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Congo démocratique

Putsch raté de l'ex-capitaine Barril ?

L'ancien capitaine du GIGN Paul Barril a été expulsé de Kinshasa pour avoir préparé un coup d'Etat pour le compte de l'opposant Jean-Pierre Bemba, selon des sources dignes de foi. Ce qu'a aussitôt démenti le président du FLC.
Une nouvelles affaire, à la fois curieuse et inquiétante, a éclaté à Kinshasa, une capitale de plus de six millions d'habitants où toutes les «trames» semblent permises. Le gendarme le plus médiatique de France, Paul Barril, autrefois commandant du GIGN (unité spéciale d'intervention de la gendarmerie) et actuellement à la tête d'une entreprise de «conseil et équipement de sécurité» a été arrêté en début de semaine par les services de sécurité de Joseph Kabila, selon des sources dignes de fois contactées par RFI. Paul Barril était en possession d'un passeport centrafricain et préparait un putsch pour le compte d'un des principaux «rebelles», Jean-Pierre Bemba, qui dirige le Front de libération du Congo, selon une source de Kinshasa. Contacté par nos soins, Jean Pierre Bemba a formellement démenti ce samedi être impliqué dans cette nouvelle tentative de déstabilisation.

Les mésaventures de trois mystérieux «investisseurs» français.

La présence à Kinshasa du sulfureux «capitaine Barril» n'a pas surpris outre mesure les observateurs en Afrique centrale. La plupart des pays de cette région sont directement concernés - et déstabilisés - par une longue guerre inter-africaine, mais dans laquelle différents «protagonistes» occidentaux apparaissent régulièrement depuis le début des années 90 et le génocide rwandais de 1994. Paul Barril avait alors assuré la défense de la famille Habyarimana (le président rwandais décédé dans l'avion abattu au-dessus de Kigali le 4 avril 1994) et se disait même en possession de la «boite noire» de l'avion. Il est également l'auteur de trois best-sellers : «Missions spéciales», «Guerres secrètes à l'Elysée» et «L'enquête explosive». Voici comment il se qualifie lui-même : «Né dans les Alpes françaises, ce fils de militaire de la gendarmerie sera gendarme, c'est à dire sérieux et loyal, mais aussi, pour le meilleur et pour le pire: imaginatif, courageux et épris d'efficacité! De La Mecque en 1979 au Rwanda en 1994, depuis vingt années il est au coeur d'une certaine actualité...». Mais il n'est pas le seul à fréquenter l'Afrique centrale.

La semaine dernière Le Monde a révélé les «mésaventures congolaises» de trois soi-disant investisseurs français, qui le 7 mars dernier avaient atterri sans autorisation à l'aéroport de Kinshasa, avant d'être arrêtés, sevèrement battus et finalement expulsés vers Paris. Parmi ces trois mystérieux personnages figurent un «conseiller» du président centrafricain Ange Patassé, mais aussi un français d'origine congolaise, Alain Mulemba Katako, qui était en contact avec d'anciens généraux mobutistes réfugiés en France. Dans les bagages de ces trois français, la police congolaise aurait trouvé des plans de la capitale portant des flèches de progression vers la résidence de Joseph Kabila. De plus Katako aurait eu en poche son discours de prise de pouvoir en tant que nouveau président. Enfin, selon Le Monde, Alain Katako avait déjà été impliqué dans une tentative de «coup» en 1999, dans le contexte duquel le nom du capitaine Barril avait déjà été citéà

Depuis l'arrivée au pouvoir à Kinshasa de Laurent-Désiré Kabila, en 1996, et encore plus depuis sa rupture avec ses «parrains» rwandais et ougandais, en 1998, des «révélations» plus ou moins crédibles font état de tentatives de déstabilisation de la part d'anciens mobutistes réfugiés en Europe ou de l'autre côté de fleuve Congo, à Brazzaville. Notamment quelques semaines avant l'assassinat de Kabila père, le 16 janvier dernier, par des «kadogos» (jeunes soldats) du Kivu, vraisemblablement aidés par des «complices» bien placés dans l'entourage de l'ancien président.

Cette fois-ci, c'est l'un des principaux opposants de Kinshasa, Jean-Pierre Bemba, qui est mis en cause par le pouvoir, alors que Joseph Kabila ne cesse d'enregistrer le soutien croissant de tous les pays occidentaux, à commencer par les Etats-Unis, la France et la Belgique. En même temps l'ONU et différentes ONG ont publié des rapports accablants dénonçant l'occupation et l'exploitation d'une partie du territoire congolais par l'Ouganda et le Rwanda, avec la complicité de leurs «rebelles» respectifs: le FLC de Bemba et le RCD d'Onusumba. Alors que, jusqu'à la disparition de Kabila père, ces «rebelles» - et surtout Jean-Pierre Bemba - semblaient bénéficier de l'appui discret d'une partie de la communauté internationale, de plus en plus exaspérée par le comportement autocratique de Laurent-Désiré Kabila.

Cette nouvelle affaire suscite de nombreuses questions. Si Jean-Pierre Bemba n'est pas mêlé à cette tentative de déstabilisation, pour le compte de qui a agi Paul Barril ? Pour d'autres « rebelles » ou pour des adversaires de Joseph Kabila, mécontents des changements intervenus ces dernières semaines, à la tête de l'armée et des services de sécurité, au gouvernement et au sein du cabinet du nouveau résident? Les « faucons katangais » proches de Kabila père qui ont été mis à l'écart récemment ont-ils tous accepté leur sort sans réagir ?

C'est dans ce contexte plutôt tendu qu'un autre opposant de taille, l'ancien premier ministre Etienne Tshisekedi devrait rentrer à Kinshasa, ce lundi 23 avril, après quinze mois d'absence, dans le but de participer au dialogue intercongolais. Il a d'ores et déjà déclaré qu'il souhaite veiller «à ce qu'un nombre très restreint de Congolais participent» à ce dialogue, selon «des critères objectifs, à savoir la représentativité effective sur le terrain, ainsi que la combativité démontrée et éprouvée dans la lutte de libération». Tshisekedi a tenu à préciser qu'il est opposé à la participation au dialogue «de partis alimentaires qui ne représentent qu'eux mêmes».



par Elio  Comarin

Article publié le 21/04/2001