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Iran

Les incertitudes de la communauté arménienne

120 000 Arméniens vivent aujourd'hui en Iran. Ils appartiennent à l'une des minorités religieuses les plus importantes du pays. La présence de deux députés arméniens au Majlis (parlement) concrétise leur bonne intégration. L'issue des prochaines élections présidentielles pourrait néanmoins la remettre en cause.
De notre envoyée spéciale en Iran

Par un bel après-midi de mars, un petit groupe de femmes se dirige vers l'église Grigore Lousavorich, située dans le centre de Téhéran. Leurs voiles bariolés contrastent avec ceux des femmes iraniennes qu'elles croisent sur leur chemin. Elma Safarian, 30 ans, Arménienne et fervente pratiquante, s'amuse de leurs regards : «nous restons voilées pendant la messe parce que nous respectons le régime islamique. Mais nous nous autorisons quand même de petites coquetteries».

Née en Iran, il y a trente ans, Elma est bénévole au HCR (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés). Elle a fait toutes ses études dans les écoles arméniennes de la capitale, qui en compte plus de 25. Son principal regret : «la communauté reste très fermée sur elle-même. Je peux avoir des amis iraniens mais je ne peux pas avoir une relation avec l'un d'entre eux. Les mariages entre chrétiens et musulmans sont interdits et la conversion à l'islam entraîne une exclusion définitive». Et de conclure : «je rêverais d'aller un jour en Arménie. Je considère ce pays comme ma vraie patrie».

Arrivés en Iran au début du XVIIe siècle, date de leur première grande migration, les Arméniens se sont rapidement fait une place dans le pays grâce à leur savoir faire. «Ce sont de très bons artisans. Sous la dynastie des Qâdjâr, au XVIIIe siècle, Téhéran est devenue la capitale. Ils ont été appelés en renfort par le roi pour construire son palais. Aujourd'hui, nombre d'arméniens travaillent comme bijoutiers ou mécaniciens», raconte Saro Baboomian, enseignant et responsable de la bibliothèque arménienne de Téhéran.

L'autonomie de la minorité arménienne

Eglises, écoles, commerces, salles de sport, centres culturels et même un quotidien, Alik : la minorité dispose d'une certaine autonomie. Si elle parvient aussi à assouplir certaines positions du gouvernement, c'est parce qu'elle dispose de deux représentants au Majlis (parlement iranien) : Lévon Davitian (capitale) et Jorjik Abrahamian (sud de l'Iran). «Récemment, nous avons obtenu que des Arméniens soient nommés directeurs d'établissements scolaires. Mais le plus important pour nous est le projet de loi que nos deux députés veulent présenter au parlement et qui amènerait l'Iran à reconnaître le génocide arménien», ajoute Saro Baboomian.

Cependant, pour certains Arméniens, la démarche n'est pas fondamentale. Arshavir, bijoutier, sera le seul à nous parler des nombreuses restrictions que subissent les Arméniens. «La reconnaissance du génocide, c'est une chose. Mais je préfèrerais travailler sans avoir à rendre des comptes. J'ai beaucoup de mal à obtenir un permis de travail. Et puis, il n'est pas toujours facile d'être chrétien en pays musulman». Un témoignage renforcé par les récentes déclarations du pape Jean-Paul II : «je compte sur les autorités iraniennes pour permettre aux fidèles vivant en Iran, présents dans cette région du monde depuis les premiers siècles du christianisme, d'être libres de professer leur religion et de participer à la riche vie culturelle de la nation».

Loin d'être acquis, le statut des Arméniens pourrait être remis en cause en cas de victoire des conservateurs aux élections présidentielles. La communauté, qui a déjà perdu plusieurs centaines de membres après l'instauration de la République islamique en 1979, pourrait alors se réduire considérablement.



par Estelle  Nouel

Article publié le 04/06/2001