Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Cameroun

Douala manifeste pour ses disparus

L'affaire des neuf disparus de Bépanda, quartier populaire au nord de Douala, suscite une vive tension dans la capitale économique du Cameroun. Depuis bientôt un mois, la ville est le théâtre d'une série de manifestations, organisées par le Comité pour les neuf de Bépanda, en abrégé C9. Le C9, né à la suite du déclenchement de cette affaire, se définit comme un mouvement citoyen qui lutte pour la promotion des droits de l'homme et du citoyen au Cameroun.
De notre correspondant à Douala

Les parents et les amis des neuf disparus de Bépanda, soutenus par quelques hommes politiques et leaders d'opinion de la ville, ne décolèrent pas. Depuis le 4 mars dernier, les manifestants, vêtus, pour la plupart, de noir (signe de deuil) avec des bandeaux rouges au bras ou sur la tête (symbole de violence) organisent, chaque dimanche après-midi, des marches de protestation dans le quartier.

Au cours de la première manifestation, ce 4 mars, les policiers et gendarmes, armés de matraques et grenades lacrymogènes, quadrillent Bépanda. Objectif : intimider les membres du C9. Peine perdue. Les manifestants, visiblement déterminés, descendent dans la rue, dès les premières heures de l'après-midi. Ils brandissent les pancartes sur lesquelles l'on peut lire: «Nous voulons nos enfants, corps ou cendres», «Forces armées camerounaises, refusez le sale boulot». Sans sommation, les forces de l'ordre se ruent sur eux, arrachent leurs pancartes. Puis, elles interpellent les sept meneurs de la manifestation. Après quelques heures dans les locaux de la police judiciaire, ils sont remis en liberté.

Le 8 mars, le C9 change de stratégie. Lors du grand défilé prévu, à l'occasion de la journée internationale de la femme, une manifestation est organisée sur la place des portiques à Akwa, le centre commercial de Douala. Les mères, les s£urs et amies des neuf disparus, en kaba ngondo, grande robe traditionnelle camerounaise, pleurent. Une fois de plus, les forces de l'ordre interviennent et dispersent la manifestation. Aucun blessé n'est enregistré.

«Arrêtez le massacre»

Le 11 mars. Les manifestants se retrouvent à Bépanda. Certains exhibent des pancartes. Un message: «Dikanda, Basselekin et les neuf de Bépanda: arrêtez le massacre». D'autres portent des cercueils vides. Tous défilent en entonnant des chants de deuil. Sans sommation, les policiers, armés de gourdins, chargent. Bilan: quatre blessés dont Anicet Ekané, le président du Manidem, un parti d'opposition, interné dans une clinique.

Le 18 mars. Les manifestants relativement peu nombreux sont encore au rendez-vous. La présence de Moukouri Manga Bell, vice-président de l'Assemblée nationale, est très remarquée. C'est la première fois qu'un officiel prend part à la manifestation, depuis le déclenchement de l'affaire des neuf de Bépanda. Le commissaire central de Douala, le commissaire principal Djibiring Garba, s'entretient avec le député. Une vingtaine de minutes plus tard, les manifestants rebroussent chemin. Moukouri Manga Bell préside un meeting devant la maison de deux des neuf disparus. Il demande aux habitants de Bépanda de poursuivre leur action. «Défendez vos droits, ne vous laissez pas intimider», leur lance-t-il.

Quarante huit heures après cette manifestation, le président de la République Paul Biya ordonne une enquête approfondie sur l'affaire de neuf de Bépanda. Le communiqué du chef de l'Etat ne rassure pas le C9. Le 25 mars. Le Comité pour les neuf de Bépanda redescend dans la rue à l'endroit que les manifestants ont eux-mêmes baptisé, il y a quelques jours, «Carrefour des neuf».

L'affaire des neuf de Bépanda remonte à la nuit du 22 au 23 janvier 2001. Cette nuit-là, des gendarmes du Centre opérationnel, unité spéciale de gendarmerie créée récemment à Douala pour lutter contre le grand banditisme, avaient enlevé, à leurs domiciles neuf jeunes gens.



par Gervais  Nitcheu

Article publié le 01/04/2001