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Balkans

Macédoine: la mécanique du pire

Les autorités macédoniennes ont lancé une offensive dans le nord du pays contre des villages soupçonnés d'abriter des rebelles albanais. Depuis la mort de 8 soldats macédoniens tombés dans une embuscade le week-end dernier, un nouveau pas a été franchi dans l'affrontement entre les deux principales communautés du pays.
De notre correspondant dans les Balkans

La Macédoine est-elle en train de basculer pour de bon dans la guerre civile? Après avoir appelé les civils à évacuer six villages de la région de Kumanovo dans le nord du pays, les forces macédoniennes ont entrepris un pilonnage systématique des villages censés abriter la guérilla albanaise de l'Armée de libération nationale (UCKM. Les opérations macédoniennes risquent de ressembler à celles menées à la fin du mois de mars. Après une intense préparation d'artillerie, les forces macédoniennes avaient pénétré dans des villages désertés, les guérilleros se repliant dans des zones plus reculées.

Plus grave encore peut-être, c'est toute la société macédonienne qui semble basculer dans la logique de guerre civile. Après la mort de huit soldats et policiers, tués dans une embuscade samedi, des manifestants s'en sont pris aux quelques commerces albanais de Bitola, une grande ville du sud-est du pays, éloignée des zones albanaises, mais dont étaient originaires plusieurs des jeunes Macédoniens abattus. Un couvre-feu est également appliqué à Bitola, pour essayer de prévenir ce genre de dérapages. Vendredi, une manifestation a failli tourner à l'émeute, à Skopje, les manifestants s'attaquant à l'ambassade d'Albanie en Macédoine.

Dialogue politique au point mort

Dans ce contexte, les appels au calme lancés aussi bien par les autorités macédoniennes que par le Parti démocratique albanais (PDSh) d'Arben Xhaferi, qui participe au gouvernement du pays, n'ont guère de chances d'être entendus. L'amorce de dialogue politique entamé à la fin du mois de mars marque le pas, les Macédoniens ne voulant pas entendre parler d'une modification de la Constitution, qui constitue pourtant la principale revendication des Albanais, qui veulent être considérés comme un «peuple constitutif» de l'Etat, au même titre que les Macédoniens.
Il semble évident que le PDSh n'a aucune maîtrise sur les groupes armés qui constituent l'UCKM, mais il ne paraît pas certain non plus que ce parti, malgré son important réseau de militants qui quadrillent les communautés albanaises du pays, puisse encore longtemps dissuader les ralliements massifs à la guérilla. Du côté macédonien, une radicalisation de même type est à craindre. Assurées du soutien de l'Europe, de l'OTAN et des USA, les autorités macédoniennes ont tout intérêt à éviter les dérapages, mais des milices macédoniennes vengeresses pourraient rapidement se former.

Si un tel scénario devait se réaliser, une guerre civile aurait bel et bien débuté et, naturellement, le processus de dialogue et le gouvernement de coalition qui réunit nationalistes macédoniens et albanais n'auraient plus de raison d'être. La communauté internationale se contente, pour l'instant, d'assurer Skopje de son soutien, mais ne semble guère disposée à prendre des mesures concrètes pour essayer d'enrayer la mécanique du pire.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 05/05/2001