Travail
«<i>Le harcèlement naît de la répétition</i>»
Philippe Ravisy est avocat au barreau de Paris, spécialisé en droit du travail. Depuis plus de cinq ans, il défend les victimes de harcèlement moral au travail. En tant qu'expert, il a collaboré au groupe de travail qui a élaboré la proposition de loi sur le harcèlement moral en entreprise déposée au Parlement français en décembre 1999 par le groupe communiste. Il est également l'auteur de «Le harcèlement moral au travail» paru aux éditions Delmas Express.
RFI : Rencontrez-vous souvent des cas de harcèlement moral en entreprise ? Y a-t-il eu récemment des condamnations en France ?
Philippe Ravisy : Je rencontre effectivement fréquemment des cas de harcèlement moral en entreprise car c'est une activité importante de mon cabinet. Quant à la dernière condamnation en France, elle a eu lieu en octobre 2000. Elle a été très importante puisque pour la première fois on a obtenu une condamnation à 500 000 francs de dommages intérêts au seul titre du harcèlement.
RFI : Quels sont les éléments constitutifs du harcèlement moral ?
P.R : Ils sont divers et variés. Beaucoup d'attitudes négatives d'un employeur peuvent dégénérer en harcèlement. Il suffit d'une attitude répétée pour que l'on puisse dire qu'il y a harcèlement moral. Il existe une typologie distincte selon que le harcèlement est pervers ou ostensible. Si le harcèlement est pervers, ce seront des attitudes concernant uniquement deux personnes et qui ne seront connues que par elles. Mais il existe aussi des attitudes plus ostensibles comme des «mises au placard», des sanctions pour des fautes imaginairesàetc
RFI : Comment défend-on un salarié victime de harcèlement moral ?
P.R : Tout dépend du moment auquel le salarié contacte son avocat. La stratégie sera différente si le salarié le contacte après l'intervention de la rupture du contrat, soit par démission soit par licenciement ou si le salarié appelle son avocat quand le harcèlement commence ou ne fait que naître. Dans le premier cas, on peut demander des dommages intérêts pour les conditions défectueuses de l'exécution du contrat de travail et dans le second on met en place une stratégie qui va préserver le sort du contrat en essayant de responsabiliser les intervenants et d'attirer l'attention de l'employeur sur le fait qu'il existe une situation anormale dans son entreprise.
RFI : Quel type de preuves matérielles ou de témoignage faut-il apporter ? Quels sont les éléments à recueillir ?
P.R : Le plus important est la visite chez le médecin du travail qui est un tiers objectif dans l'entreprise. Il est à la fois le conseil du salarié mais aussi celui de l'employeur. Les juridictions attachent beaucoup d'importance à l'avis du médecin du travail car lorsqu'une souffrance est vécue en entreprise, le médecin doit en être informé. Il a le moyen de contacter l'employeur et d'attirer son attention sur des cas de harcèlement moral au sein de sa société. Lorsqu'il y a harcèlement, il est fréquent que l'on puisse réunir des éléments quand l'attitude de l'employeur à l'encontre d'un salarié devient discriminatoire par rapport à celle qu'il a vis-à-vis des autres. Un exemple : si dans une entreprise, tout le monde doit arriver à 9h et qu'en fait les salariés n'arrivent qu'à 9h15, l'employeur ne peut pas reprocher le retard à un salarié et pas aux autres. Il faut que son attitude soit uniforme. On ne peut pas sanctionner un salarié de façon discriminatoire. Quand on cherche des indices, on en trouve souvent de significatifs.
RFI : Une loi spécifique va bientôt être votée. Pensez-vous que cela soit une bonne chose ?
P.R : Cette loi était nécessaire car aujourd'hui les dispositions sur lesquelles nous nous appuyons sont celles du droit européen, du code pénal. Dans la pratique, on constate que le juge du contrat de travail hésite un peu à faire une application de textes qui ne sont pas dans le code du travail. Donc un texte spécifique incorporé au code du travail est effectivement souhaitable. Il aidera le juge à prendre des décisions fondées sur ce texte là. Aujourd'hui le harcèlement moral n'est pas une infraction pénale. Cependant dans certaines situations, celles qui conduisent notamment au suicide, je pense qu'il faudrait une incrimination pénale spécifique.
RFI : Quels sont les moyens juridiques dont dispose un salarié harcelé moralement ?
P.R : Il y a des textes épars : tout d'abord il y a un principe de dignité et de respect de chacun sur le lieu de travail. Un principe qui a d'ailleurs été repris par la charte sociale européenne, appliquée en France depuis juillet 1999. Il y a également le principe d'exécution de bonne foi du contrat de travail qui est soumis comme tout autre contrat aux principes généraux d'exécution des contrats. Il existe encore des textes qui régissent les conditions de préservation de l'hygiène et de la santé sur le lieu de travail incorporés dans le code du travail sur les article L.122 et suivants. Ces textes peuvent trouver un écho dans les textes de droit public qui préconisent la préservation de la santé des fonctionnaires. On trouve donc des textes un petit peu partout.
