Bénin
Démocratie en panne
L'émission Reporteurs revient sur le scrutin très controversé qui a conduit à la réélection de Mathieu Kérékou sur fond de corruption et qui a entaché l'image de laboratoire de la démocratie africaine qu'avait acquis le Bénin depuis 1991.
Ecoutez l'émission Reporteur de Christine Muratet
(24/04/2001, durée 15 minutes)
La conférence nationale des forces vives de la Nation en 1989, avait sonné le glas de deux décennies de pouvoir du «marxiste-léniniste» Mathieu Kérékou. En marquant le début de l'ère des «conf'nat'», le Bénin était à la pointe du renouveau démocratique qui a fait école sur le continent.
Mais Kérékou était toujours là demandant pardon au peuple béninois pour toutes les erreurs commises par son régime. Un premier ministre lui avait été imposé: un certain Nicéphore Soglo qui l'a battu lors des premières élections libres en 1991. Ce modèle béninois a plu et s'est d'ailleurs renforcé cinq années plus tard avec la défaite du Président Soglo face à ...Mathieu Kérékou.
Nicéphore Soglo inspiré par le destin de Mathieu Kérékou a également voulu revenir. Il pensait prendre une revanche sur le sort en mars 2001 et réconcilier les Béninois avec "lui". Il avait la nette conviction d'avoir été mal jugé par eux, lui qui avait remis le pays sur les rails. Il avait donc mené campagne dans le but de reconquérir un dû. Nicéphore Soglo attendait du peuple béninois un témoignage de gratitude. Une attitude largement exploitée par le clan Kérékou qui dénonçait la suffisance du candidat Soglo. Mais on ne gagne pas une élection en ne s'en prenant qu'au caractère de l'adversaire. Il faut d'autres arguments que les quinze autres candidats n'ont pu développer, eux non plus.
«L'achat des voix» devient le sport national
Faute de débats sérieux Kérékou et Soglo n'avaient ainsi aucun mal à mobiliser autour de leurs seuls noms des intentions de vote. Et dans un pays majoritairement analphabète à la pauvreté visible, l'argent fait le reste. Il forge les convictions ou du moins les oblige. A la décharge du citoyen le manque de projets politiques et de société était la grande caractéristique de cette élection présidentielle au Bénin. Aucun idéal politique n'a pu faire vibrer l'électeur qui s'est rapidement mué en consommateur intéressé. La corruption affichée ne choquait plus personne. L'achat et la vente des bulletins de vote sont devenus en l'espace d'un scrutin présidentiel à deux tours, le sport national au Bénin. Toutes déclarations et prises de position étaient sujettes à des rumeurs qui leur donnaient un pesant d'or selon leur pertinence. Tout le monde suspectait tout le monde. A juste titre souvent. Les électeurs ont reçu de l'argent comme s'il en pleuvait. Il a fini par la tourner la tête au commun des béninois. Le jeu démocratique a été perverti.
A cette manoeuvre le plus futé et le plus riche a réussi à écoeurer son adversaire qui a jeté l'éponge. Soglo refuse d'aller au second tour; le troisième prétendant se solidarise et finalement la Cour constitutionnelle désigne le candidat arrivé en quatrième position au premier tour, le ministre d'Etat de Kérékou qui avait déjà appelé à voter pour son "maître". Kérékou l'a naturellement emporté à l'issue d'un match qualifié d'amical.
(24/04/2001, durée 15 minutes)
La conférence nationale des forces vives de la Nation en 1989, avait sonné le glas de deux décennies de pouvoir du «marxiste-léniniste» Mathieu Kérékou. En marquant le début de l'ère des «conf'nat'», le Bénin était à la pointe du renouveau démocratique qui a fait école sur le continent.
Mais Kérékou était toujours là demandant pardon au peuple béninois pour toutes les erreurs commises par son régime. Un premier ministre lui avait été imposé: un certain Nicéphore Soglo qui l'a battu lors des premières élections libres en 1991. Ce modèle béninois a plu et s'est d'ailleurs renforcé cinq années plus tard avec la défaite du Président Soglo face à ...Mathieu Kérékou.
Nicéphore Soglo inspiré par le destin de Mathieu Kérékou a également voulu revenir. Il pensait prendre une revanche sur le sort en mars 2001 et réconcilier les Béninois avec "lui". Il avait la nette conviction d'avoir été mal jugé par eux, lui qui avait remis le pays sur les rails. Il avait donc mené campagne dans le but de reconquérir un dû. Nicéphore Soglo attendait du peuple béninois un témoignage de gratitude. Une attitude largement exploitée par le clan Kérékou qui dénonçait la suffisance du candidat Soglo. Mais on ne gagne pas une élection en ne s'en prenant qu'au caractère de l'adversaire. Il faut d'autres arguments que les quinze autres candidats n'ont pu développer, eux non plus.
«L'achat des voix» devient le sport national
Faute de débats sérieux Kérékou et Soglo n'avaient ainsi aucun mal à mobiliser autour de leurs seuls noms des intentions de vote. Et dans un pays majoritairement analphabète à la pauvreté visible, l'argent fait le reste. Il forge les convictions ou du moins les oblige. A la décharge du citoyen le manque de projets politiques et de société était la grande caractéristique de cette élection présidentielle au Bénin. Aucun idéal politique n'a pu faire vibrer l'électeur qui s'est rapidement mué en consommateur intéressé. La corruption affichée ne choquait plus personne. L'achat et la vente des bulletins de vote sont devenus en l'espace d'un scrutin présidentiel à deux tours, le sport national au Bénin. Toutes déclarations et prises de position étaient sujettes à des rumeurs qui leur donnaient un pesant d'or selon leur pertinence. Tout le monde suspectait tout le monde. A juste titre souvent. Les électeurs ont reçu de l'argent comme s'il en pleuvait. Il a fini par la tourner la tête au commun des béninois. Le jeu démocratique a été perverti.
A cette manoeuvre le plus futé et le plus riche a réussi à écoeurer son adversaire qui a jeté l'éponge. Soglo refuse d'aller au second tour; le troisième prétendant se solidarise et finalement la Cour constitutionnelle désigne le candidat arrivé en quatrième position au premier tour, le ministre d'Etat de Kérékou qui avait déjà appelé à voter pour son "maître". Kérékou l'a naturellement emporté à l'issue d'un match qualifié d'amical.
par Didier Samson
Article publié le 26/04/2001