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L''affaire Elf

Prison ferme pour Dumas et Sirven

La 11ème chambre du tribunal correctionnel de Paris a rendu, mercredi, son jugement dans le volet Dumas de la tentaculaire affaire Elf. Cinq des sept prévenus ont été condamnés à de la prison ferme ainsi qu'à des amendes : Roland Dumas, Christine Deviers-Joncour, Loïk Le Floch-Prigent, Alfred Sirven et Gilbert Miara et deux ont été relaxés : André Tarallo et Jean-Claude Vauchez.
Sonnés, effondrés, Roland Dumas, Christine Deviers-Joncour et Loïk Le Floch-Prigent à l'énoncé, mercredi, du jugement du tribunal correctionnel de Paris qui a infligé à cinq des sept prévenus des peines d'emprisonnement fermes assorties d'amendes, dans le volet Dumas du dossier Elf où ils étaient poursuivis pour abus de biens sociaux, complicité ou recel au détriment du groupe pétrolier français.

Plutôt clémente la peine de six mois de prison ferme et deux ans avec sursis et une amende d'un million de francs infligée à l'ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand. S'il s'en tire relativement bien, Roland Dumas a, en revanche, reçu un cinglant commentaire moral : «La connaissance toute particulière, puisque liée à votre propre personne, que vous avez eu du caractère illicite de la fortune acquise par Christine Deviers-Joncour grâce à son passage chez Elf, aurait du vous interdire d'en tirer le moindre avantage» ont estimé les juges. De fait, si l'ex-président du Conseil constitutionnel a été condamné pour recel, il a été relaxé du chef de complicité d'abus de biens sociaux. Le tribunal ayant estimé qu'il n'était pas intervenu dans l'embauche par le groupe pétrolier de Christine Deviers-Joncour.

La justice a été moindre tendre à l'égard de cette dernière : elle a été condamnée à trois ans de prison dont la moitié avec sursis pour avoir été «la bénéficiaire quasi-exclusive des détournements» en récompense d'une «pseudo-activité». «On a quand même tué personne» s'est insurgée l'ex-maîtresse de Roland Dumas dans le Parisien avant d'ajouter : «la leçon de tout cela, c'est que les juges ont décidé que les abus de biens sociaux étaient plus grave que les affaires de sang. L'argent et la politique, c'est redoutable ! Pourtant, j'ai rendu l'argent».

Les condamnés vont faire appel

Le plus lourdement condamné a été Alfred Sirven. L'ex-numéro deux du groupe pétrolier, absent lors de l'annonce du jugement, devra s'acquitter de quatre ans de prison et deux millions de francs d'amende. Le personnage le plus mystérieux de la saga Elf «avait le sentiment qu'au moment de son arrivée en France, les jeux étaient faits» ont commenté ses avocats. Sentence lourde également pour Loïk Le Floch-Prigent qui s'est effondré sur sa chaise à l'annonce de sa sanction. L'ancien PDG d'Elf a écopé de trois ans et demi de prison ferme et 2,5 millions de francs d'amende. «C'est une condamnation lourde sur un dossier où réellement M. Le Floch-Prigent n'a aucune responsabilité» a expliqué son avocat, Me Olivier Metzner. Gilbert Miara, homme d'affaires proche de Christine Deviers-Joncour et ancien amant de cette dernière, a lui été condamné à 18 mois de prison ferme et un million de francs d'amende.

Enfin, André Tarallo, le «Monsieur Afrique» d'Elf et Jean-Claude Vauchez, administrateur d'Elf Aquitaine international ont tous deux été relaxés par le tribunal. Si les peines de tous les prévenus de ce scandale politico-financier sont moins lourdes que celles requises par le procureur de la République Jean-Pierre Champrenault, tous les auteurs de cette affaire ont cependant été surpris par la sévérité du jugement.

Seul Me Emmanuel Rosenfeld, l'avocat de la société Elf, partie civile, s'est déclaré «satisfait» du verdict. «Nous avions demandé que le tribunal distingue victimes et responsables. C'est ce qu'il a fait» a-t-il conclu. Tous les condamnés ont annoncé leur intention de faire appel. Ils devraient se retrouver début 2002 au tribunal.

Le marathon judiciaire ne fait que commencer dans cette tentaculaire affaire. En effet, le procès Dumas qui vient de se clore, du moins pour le moment, ne représente que l'un des volets du gigantesque dossier Elf. Eva Joly, Laurence Vichnievsky et Renaud Van Ruymbeke, les trois magistrats chargés de l'affaire, poursuivent leurs investigations sur des commissions versées par Elf lors des rachats des raffineries Leuna en ex-Allemagne de l'Est et Ertoil en Espagne. Ils soupçonnent l'existence de circuits de financements politiques. Les juges travaillent d'autre part sur la vente des frégates militaires à Taiwan par Thomson en 1991 et tentent de mettre au jour la mise en place de réseaux d'influence dont un constitué de proches des réseaux Elf.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 31/05/2001