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Congo démocratique

Les Maï-Maï ont rallié la rébellion

C'est ce mardi 27 mars que le premier contingent d'observateurs de l'ONU devrait débarquer en RDC, afin de se positionner dans les principales villes d'un pays coupé en deux depuis près de deux ans : Kalémié, Kisangani et Mbandaka. Au moment même où le président Kabila effectue un voyage de deux jours au Zimbabwe, son principal allié, et que les guérilleros traditionnels Maï-Maï annoncent avoir rallié la « rébellion ».

L'un des deux principaux mouvements rebelles de la RDC, le FLC de Jean-Pierre Bemba a marqué des points, ces derniers jours, avec le ralliement inattendu des représentants des milices tribales Maï-Maï du Kivu, avec lesquels il a signé un protocole d'accord. «Cet accord, également ratifié par des représentants de la société civile congolaise, a été signé le 21 mars à minuit, à Butembo (près de la frontière ougandaise) au cours d'une table ronde pour la pacification du Nord-Kivu », a précisé le leader du Front de Libération du Congo (pro-ougandais). Ce ralliement va permettre la création d'une division spéciale Maï-Maï, qui sera incorporée au reste des forces rebelles installées dans le nord du pays, et prive un même temps le pouvoir central de Joseph Kabila d'un allié qui jusque là lui avait permis de faire face à la rébellion à l'est comme dans le nord. D'après cet accord, huit brigades de ces « rebelles traditionnels » vont être entraînées par des instructeurs militaires du FLC, et auront ensuite la tâche de surveiller et pacifier la frontière avec l'Ouganda, le Rwanda et le Burundi, selon Jean-Piette Bemba.

Les Maï-Maï sont des miliciens - souvent âgé de moins de 18 ans - issus des populations autochtones du Kivu, et étaient jusque là le plus souvent alliés du gouvernement central de Kinshasa. Désormais, ils choisissent eux aussi le camp de la rébellion, et, plus de 250 d'entre eux ont rallié vendredi l'autre font rebelle : le RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie), basé à Goma que dirige Adolphe Onusumba. L'un des porte-parole du RCD l'a confirmé dimanche, en précisant que ce ralliement était intervenu à Salamabila, à la frontière des provinces du Kasaï et du Katanga, dans le centre du pays. «Leur évacuation vers Goma (est du pays) aura lieu dans les prochains jours, et une cinquantaine de ces miliciens, âgés de moins de 18 ans, seront regroupés dans un camp d'enfants-soldats gérés par l'Unicef» a précisé le porte-parole u RCD, qui a ajouté que ces nouveaux ralliements de miliciens traditionnels portent à environ 1 000 hommes le nombre de combattants Maï-Maï qui ont rejoint les rangs du RCD basé à Goma (pro-rwandais).

Ces renversements d'alliances interviennent à un moment crucial de l'histoire du Congo démocratique. A la suite de l'assassinat de Laurent Kabila le 16 janvier dernier, du côté des alliés de Kinshasa comme du côté des « rebelles », le retrait militaire qui commence s'accompagne de nombreux signes de méfiance, voire de rupture, vis-à-vis des ennemis comme des alliés. Ainsi, les armées ougandaise et rwandaise, officiellement alliées mais qui se sont violemment affrontées l'année dernière à Kisangani, semblent aujourd'hui sur le point d'en découdre à leur frontière commune. Les deux armées sont en état d'alerte depuis plusieurs semaines et le différend qui oppose Kampala et Kigali ne cesse de s'alourdir. Le président ougandais Museveni a même reproché à son ancien ami Paul Kagamé de financer son principal opposant, le colonel Besigye, à l'occasion de la récente élection présidentielle. Mais les deux pays sont d'abord opposés par leur stratégie respective vis-à-vis de la RDC.

D'un côté, Museveni dispose d'un allié - Jean-Pierre Bemba - à la fois militairement solide et politiquement autonome, désormais capable de gérer le territoire qu'il contrôle, tout en assurant à Kampala un minimum de sécurité à ses frontières. De l'autre le RCD pro-rwandais, que dirige officiellement Adolphe Onusumba ne jouit de presque aucune autonomie vis-à-vis du Rwanda et oblige l'armée de Kigali à intervenir directement. Ce qui ne peut que conforter ceux qui sont persuadés que seuls des Rwandais peuvent assurer la sécurité de leurs frontières, du moins tant que les milices hutus Interhamwes ne sont pas définitivement neutralisées en RDC.

C'est sans doute pour cela que le RCD a réclamé dimanche 25 mars le déploiement simultané des observateurs de l'ONU dans les territoires contrôlés par la rébellion comme dans ceux qui sont restés sous le contrôle de Kinsaha. Ce qui a peu de chances d'être accepté, car cela n'a apparemment pas été précisé par les accords signés récemment à Lusaka. Dès le mardi 27 mars, des centaines d'observateurs de la MONUC uruguayens, marocains et tunisiens devraient rejoindre respectivement les villes clé de Kalémié (sud-est), Kisangani (nord) et Mbandaka (nord-ouest). Des villes qui traversent la ligne de front qui partage le pays en deux.

De son côté, le gouvernement de Kinshasa a demandé le même jour à la MONUC de démilitariser la ville stratégique de Kisangani, que contrôle actuellement le RCD-Goma. Une demande qui ne sera probablement pas retenue, car elle modifie radicalement les rapports de forces actuels entre le pouvoir central et la rébellion, au moment même où les différents belligérants se regardent mutuellement en chiens de faïence et ne songent qu'à profiter des éventuelles fautes commises par l'adversaire ou par l'allié soupçonné de vouloir changer de camp.




par Elio  Comarin

Article publié le 26/03/2001