Travail
<br>«<i>Il n'y a pas de victimes type</i>»
Marie-France Hirigoyen est psychiatre. Elle est l'auteur d'un best-seller paru en 1998 intitulé «Le harcèlement moral, la violence perverse au quotidien» aux éditions Syros. Cet ouvrage a été le révélateur d'un phénomène qui est de plus en plus observé. Un second livre est paru en mars «Malaise dans le travail. Harcèlement moral : démêler le vrai du faux», centré cette fois-ci, sur le harcèlement moral au travail.
RFI : Qu'entend-on par harcèlement moral ?
Marie-France Hirigoyen : D'une façon générale, le harcèlement moral, quel que soit le contexte, dans la vie privée ou dans la vie professionnelle, est toujours une conduite abusive qui porte atteinte par la répétition ou par la systématisation, à la dignité ou à l'intégrité psychique ou physique d'une personne. Ce sont en fait de petites atteintes anodines en apparence, des mots, des gestes, des attitudes de mépris, de disqualification, de réticence. La répétition de ces micro-agressions constitue la destruction progressive des personnes harcelées moralement.
RFI : Quelles sont les conséquences du harcèlement moral ?
MF.H : Dans un premier temps, le harcèlement amène la personne à douter d'elle-même : le harcèlement moral n'étant pas une agression franche. Tous les procédés de disqualification finissent par déstabiliser le harcelé qui intériorise le phénomène. En fait, on amène la personne à être responsable du procédé.
RFI : Selon vous, pourquoi l'entreprise est-elle un lieu privilégié ?
MF.H : Je crois que l'entreprise est devenue un lieu privilégié car les gens ne s'expriment plus. De nos jours, dans les sociétés, on n'ose pas agresser les gens franchement. On n'a pas envie d'avoir des conflits, des problèmes. On n'affronte pas les personnes mais on essaie de faire les choses de façon insidieuse.
RFI : Ce phénomène s'aggrave-t-il ? Dans quelles circonstances les violences se manifestent-elles ?
MF.H : Effectivement le phénomène s'aggrave car nous nous trouvons dans une société narcissique où il faut à tout prix réussir. C'est-à-dire qu'on favorise le fonctionnement pervers chez certaines personnes en les mettant en rivalité, en les amenant à réussir quels que soient les moyens. C'est le règne «du diviser pour mieux régner». L'exemple le plus fréquent s'observe lors de fusions d'entreprises.
RFI : Certaines personnes sont-elles plus disposées à être perverses que d'autres ?
MF.H : Effectivement, il y a des personnes qui sont structurellement perverses et qui n'ont pas suffisamment appris les limites et le respect de l'autre. Il y a également des personnes narcissiques ou ayant une personnalité pas suffisamment structurée qui, si on les incite, vont fonctionner sur le mode de la perversion.
RFI : Existe-t-il des profils types de victimes de harcèlement ?
MF.H : Il n'existe pas, et j'insiste là-dessus, de victimes types. Simplement il y a des personnes, qui dans un contexte, dérangent. En résumé, le point de départ du harcèlement est souvent le refus de la différence : quelqu'un qui n'est pas docile, qui n'est pas dans la compromission va plus facilement être harcelé que quelqu'un qui est souple et qui s'adapte sans protester.
RFI : Quel est le moyen de défense de ces victimes ?
MF.H : Le moyen de défense essentiel est d'abord de nommer, de repérer le phénomène. Il faut d'abord intégrer une situation qui n'est pas normale et ensuite, au besoin, se faire aider par quelqu'un. Il faut après exprimer le refus de ce comportement. Si toutefois rien ne change alors que ce problème a été discuté, il faut trouver des interlocuteurs dans l'entreprise pour arrêter le harcèlement. Il faut être dans l'anticipation du problème et il vaut mieux réagir tôt pour remettre les choses au clair que d'être obligé de faire intervenir la justice.
RFI : Que pensez-vous de la proposition de loi adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale sur le harcèlement moral ?
MF.H : C'est un pas essentiel et considérable. Il est très important que le harcèlement moral au travail ait été nommé comme un comportement inadmissible et qu'il soit inscrit dans le code du travail au même titre que le harcèlement sexuel. Ce texte est cependant insuffisant car il ne prend pas en compte le secteur public. Toutefois, on peut espérer, qu'en seconde lecture, après la remise du rapport du Conseil économique et social au gouvernement mi-avril, il y ait des points qui soient affinés.
RFI : Vous venez d'écrire un autre ouvrage sur le sujet. Qu'apporte t-il de nouveau ?
MF.H : Dans le premier livre, je me contentais de nommer des procédés destructeurs et de révéler leur existence. Mais depuis le terme de harcèlement moral a été galvaudé. Actuellement on tend à dire que l'on est harcelé dès que l'on est un peu bousculé dans son travail ou dès que l'on entre en conflit avec quelqu'un. Ce second livre est une mise au point concernant la définition du harcèlement moral au travail, c'est aussi le résultat d'une enquête montrant la gravité du problème afin que les entreprises et les pouvoirs publics le prennent en compte et c'est surtout une kyrielle de propositions préventives.
