - la Mission d'observation des Nations-Unies au Congo - a pour sa part confirmé que la ville de Pweto (sud-est) avait été évacuée par le mouvement rebelle soutenu par le Rwanda, le RCD d'Adolphe Onusumba : environ mille « rebelles » sont partis s'installer, comme prévu, à 15 km au nord-est de cette ville, en direction de Pepa, tandis qu'une quarantaine sont restés à Pweto « pour garder du matériel », mais « ils quitteront Pweto le 28 mars », date à laquelle le retrait devrait être conclu. Ce premier désengagement est sans doute un premier pas positif, car il devrait (enfin !) permettre à la MONUC de se déployer dans les trois villes clé tenues par le RCD et l'armée rwandaise: Goma à l'est, Kalémié au sud-est, Kisangani au nord. Un succès que l'on doit aussi à l'ONU et à l'Union européenne.
En revanche, la situation demeure incertaine sur l'autre front, dans le nord-ouest, que contrôlent le MLC de Jean-Pierre Bemba et l'armée ougandaise : des accrochages « mineurs » mais bien réels ont été signalés ces derniers jours, non loin de l'importante ville de Mbandaka, entre le MLC et l'armée congolaise. Alors que l'armée ougandaise a annoncé de son côté un rapatriement unilatéral de troupes de ce front, et notamment de la ville de Gemena (province de l'Equateur).
Ce désengagement progressif s'inscrit dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu signé à Lusaka (Zambie) en 1999, et comporte également ce qu'on appelle « le dialogue inter-congolais », qui doit aboutir à un « nouvel ordre politique » au Congo démocratique. Un « ordre politique » qui inquiète Kinshasa comme les « rebelles », mais d'abord les « parrains » en présence. Car il pourrait ouvrir la voie à quelques exclusions douloureuses de la scène politique, mais aussi à un véritable retournement d'alliance, amorcé l'année dernière mais qui a connu son apogée avec l'assassinat de Laurent-Désiré Kabila, le 16 janvier dernier.
L'un des principaux suspects n'est autre que l'aide de camp de l'ancien président : Eddy Kapend, « l'homme des Angolais », détenu officiellement depuis le 24 février, mais qui avait été mis « au secret » bien avant, quelques jours après l'assassinat de Kabila senior. L'armée angolaise avait aussitôt investi encore plus Kinshasa : chaque ministre était escorté par des soldats angolais, et rien ne semblait échapper à ce « gendarme africain » qui contrôle déjà le Congo-Brazzaville, où Eduardo Dos Santos a massivement aidé Sassou Nguesso à prendre la place de Pascal Lissouba, au prix d'une violente guerre civile.
L'Angola «complice» de l'assassinat de Kabila ?
Or, quelques jours à peine avant le 16 janvier dernier, Kinshasa s'attendait soit à un putsch soit à une véritable « invasion militaire », en provenance de Brazzaville ; car la rupture entre Luanda et Laurent-Désiré Kabila était désormais totale, en raison de l'intransigeance et du comportement autocratique de l'ancien président. Plus grave, l'Angola soupçonnait déjà Kabila père d'avoir repris langue non seulement avec le Rwanda de Paul Kagamé, mais aussi avec son ennemi de toujours : l'UNITA de Jonas Savimbi, au moment même où celui-ci reprenait ses raids meurtriers vers différentes villes tenues par l'armée régulière angolaise. Pour contrer cette éventualité, l'Angola a apparemment rétabli le contact avec le MLC de Jean-Pierre Bemba, car ces deux belligérants qui ont toujours nourri de grands espoirs concernant la RDC risquent aujourd'hui de se retrouver sur un pied d'égalité avec tous les autres protagonistes du conflit. C'est sans doute pour cela qu'ils ne semblent pas prêts à se désengager sans contrepartie politique.
L'Angola, pour sa part, doit aussi stabiliser et clarifier sa présence à Kinshasa, où tout semble confirmer que l'assassinat de Kabila père n'a pu se faire sans sa « complicité », et le concours bienveillant de ses « hommes » et d'autres complices ; les « kadogos » originaires du Kivu et quelques ressortissants Libanais, qui ont notamment assuré la « sortie » des exécutants. Vers l'autre côté du fleuve Congo : Brazzaville, où rien ne peut se faire sans que Luanda le sache ou le voit. Eddy Kapend se serait empressé d'éliminer ces témoins gênants, dans le but d'effacer toute trace de son forfait. Le silence que Luanda garde à propos du désengagement en cours comme sur l'assassinat de Kabila semble traduire son embarras, et ne facilite ni le travail de la commission officielle chargée de l'enquête ni le démarrage du dialogue intercongolais.
