Balkans
L'inquiétude des Roms de Macédoine
Minorité nationale en Macédoine, les Roms se sentent menacés par le conflit qui oppose les rebelles albanais de l'UCK aux forces de sécurité macédoniennes. Il craignent de faire une nouvelle fois les frais de cet affrontement.
De notre envoyé spécial en Macédoine
Il y a foule, tous les samedis matin, jour de grand marché à Sutka, la «plus grande ville rom d'Europe», comme la définissent, non sans fierté, ses habitants. «Voilà la seule activité de Sutka: le marché. Ici, tout est un peu moins cher qu'à Skopje, et les acheteurs sont macédoniens aussi bien qu'albanais», explique Miki, un journaliste local.
Faubourg de Skopje, Sutka a été érigé en commune au milieu des années 1990, et le maire, Nezdet Mustafa, avait alors conclu un accord de coalition avec le VMRO, la droite nationaliste macédonienne au pouvoir dans le pays depuis 1998. D'après le recensement de 1994, les Roms seraient 40 000 en Macédoine mais, comme toujours, leur importance a été sous-évaluée. Les estimations varient de 120000 à 200 000 individus, soit 6 à 10% de la population totale. «40 000 personnes vivent à Sutka, et pas un Rom n'est employé dans la police et l'administration. Les terroristes albanais réclament des droits supplémentaire, et pourtant, c'est bien nous qui sommes victimes des discriminations les plus flagrantes dans le pays», explique le maire.
«Je vis plus mal qu'un chien»
Des milliers de réfugiés roms du Kosovo ont également trouvé refuge dans la ville. Certains sont logés chez des parents et des amis, mais 1 700 personnes vivent dans les baraquements d'un camp sévèrement gardé par la police macédonienne. Harife, originaire de Prizren (sud du Kosovo), est sans nouvelles des 16 membres de sa famille. «Ils ont été assassinés ou ils ont disparu. Ici, je vis plus mal qu'un chien, mais je ne veux pas partir. Cela ne m'intéresse pas d'aller à l'ouest. Je veux revenir un jour au Kosovo et retrouver mes enfants». Un policier met brutalement fin à la conversation. «Regarde ces baraquements ! Ils paraît qu'ils ont coûté des millions, mais nous n'avons même pas d'eau», parvient-elle à ajouter. Miki le reconnaît : «toutes les organisations humanitaires du monde ont défilé à Sutka, mais rien de concret n'a changé pour la population».
Miki travaille pour la télévision indépendante rom BTR et le nouveau quotidien, lancé en janvier 2001, le Roma Times. Le journal est écrit en rom, avec quelques pages en macédonien et en anglais. Le propriétaire du groupe de presse, Zoran Dimov, ancien journaliste des programmes en langue rom de la télévision d'Etat macédonienne, se présente en souriant comme le «Berlusconi rom». «Nos politiciens n'ont aucune culture. La seule chose qui les intéresse est de s'entendre avec les partis macédoniens pour obtenir des miettes du gâteau», reconnaît-il. Il sourit lorsque l'on évoque le « modèle d'intégration des Roms » que pourrait représenter la Macédoine. «En théorie, nous avons plus de droit que dans d'autres pays, mais combien de Roms vont-ils à l'Université ? Combien de Roms ont-ils un travail décent ? Nous représentons un électorat important à l'échelle du pays, que le pouvoir veut contrôler en achetant les chefsà Voilà la réalité de l'intégration des Roms», explique Zoran Dimov.
Le maire de Sutka ne cache pas ses critiques face à la formation du gouvernement «d'union nationale» entre partis albanais et macédoniens. «Aucune place n'a été envisagée pour les Roms. Jusqu'à présent, la Macédoine était définie comme un Etat multi-ethnique, elle va désormais devenir une société bi-nationale où les minorités nationales n'auront plus leur place». Miki regarde avec appréhension les hélicoptères de combat macédoniens qui survolent Sutka pour partir attaquer les positions des rebelles albanais. «Les Roms ont dû fuir le Kosovo, et si la Macédoine sombre à son tour dans la guerre, où pourrons-nous fuir ? L'Union européenne ne veut pas de nous, nous n'avons pas de pays de rechange».
