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Iran

Drogue : le gouvernement change de stratégie

Après le tout-répressif, l'Iran adopte une politique plus souple vis-à-vis de ses toxicomanes. En revanche, le pays a accentué sa pression sur les trafiquants grâce à un programme de lutte anti-drogue mené depuis deux ans avec les Nations Unies.
De notre envoyée spéciale en Iran

Le festival de cinéma qui s'ouvre dans une université de Téhéran est une première en son genre. Au programme : des documentaires, des courts métrages et des débats sur la drogue en Iran. Une cinquantaine d'étudiants, dont une majorité d'étudiantes, sont venus assister à un événement encore inimaginable il y a quelques années. «Jusqu'en 1998, la consommation de drogue était considérée comme un crime» explique un médecin venu répondre aux questions des jeunes. «Suite à une révision de la législation, on a pu privilégier le traitement et la réinsertion des toxicomanes mais aussi la prévention».

La prise de conscience des autorités iraniennes date de 1999. C'est à leur demande que l'ONU, qui vient d'ouvrir une antenne de son programme anti-drogue (PNUCID) à Téhéran, mène une enquête sur la consommation de drogue dans le pays. Les chiffres ont de quoi inquiéter : il y aurait aujourd'hui 1,5 millions de toxicomanes en Iran et environ 2 millions de consommateurs occasionnels soit 1 à 2 % de la population.

La moyenne d'âge de la première prise de drogue aurait baissé de manière importante et serait de 15 ans. Comme l'explique Antonio Mazzitelli, représentant du PNUCID : «l'Iran a toujours été un consommateur d'opium, cela fait partie de sa culture. Mais aujourd'hui, à côté de cette consommation traditionnelle, on observe l'arrivée de dérivés de l'opium comme la morphine et l'héroïne ainsi que du haschich». En juin 2000, le gouvernement s'associe aux Nations Unies et lance le programme Nowrouz (du nom du Nouvel an iranien). Il bénéficie d'un budget de 13 millions de dollars.

Le gouvernement a perdu 3 000 hommes dans cette guerre contre la drogue

Son premier objectif : la limitation de l'offre par le renforcement de la frontière avec l'Afghanistan. En effet, sur les 7 500 tonnes d'opium et d'héroïne produites en 1999 et 2000 par les Afghans, la moitié a transité par l'Iran avant de rejoindre les pays européens. Mais la lutte paraît inégale. Avec plus de 2 000 kilomètres de frontières avec le Pakistan et l'Afghanistan, et des trafiquants sur-armés, l'Iran n'est parvenu à saisir, par an, que 15 % de la drogue. Elle a déjà perdu 3 000 hommes dans sa lutte. Les autorités iraniennes maintiennent donc leur pression et ce malgré l'éradication récente de toutes les cultures de pavot dans les zones contrôlées par les Taliban. Les réserves accumulées sont telles, affirme l'Iran, que la quantité de drogue qui passera la frontière en 2001 sera la même que les années précédentes.

C'est donc sur le terrain de la prévention et des soins aux toxicomanes que les autorités jouent à présent leur va-tout. Ouverture de centres thérapeutiques, campagnes d'affichage dans la capitale, les moyens dégagés sont exemplaires. Reste à savoir s'il n'est pas déjà trop tard : les profils des consommateurs iraniens présentent maintenant de sérieux signes de ressemblances avec ceux que l'on peut trouver dans les pays occidentaux.



par Estelle  Nouel

Article publié le 08/05/2001