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Cameroun

«Morts ou vifs, nous voulons nos enfants!»

Le Cameroun ne cesse d'être secoué par l'affaire des neuf jeunes «disparus» de Douala. Et ce malgré les gages que le pouvoir de Yaoundé donne depuis vendredi dernier : changement d'affectation dans la hiérarchie de l'armée, interpellation des coupables présumés. Les manifestants ne se contentent pas de vagues annonces officielles. Ils veulent que justice soit rendue. Des manifestants qui sont soutenus par des organisations des droits de l'Homme et des partis d'opposition tel que le Social Democratic Front (SDF). Ce lundi, le leader du SDF John Fru Ndi a dû être soigné lundi dans un hôpital de Douala, après avoir été arrosé par un canon à eau de la police lors d'une marche qui n'avait pu se tenir dimanche. Cinq députés et de nombreux militants ont affronté les forces de l'ordre, près d'un pont de la capitale économique à l'occasion de défilé qui avait pour but de présenter des «condoléances» aux familles des «disparus».
Douala, la deuxième ville du Cameroun a connu dimanche 8 avril une autre journée de colère. Des manifestants ont pris d'assaut les artères de la ville pour réclamer à coups de slogans et de pancartes la restitution des corps des neufs «disparus de Bepanda» : «Morts ou vifs, nous voulons nos enfants» ont scandé de nombreux manifestants, selon le correspondant de RFI. Ils ont aussi exigé plus de justice en soulignant leur intention de ne pas s'arrêter à « de vagues annonces officielles». Depuis le 23 janvier, date de la disparition des neuf jeunes gens interpellés par la gendarmerie, la population manifeste tous les dimanches pour réclamer justice.

Une démarche qui apparemment a porté ses fruits. Sous la pression de la rue, le pouvoir du président Paul Biya a en effet lâché du lest. D'abord il a décidé de changer d'affectation des hauts responsables de la gendarmerie et de l'armée. Puis, dans un communiqué émanant du secrétaire général de la présidence de la République, on a appris vendredi dernier, l'arrestation d'une vingtaine de personnes, des officiers de l'armée et de la gendarmerie pour la plupart. Le pouvoir a même promis que les personnes interpellées seront jugées par un tribunal militaire «si leur culpabilité et la matérialité des faits à eux reprochés étaient établies».

Les supputations vont bon train

Cette affaire des disparus de Bépanda concerne neuf jeunes gens dont on est sans nouvelles depuis janvier dernier, lorsqu'ils ont été arrêtés par le commandement opérationnel(CO), une unité de l'armée chargée de lutter contre la criminalité. Depuis, l'émotion est très vive au Cameroun et les supputations vont bon train. Certaines organisations de défense des droits de l'Homme, ainsi que les familles des victimes, pensent que les neuf jeunes ont été exécutées sommairement par les hommes du CO. D'autres ONG ont demandé jeudi dernier à Genève que «la lumière soit faite sur les exactions, tortures, disparitions et exécutions extrajudiciaires au Cameroun».

Avec près de 2,5 millions d'habitants, la ville de Douala fait constamment face à d'énormes problèmes de sécurité. Les neuf jeunes gens avaient été interpellés par la gendarmerie dans le cadre d'une enquête sur le vol d'une bouteille de gaz. Mais la mise en place de cette unité spéciale de police a suscité une grande suspicion : la population voit en cette unité de lutte contre le grand banditisme une sorte de «bras séculier du pouvoir qui tue en toute illégalité».



par Fofana  Abissiri

Article publié le 10/04/2001