Marie-France Hirigoyen : D'une façon générale, le harcèlement moral, quel que soit le contexte, dans la vie privée ou dans la vie professionnelle, est toujours une conduite abusive qui porte atteinte par la répétition ou par la systématisation, à la dignité ou à l'intégrité psychique ou physique d'une personne. Ce sont en fait de petites atteintes anodines en apparence, des mots, des gestes, des attitudes de mépris, de disqualification, de réticence. La répétition de ces micro-agressions constitue la destruction progressive des personnes harcelées moralement.
RFI : Quelles sont les conséquences du harcèlement moral ?
MF.H : Dans un premier temps, le harcèlement amène la personne à douter d'elle-même : le harcèlement moral n'étant pas une agression franche. Tous les procédés de disqualification finissent par déstabiliser le harcelé qui intériorise le phénomène. En fait, on amène la personne à être responsable du procédé.
RFI : Selon vous, pourquoi l'entreprise est-elle un lieu privilégié ?
MF.H : Je crois que l'entreprise est devenue un lieu privilégié car les gens ne s'expriment plus. De nos jours, dans les sociétés, on n'ose pas agresser les gens franchement. On n'a pas envie d'avoir des conflits, des problèmes. On n'affronte pas les personnes mais on essaie de faire les choses de façon insidieuse.
RFI : Ce phénomène s'aggrave-t-il ? Dans quelles circonstances les violences se manifestent-elles ?
MF.H : Effectivement le phénomène s'aggrave car nous nous trouvons dans une société narcissique où il faut à tout prix réussir. C'est-à-dire qu'on favorise le fonctionnement pervers chez certaines personnes en les mettant en rivalité, en les amenant à réussir quels que soient les moyens. C'est le règne «du diviser pour mieux régner». L'exemple le plus fréquent s'observe lors de fusions d'entreprises.
RFI : Certaines personnes sont-elles plus disposées à être perverses que d'autres ?
MF.H : Effectivement, il y a des personnes qui sont structurellement perverses et qui n'ont pas suffisamment appris les limites et le respect de l'autre. Il y a également des personnes narcissiques ou ayant une personnalité pas suffisamment structurée qui, si on les incite, vont fonctionner sur le mode de la perversion.
RFI : Existe-t-il des profils types de victimes de harcèlement ?
MF.H : Il n'existe pas, et j'insiste là-dessus, de victimes types. Simplement il y a des personnes, qui dans un contexte, dérangent. En résumé, le point de départ du harcèlement est souvent le refus de la différence : quelqu'un qui n'est pas docile, qui n'est pas dans la compromission va plus facilement être harcelé que quelqu'un qui est souple et qui s'adapte sans protester.
RFI : Quel est le moyen de défense de ces victimes ?
MF.H : Le moyen de défense essentiel est d'abord de nommer, de repérer le phénomène. Il faut d'abord intégrer une situation qui n'est pas normale et ensuite, au besoin, se faire aider par quelqu'un. Il faut après exprimer le refus de ce comportement. Si toutefois rien ne change alors que ce problème a été discuté, il faut trouver des interlocuteurs dans l'entreprise pour arrêter le harcèlement. Il faut être dans l'anticipation du problème et il vaut mieux réagir tôt pour remettre les choses au clair que d'être obligé de faire intervenir la justice.
RFI : Que pensez-vous de la proposition de loi adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale sur le harcèlement moral ?
MF.H : C'est un pas essentiel et considérable. Il est très important que le harcèlement moral au travail ait été nommé comme un comportement inadmissible et qu'il soit inscrit dans le code du travail au même titre que le harcèlement sexuel. Ce texte est cependant insuffisant car il ne prend pas en compte le secteur public. Toutefois, on peut espérer, qu'en seconde lecture, après la remise du rapport du Conseil économique et social au gouvernement mi-avril, il y ait des points qui soient affinés.
RFI : Vous venez d'écrire un autre ouvrage sur le sujet. Qu'apporte t-il de nouveau ?
MF.H : Dans le premier livre, je me contentais de nommer des procédés destructeurs et de révéler leur existence. Mais depuis le terme de harcèlement moral a été galvaudé. Actuellement on tend à dire que l'on est harcelé dès que l'on est un peu bousculé dans son travail ou dès que l'on entre en conflit avec quelqu'un. Ce second livre est une mise au point concernant la définition du harcèlement moral au travail, c'est aussi le résultat d'une enquête montrant la gravité du problème afin que les entreprises et les pouvoirs publics le prennent en compte et c'est surtout une kyrielle de propositions préventives.
par Propos recueillis par Clarisse VERNHES
Article publié le 11/04/2001