Il y a foule, tous les samedis matin, jour de grand marché à Sutka, la «plus grande ville rom d'Europe», comme la définissent, non sans fierté, ses habitants. «Voilà la seule activité de Sutka: le marché. Ici, tout est un peu moins cher qu'à Skopje, et les acheteurs sont macédoniens aussi bien qu'albanais», explique Miki, un journaliste local.
Faubourg de Skopje, Sutka a été érigé en commune au milieu des années 1990, et le maire, Nezdet Mustafa, avait alors conclu un accord de coalition avec le VMRO, la droite nationaliste macédonienne au pouvoir dans le pays depuis 1998. D'après le recensement de 1994, les Roms seraient 40 000 en Macédoine mais, comme toujours, leur importance a été sous-évaluée. Les estimations varient de 120000 à 200 000 individus, soit 6 à 10% de la population totale. «40 000 personnes vivent à Sutka, et pas un Rom n'est employé dans la police et l'administration. Les terroristes albanais réclament des droits supplémentaire, et pourtant, c'est bien nous qui sommes victimes des discriminations les plus flagrantes dans le pays», explique le maire.
«Je vis plus mal qu'un chien»
Des milliers de réfugiés roms du Kosovo ont également trouvé refuge dans la ville. Certains sont logés chez des parents et des amis, mais 1 700 personnes vivent dans les baraquements d'un camp sévèrement gardé par la police macédonienne. Harife, originaire de Prizren (sud du Kosovo), est sans nouvelles des 16 membres de sa famille. «Ils ont été assassinés ou ils ont disparu. Ici, je vis plus mal qu'un chien, mais je ne veux pas partir. Cela ne m'intéresse pas d'aller à l'ouest. Je veux revenir un jour au Kosovo et retrouver mes enfants». Un policier met brutalement fin à la conversation. «Regarde ces baraquements ! Ils paraît qu'ils ont coûté des millions, mais nous n'avons même pas d'eau», parvient-elle à ajouter. Miki le reconnaît : «toutes les organisations humanitaires du monde ont défilé à Sutka, mais rien de concret n'a changé pour la population».
Miki travaille pour la télévision indépendante rom BTR et le nouveau quotidien, lancé en janvier 2001, le Roma Times. Le journal est écrit en rom, avec quelques pages en macédonien et en anglais. Le propriétaire du groupe de presse, Zoran Dimov, ancien journaliste des programmes en langue rom de la télévision d'Etat macédonienne, se présente en souriant comme le «Berlusconi rom». «Nos politiciens n'ont aucune culture. La seule chose qui les intéresse est de s'entendre avec les partis macédoniens pour obtenir des miettes du gâteau», reconnaît-il. Il sourit lorsque l'on évoque le « modèle d'intégration des Roms » que pourrait représenter la Macédoine. «En théorie, nous avons plus de droit que dans d'autres pays, mais combien de Roms vont-ils à l'Université ? Combien de Roms ont-ils un travail décent ? Nous représentons un électorat important à l'échelle du pays, que le pouvoir veut contrôler en achetant les chefsà Voilà la réalité de l'intégration des Roms», explique Zoran Dimov.
Le maire de Sutka ne cache pas ses critiques face à la formation du gouvernement «d'union nationale» entre partis albanais et macédoniens. «Aucune place n'a été envisagée pour les Roms. Jusqu'à présent, la Macédoine était définie comme un Etat multi-ethnique, elle va désormais devenir une société bi-nationale où les minorités nationales n'auront plus leur place». Miki regarde avec appréhension les hélicoptères de combat macédoniens qui survolent Sutka pour partir attaquer les positions des rebelles albanais. «Les Roms ont dû fuir le Kosovo, et si la Macédoine sombre à son tour dans la guerre, où pourrons-nous fuir ? L'Union européenne ne veut pas de nous, nous n'avons pas de pays de rechange».
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 15/05/2001