Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Congo démocratique

L'ONU monte d'un ton contre les «pilleurs»

Le conseil de sécurité a prolongé pour trois mois une mission d'enquête de l'ONU sur le pillage des ressources naturelles de la RDC. Le rapport remis par les experts indépendants a été sévèrement critiqué par les pays mis en cause, sans parvenir à convaincre le Conseil qui se rendra dans la région avant d'étudier d'éventuelles sanctions.

De notre correspondant à New York (Nations Unies)

L'étau se resserre peu à peu sur les pays mis en cause par le rapport de l'ONU sur le pillage des ressources naturelles de la RDC. Au cours d'une séance longue et houleuse, le conseil de sécurité a débattu jeudi du rapport. Les pays mis en cause se sont évertués à démonter chaque paragraphe, à en grossir les travers pour en discréditer les recommandations. Le panel s'est reposé sur des «sources inacceptables» a expliqué le ministre rwandais chargé de la Présidence, Patrick Mazimhaka. Il manque, selon lui, «des preuves de culpabilité rigoureuses», et «la manière dont sont traité les chefs d'Etat dans ce rapport est tout simplement inacceptable et instaure un dangereux précédent». Le rapport estimait que le président Paul Kagame et son homologue ougandais Yoweri Museveni étaient «sur le point de devenir les parrains de l'exploitation illégale des ressources naturelles et du prolongement du conflit.»

Le Burundi a également jugé très faibles les accusations à son encontre, et «demande au Conseil de tenir compte des anomalies relevées», tout en se disant prêt à coopérer avec le panel. Le pays «compte même mener ses propres enquêtes sur l'implication éventuelle des Burundais

La charge la plus serieuse est venue de l'Ouganda. Pour le ministre des affaires étrangères Amama Mbabazi, «la qualité du rapport est si faible que sa crédibilité et sa valeur en sont sérieusement diminuées.» Et d'ajouter que les accusations du rapport n'étaient fondées que sur «des on-dit, des mensonges, des erreurs, des informations non attribuées et des conclusions qui ne sont appuyées par aucune preuve.»

«On ne peut pas les prendre au sérieux»

Il a toutefois réclamé que les experts soient remplacés, mais a lui aussi annoncé la création d'une commission d'enquête indépendante, qui travaillera dans la «transparence» sur les allégations du rapport. «On ne peut pas les prendre au sérieux, a rétorqué le ministre des affaires étrangères congolais Léonard She Okitundu. Imaginez ! Une commission indépendante ougandaise ! Ils auraient dû faire cela depuis longtemps.» Le ministre réclame également des mesures conservatoires immédiates pour faire cesser le pillage, en attendant les sanctions.

Le Conseil de sécurité ne l'a pas suivi jusque là mais il ne s'est pas laissé ébranlé par les rodomontades des Etats mis en cause. A l'unanimité, il a adopté une déclaration qui prolonge de trois mois le mandat des experts afin de produire un additif a son rapport final, agrémenté d'une analyse d'éléments nouveaux. Et notamment plus d'informations sur les acteurs et les pays non cités dans le premier rapport -la Grande Bretagne souhaite que le rôle du Zimbabwe soit étudié de plus près. Le panel devra également répondre aux remarques des Etats incriminés, et évaluer les avancées realisées.

Pour sa part, le Conseil dans son ensemble «condamne l'exploitation illegale des ressources naturelles en République démocratique du Congo et se déclare vivement préoccupé par les activités économiques qui alimentent le conflit.»Il demande «instamment» aux gouvernements incriminés de mener leur propre enquête, de coopérer sans réserve avec le groupe d'experts, en assurant la sécurite necessaire aux experts, et de prendre immédiatement des mesures pour mettre fin à l'exploitation illégale des ressources naturelles par leurs ressortissants ou d'autres personnes relevant de leur contrôle

Les poids lourds du Conseil ont endossé le rapport, avec seulement quelques nuances, notamment du cote américain. «C'est un rapport extrêmement documenté, c'est un rapport courageux», a pour sa part estimé l'ambassadeur francais à l'ONU Jean-David Lévitte. Le diplomate dirigera une mission du Conseil de sécurité dans la région durant la seconde moitié du mois de mai. En attendant, les membres du Conseil consacrent deux jours d'une retraite annuelle chez la veuve Rockfeller à l'Afrique des grands lacs, en compagnie de Kofi Annan. Dans trois mois, si la situation n'a pas évolué, le conseil se penchera sur l'éventuelle adoption de sanctions contre le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 04/05/2001