De retour de sa tournée européenne Joseph Kabila, après avoir repris en main l'armée et les services de sécurité, devra s'attaquer au volet politique du règlement de la crise congolaise. Il le fera en situation de faiblesse, car il ne dispose toujours pas d'un parti politique digne de ce nom, ce qui ne peut que profiter aux « poids lourds » de la scène politique congolaise, à commencer par l'éternel Etienne Tshishekedi, qui doit lui aussi rencontrer, dans quelques jours, le président de la Commission européenne, Romano Prodi.
En revanche, la situation demeure incertaine sur l'autre front, dans le nord-ouest, que contrôlent le MLC de Jean-Pierre Bemba et l'armée ougandaise : des accrochages « mineurs » mais bien réels ont été signalés ces derniers jours, non loin de l'importante ville de Mbandaka, entre le MLC et l'armée congolaise. Alors que l'armée ougandaise a annoncé de son côté un rapatriement unilatéral de troupes de ce front, et notamment de la ville de Gemena (province de l'Equateur).
Ce désengagement progressif s'inscrit dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu signé à Lusaka (Zambie) en 1999, et comporte également ce qu'on appelle « le dialogue inter-congolais », qui doit aboutir à un « nouvel ordre politique » au Congo démocratique. Un « ordre politique » qui inquiète Kinshasa comme les « rebelles », mais d'abord les « parrains » en présence. Car il pourrait ouvrir la voie à quelques exclusions douloureuses de la scène politique, mais aussi à un véritable retournement d'alliance, amorcé l'année dernière mais qui a connu son apogée avec l'assassinat de Laurent-Désiré Kabila, le 16 janvier dernier.
L'un des principaux suspects n'est autre que l'aide de camp de l'ancien président : Eddy Kapend, « l'homme des Angolais », détenu officiellement depuis le 24 février, mais qui avait été mis « au secret » bien avant, quelques jours après l'assassinat de Kabila senior. L'armée angolaise avait aussitôt investi encore plus Kinshasa : chaque ministre était escorté par des soldats angolais, et rien ne semblait échapper à ce « gendarme africain » qui contrôle déjà le Congo-Brazzaville, où Eduardo Dos Santos a massivement aidé Sassou Nguesso à prendre la place de Pascal Lissouba, au prix d'une violente guerre civile.
L'Angola «complice» de l'assassinat de Kabila ?
Or, quelques jours à peine avant le 16 janvier dernier, Kinshasa s'attendait soit à un putsch soit à une véritable « invasion militaire », en provenance de Brazzaville ; car la rupture entre Luanda et Laurent-Désiré Kabila était désormais totale, en raison de l'intransigeance et du comportement autocratique de l'ancien président. Plus grave, l'Angola soupçonnait déjà Kabila père d'avoir repris langue non seulement avec le Rwanda de Paul Kagamé, mais aussi avec son ennemi de toujours : l'UNITA de Jonas Savimbi, au moment même où celui-ci reprenait ses raids meurtriers vers différentes villes tenues par l'armée régulière angolaise. Pour contrer cette éventualité, l'Angola a apparemment rétabli le contact avec le MLC de Jean-Pierre Bemba, car ces deux belligérants qui ont toujours nourri de grands espoirs concernant la RDC risquent aujourd'hui de se retrouver sur un pied d'égalité avec tous les autres protagonistes du conflit. C'est sans doute pour cela qu'ils ne semblent pas prêts à se désengager sans contrepartie politique.
L'Angola, pour sa part, doit aussi stabiliser et clarifier sa présence à Kinshasa, où tout semble confirmer que l'assassinat de Kabila père n'a pu se faire sans sa « complicité », et le concours bienveillant de ses « hommes » et d'autres complices ; les « kadogos » originaires du Kivu et quelques ressortissants Libanais, qui ont notamment assuré la « sortie » des exécutants. Vers l'autre côté du fleuve Congo : Brazzaville, où rien ne peut se faire sans que Luanda le sache ou le voit. Eddy Kapend se serait empressé d'éliminer ces témoins gênants, dans le but d'effacer toute trace de son forfait. Le silence que Luanda garde à propos du désengagement en cours comme sur l'assassinat de Kabila semble traduire son embarras, et ne facilite ni le travail de la commission officielle chargée de l'enquête ni le démarrage du dialogue intercongolais.
De retour de sa tournée européenne Joseph Kabila, après avoir repris en main l'armée et les services de sécurité, devra s'attaquer au volet politique du règlement de la crise congolaise. Il le fera en situation de faiblesse, car il ne dispose toujours pas d'un parti politique digne de ce nom, ce qui ne peut que profiter aux « poids lourds » de la scène politique congolaise, à commencer par l'éternel Etienne Tshishekedi, qui doit lui aussi rencontrer, dans quelques jours, le président de la Commission européenne, Romano Prodi.
par Elio Comarin
Article publié le 16/03/2001