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Iran

La police fait la chasse aux cybercafés

La police iranienne a sommé les cybercafés de Téhéran d'obtenir une licence d'exploitation pour continuer à fonctionner. Une mesure «administrative» à la dimension politique évidente.
De notre correspondant en Iran

C'est l'offensive la plus sérieuse contre Internet depuis l'ouverture du premier cybercafé il y a trois ans. En effet, la police a fermé en quelques jours une vingtaine de cybercafés sous prétexte qu'ils n'avaient pas de licence d'exploitation. Quelque 250 autres établissements ont reçu un avertissement pour obtenir le plus rapidement possible une autorisation légale d'exploitation. «Il y a actuellement un peu plus de 200 cybercafés dans la région de Téhéran, qui n'ont pas de permis de travail ou de licence d'exploitation. Nous leur avons demandé de se présenter auprès de l'Union des utilisateurs de machines administratives et d'ordinateurs pour obtenir une licence d'exploitation. Parmi les 15 cybercafés que nous avions fermés, cinq l'ont fait et ont été réouvert après avoir obtenu une licence. Les dix autres n'ont rien fait et restent donc fermé. Comme toute activité, les cybercafés doivent avoir une licence d'exploitation», a affirmé le général Ansari, le chef de la police de Téhéran. Ce dernier a démenti l'existence de 400 cybercafés à Téhéran comme l'avait écrit le quotidien réformateur Hambasteghi, qui avait annoncé la fermeture de tous les établissements. «Nous avons seulement 200 cybercafés dans la capitale», a affirmé le général Ansari. Cette décision de la police a crée un tollé général. De nombreux journaux et députés réformateurs ont protesté contre «cette limitation de la liberté d'information».

Les cybercafés étaient utilisés par les jeunes pour surfer sur le web mais aussi pour téléphoner à pris réduit à l'étranger. En effet, l'Iran compte plus de trois millions d'expatriés qui vivent pour la plupart aux Etats-Unis et en Europe. Les appels téléphoniques représente donc une source de revenu importante pour le ministère des Télécommunications, qui avait jusqu'à maintenant un monopole légal sur le téléphone. Or, le tarif des communications dans les cybercafés coûtent cinq à six fois moins cher qu'en passant par les PTT. Un véritable danger. Mais les responsables du ministère des Télécommunications ont démenti toute responsabilité dans la décision de la police. «Nous somme pour la réglementation des services d'Internet et des téléphones à longue distance, mais nous sommes contre la fermeture des cybercafés», a même affirmé le ministre des Télécommunications. Pour préserver son monopole, les PTT ont décidé de baisser leur tarif des communications longue distance de 25% et d'offrir prochainement un service de téléphone via Internet.

Un nombre d'utilisateurs en pleine progression

Reste qu'en trois ans, l'Iran a connu une véritable explosion dans l'utilisation d'Internet. Le gouvernement du président Khatami a appliqué une politique particulièrement libérale dans ce domaine. Aujourd'hui, plus d'une centaine de fournisseurs d'accès privés (ISP) existent à Téhéran mais aussi dans des villes petites et moyennes du pays. Le nombre des utilisateurs est également en pleine progression. En 1996, il y avait seulement 2 000 utilisateurs. Aujourd'hui, le pays en compte plus de 140 000 pour la plupart des jeunes et on prévoit que ce nombre va approcher les 500 000 d'ici fin 2002. Le ministère des Télécommunications ne veut pas rester en retard de cette évolution. Ainsi, les autorités viennent d'inaugurer un service d'accès à Internet à Téhéran qui doit permettre d'ici quelques mois à plus d'un million d'utilisateurs d'avoir une connexion rapide à Internet. «Nous sommes favorables au développement d'Internet», a d'ailleurs affirmé le ministre des Télécommunications.

Jusqu'à maintenant, les utilisateurs avaient un accès totalement libre à Internet. En effet, on pouvait consulter tous les grands journaux américains et européens, notamment Le Monde, Libération ou Le Figaro, mais aussi les journaux israéliens. De même, la plupart des sites appartenant aux mouvements de l'opposition iranienne basés à l'étranger étaient libres d'accès. Seule restriction, plusieurs milliers de sites pornographiques sont actuellement interdites mais il en existe des centaines de milliers d'autres.

Comme pour les vidéocassettes ou les antennes paraboliques, les autorités sont devant un véritable dilemme. Faut-il interdire Internet et le restreindre fortement. Dans le cas des vidéocassettes et des antennes paraboliques, après les avoir interdit pendant quelques années, le gouvernement a été obligé de les autoriser ou de les tolérer. Alors que les réformateurs proches du président Khatami sont favorables au statu quo et au libre accès à Internet, les conservateurs veulent de plus en plus limiter son utilisation et estiment qu'Internet est «un danger pour l'Islam». Ce qui explique sans doute l'intervention de la police. Reste que chacun sait que cette croisade contre les nouvelles technologies est perdue d'avance.



par Siavosh  Ghazi

Article publié le 19/05/2001