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Balkans

La Macedoine bascule-t-elle pour de bon dans la guerre?

Alors que les forces macédoniennes continuent de pilonner Vaksince et Lojane, deux villages devenus des bastions de la guérilla albanaise de l'Armée de libération nationale (UCKM), le Premier ministre Ljubco Georgievski envisage de faire proclamer l'état de guerre.

De notre correspondant dans les Balkans

La décision pourrait intervenir mardi ou mercredi, car il faut l'accord des deux-tiers des députés du Parlement macédonien, une majorité qualifiée que les autorités de Skopje ne sont pas assurées d'obtenir. Il faudrait en effet pour cela qu'elles obtiennent soit le soutien du Parti démocratique albanais (PDSh) d'Arbën Xhaferi, qui participe au gouvernement du pays, soit celui de l'opposition social-démocrate. A Kumanovo, une grande ville de 130 000 habitants située à quelques kilomètres de la zone de conflit, le maire social-démocrate reconnaît ainsi qu'il «faut en finir avec les terroristes», mais appelle cependant le gouvernement à la modération pour que le pays ne bascule pas pour de bon dans la guerre civile. L'ancien Président de la République, Kiro Gligorov, figure de proue des sociaux-démocrates macédoniens a cependant appelé à plusieurs reprises l'actuel gouvernement de droite nationaliste a user de tous les moyens pour réduire la guérilla.

L'Union européenne a dépêché en catastrophe à Skopje le responsable de la Politique de sécurité commune, Javier Solona, pour essayer de dissuader le gouvernement de proclamer l'état de guerre. «Ce n'est pas une étape que l'Union voudrait voir franchie en ce moment», a déclaré Hans Dahlgren, adjoint à la ministère suédoise des Affaires étrangères Anna Lindh, qui présidait la rencontre de ses homologues de l'UE. Selon Hans Dahlgren, «la retenue que réclame l'UE ne fait pas bon ménage avec une déclaration de guerre». Lundi, le secrétaire général de l'OTAN, George Robertson, devrait lui aussi prendre le chemin de Skopje, et Mme Lindh est attendue dans la semaine.

Est-il encore temps pour le dialogue? Les autorités de Skopje n'envisagent pas de discuter avec les «terroristes» de l'UCKM

Ce ballet diplomatique a-t-il les moindres chances de calmer la tension ? Samedi, le Président macédonien Boris Trajkovski avait esquissé les possibilités d'un dialogue politique, en indiquant qu'il était prêt à parler de tout, y compris de l'usage administratif de la langue albanaise, et même du préambule de la Constitution, principale pomme de discorde entre les autorités de Skopje et les Albanais du pays. Ceux-ci voudraient en effet être considérés comme l'un des deux «peuples constitutifs» de l'Etat, à l'égal des Macédoniens, et non plus comme une minorité nationale.

Cependant, est-il encore temps pour le dialogue ? Les autorités de Skopje n'envisagent pas de discuter avec les «terroristes» de l'UCKM, tandis qu'il semble clair que les partis politiques albanais légaux n'ont aucune prise sur la guérilla. Lorsque les combats s'étaient calmés, à la fin du mois de mars, le PDSh espérait pouvoir «transformer» la mise en contraignant les Macédoniens à un véritable dialogue et à de véritables concessions. Le mois de trêve qu'a connu le pays n'a pas été mis à profit et, malgré son important réseau de militants qui quadrillent la communauté albanaise du pays, le PDSh risque fort dépassé par l'engrenage de la guerre.

Depuis le début de l'offensive lancée contre les villages de la région de Kumanovo, les autorités appellent les civils à quitter la zone, expliquant qu'ils seraient retenus contre leur gré par l'UCKM, qui leur fait jouer le rôle de bouclier humain. Samedi après-midi, les quelques réfugiés, aussi bien albanais que macédoniens, qui ont pu gagner Kumanovo ont semblé corroborer cette version. Cependant, la violence de la réaction macédonienne risque de radicaliser la communauté albanaise du pays, et de la jeter dans les bras de la guérilla.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 06/05/2001