Philippe Ravisy : Je rencontre effectivement fréquemment des cas de harcèlement moral en entreprise car c'est une activité importante de mon cabinet. Quant à la dernière condamnation en France, elle a eu lieu en octobre 2000. Elle a été très importante puisque pour la première fois on a obtenu une condamnation à 500 000 francs de dommages intérêts au seul titre du harcèlement.
RFI : Quels sont les éléments constitutifs du harcèlement moral ?
P.R : Ils sont divers et variés. Beaucoup d'attitudes négatives d'un employeur peuvent dégénérer en harcèlement. Il suffit d'une attitude répétée pour que l'on puisse dire qu'il y a harcèlement moral. Il existe une typologie distincte selon que le harcèlement est pervers ou ostensible. Si le harcèlement est pervers, ce seront des attitudes concernant uniquement deux personnes et qui ne seront connues que par elles. Mais il existe aussi des attitudes plus ostensibles comme des «mises au placard», des sanctions pour des fautes imaginairesàetc
RFI : Comment défend-on un salarié victime de harcèlement moral ?
P.R : Tout dépend du moment auquel le salarié contacte son avocat. La stratégie sera différente si le salarié le contacte après l'intervention de la rupture du contrat, soit par démission soit par licenciement ou si le salarié appelle son avocat quand le harcèlement commence ou ne fait que naître. Dans le premier cas, on peut demander des dommages intérêts pour les conditions défectueuses de l'exécution du contrat de travail et dans le second on met en place une stratégie qui va préserver le sort du contrat en essayant de responsabiliser les intervenants et d'attirer l'attention de l'employeur sur le fait qu'il existe une situation anormale dans son entreprise.
RFI : Quel type de preuves matérielles ou de témoignage faut-il apporter ? Quels sont les éléments à recueillir ?
P.R : Le plus important est la visite chez le médecin du travail qui est un tiers objectif dans l'entreprise. Il est à la fois le conseil du salarié mais aussi celui de l'employeur. Les juridictions attachent beaucoup d'importance à l'avis du médecin du travail car lorsqu'une souffrance est vécue en entreprise, le médecin doit en être informé. Il a le moyen de contacter l'employeur et d'attirer son attention sur des cas de harcèlement moral au sein de sa société. Lorsqu'il y a harcèlement, il est fréquent que l'on puisse réunir des éléments quand l'attitude de l'employeur à l'encontre d'un salarié devient discriminatoire par rapport à celle qu'il a vis-à-vis des autres. Un exemple : si dans une entreprise, tout le monde doit arriver à 9h et qu'en fait les salariés n'arrivent qu'à 9h15, l'employeur ne peut pas reprocher le retard à un salarié et pas aux autres. Il faut que son attitude soit uniforme. On ne peut pas sanctionner un salarié de façon discriminatoire. Quand on cherche des indices, on en trouve souvent de significatifs.
RFI : Une loi spécifique va bientôt être votée. Pensez-vous que cela soit une bonne chose ?
P.R : Cette loi était nécessaire car aujourd'hui les dispositions sur lesquelles nous nous appuyons sont celles du droit européen, du code pénal. Dans la pratique, on constate que le juge du contrat de travail hésite un peu à faire une application de textes qui ne sont pas dans le code du travail. Donc un texte spécifique incorporé au code du travail est effectivement souhaitable. Il aidera le juge à prendre des décisions fondées sur ce texte là. Aujourd'hui le harcèlement moral n'est pas une infraction pénale. Cependant dans certaines situations, celles qui conduisent notamment au suicide, je pense qu'il faudrait une incrimination pénale spécifique.
RFI : Quels sont les moyens juridiques dont dispose un salarié harcelé moralement ?
P.R : Il y a des textes épars : tout d'abord il y a un principe de dignité et de respect de chacun sur le lieu de travail. Un principe qui a d'ailleurs été repris par la charte sociale européenne, appliquée en France depuis juillet 1999. Il y a également le principe d'exécution de bonne foi du contrat de travail qui est soumis comme tout autre contrat aux principes généraux d'exécution des contrats. Il existe encore des textes qui régissent les conditions de préservation de l'hygiène et de la santé sur le lieu de travail incorporés dans le code du travail sur les article L.122 et suivants. Ces textes peuvent trouver un écho dans les textes de droit public qui préconisent la préservation de la santé des fonctionnaires. On trouve donc des textes un petit peu partout.
par Propos recueillis par Clarisse VERNHES
Article publié le 12/04/2001