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Balkans

Le choix de la guerilla du sud de la Serbie

Un vent de panique souffle dans les rangs de l'Armée de libération de Presevo, Bujanovac et Medvedja (UCPMB), la guerilla albanaise du sud de la Serbie. Jeudi 24 mai, l'Armée yougoslave reprendra le contrôle de l'ensemble de la «zone de sécurité» qui lui était jusqu'à présent interdite le long des frontières du Kosovo. Les guerilleros n'ont guère de choix qu'entre un combat désespéré ou une reddition sans gloire.
de notre envoyé spécial à Presevo

Depuis une semaine, les troupes internationales de la KFOR du Kosovo accueillent des guérilleros en rupture de ban. Il leur est promis l'impunité et la «réintégration» dans la société civile du Kosovo, à condition qu'on ne puisse pas prouver leur responsabilité personnelle dans des crimes de guerre. Plusieurs centaines d'hommes auraient déjà franchi ce pas. Dimanche 20 mai, les hommes du commandant Shpetim se sont complètement retirés du secteur qu'ils contrôlaient, à l'ouest de la ville de Presevo, et le commandant Leshi, de son vrai nom Shefket Musliu, principal chef de l'UCPMB, a annoncé que la guérilla entendait déposer les armes d'ici le 24 mai.

La «bataille décisive» annoncée il y a quelques jours encore par l'UCPMB n'aura donc pas lieu. La sévère défaite essuyée la semaine dernière par la guerilla dans le village d'Oraovica, qu'elle a dû abandonner au prix de lourdes pertes, semble donc avoir suffi à ramener les combattants albanais à plus de réalisme. Seul le commandant Muhamet Xhemaili, dont les hommes sont disposés aux alentours de la ville de Bujanovac, semble s'entêter. Cet ancien combattant de l'UCK du Kosovo a démissionné de ses fonctions de chef d'état-major de l'UCPMB et déclare ne plus reconnaître l'autorité de Shefket Musliu. Si ses camarades de combat ne lui font pas entendre raison, l'Armée yougoslave doit donc s'attendre à rencontrer la plus forte résistance dans la zone que contrôle ce commandant.

Le sort des demi-soldes

Les autorités de Belgrade peuvent se réjouir d'un succès politique et stratégique de première importance. La retenue observée par la police serbe et l'Armée yougoslave, les propositions de dialogue sans cesse formulées par le gouvernement de Belgrade ont su convaincre la communauté internationale, exaspérée par le développement d'une autre guérilla albanaise dans la Macédoine voisine. La KFOR se révélant incapable de verrouiller la frontière du Kosovo, base arrière de l'UCPMB, l'OTAN a dû autoriser le retour de l'Armée yougoslave. Reste à savoir si Belgrade saura transformer l'essai, en associant les partis politiques albanais de la région à un véritable processus de résolution pacifique de la crise ouverte dans cette petite région peuplée d'environ 100 000 Albanais.

Autre problème majeur, que deviendront les anciens combattants de l'UCPMB ? Beaucoup d'entre eux parlent de regagner la vie civile au Kosovo, mais certains étaient originaires du sud de la Serbie. A ceux-ci, Belgrade n'a pas donné les moindres garanties d'amnistie. Par ailleurs, certains guérilleros pourraient être tentés de rejoindre les rangs de l'Armée de libération nationale (UCK) de Macédoine. Cette guerilla est en effet apparue quelques jours seulement après l'entrée des forces de Belgrade dans une première portion de la «zone de sécurité», en mars dernier, et d'anciens combattants de l'UCPMB ont probablement compté parmi les premiers cadres de l'UCK macédonienne. On peut craindre que ce scénario ne se répète, les «demi-soldes de la Grande Albanie» allant chercher une revanche en Macédoine pour la défaite qu'ils ont subi dans le sud de la Serbie.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 20/05/2001