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L''affaire Elf

Prison ferme requise contre Dumas

Au terme d'un réquisitoire sévère, le procureur a réclamé lundi 19 mars des peines de prison ferme pour les principaux prévenus, notamment deux ans contre l'ancien ministre des Affaires étrangères Roland Dumas.
Les prévenus ne s'attendaient sans doute pas à ce qu'on demande des peines si lourdes à leur encontre. Alors que ce procès ne concerne que le premier des nombreux volets du gigantesque dossier Elf, affaire emblématique des rapports troubles entre le pouvoir et l'argent, la justice française a voulu montrer sa fermeté. Cinq ans de prison ferme et 2,5 millions de francs d'amende contre Loïk Le Floch-Prigent, l'ancien patron du groupe pétrolier, et contre son bras droit Alfred Sirven, sans doute l'homme clé de tout le système d'influence et de corruption, arrêté le 2 février aux Philippines après trois années de fuite. Trois ans dont un avec sursis et un million de francs d'amende pour Christine Deviers-Joncour, l'ancienne maîtresse de Roland Dumas. Mais c'est contre ce dernier, ministre des Affaires étrangères à l'époque des faits et vedette du procès, que la peine demandée était la plus attendue : deux ans ferme et 2,5 millions de francs d'amende.

«Roland Dumas a renoncé à l'éthique, à la morale, à l'honnêteté»

C'est dans une ambiance tendue et au terme d'un réquisitoire accablant que ces peines ont été réclamées que le procureur, devant le tribunal correctionnel de Paris. Jean-Pierre Champrenault a livré une charge sans concession contre les prévenus. «C'est pour moi le procès d'ambitieux dévoyés, d'arrivistes pressés, d'un politique fourvoyé et de cadres dépassés. C'est, en quelque sorte, la résistible ascension de Sirven et de Le Floch-Prigent, qui ont parasité une société nationale à des fins personnelles en utilisant Christine Deviers-Joncour, en s'appuyant sur le politique Dumas. (...) Dans ce dossier, tout le monde a menti».

Le magistrat, s'il a passé en revue les délits de corruption et d'abus de biens sociaux commis par les uns et les autres, s'en est pris particulièrement à l'ex-ministre socialiste. Il l'a accusé d'avoir reçu, grâce à l'argent d'Elf et en toute connaissance de cause, des cadeaux de la part de Christine Deviers-Joncour, notamment des £uvres d'art, et d'avoir profité du luxueux appartement parisien de sa maîtresse. «Avez-vous pensé que l'argent d'Elf était une cassette royale dans laquelle vous pouviez puiser ? ». Selon le procureur, Roland Dumas a «renoncé à l'éthique, à la morale, au devoir d'exigence de sa fonction, en un mot à l'honnêteté. (à) Votre qualité de juriste éminent, réputé, ne plaide absolument pas pour vous». Les avocats de la défense auront fort à faire, ce mardi 20 mars, lors de leurs plaidoiries.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 20/03/2001