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Grande-Bretagne

Les jeux sont faits, mais le coeur n'y est pas...

Quatre ans de pouvoir ne semblent pas avoir usé Tony Blair et son New Labour, auquel les sondages s'accordent à prédire une victoire éclante lors du scrutin de ce jeudi 7 juin. Mais faute d'adversaire sérieux, son succès annoncé pourrait bien n'être qu'une victoire par défaut.
De notre correspondante en Grande Bretagne

Surprenante campagne que celle des élections générales 2001 où on aura vu à deux jours du scrutin et pour la première fois de son histoire, le très conservateur quotidien The Times apporter finalement son soutien... au Labour. Une adhésion «prudente mais nette» qui vient après celle de la majorité des journaux britanniques et qui porte un coup fatal aux conservateurs dont la campagne agressive est pourtant restée sans effets. Si bien qu'au bout de quatre semaines, les sondages semblent autant de baromètres cassés: ils n'ont à aucun moment évolué et tous indiquent invariablement le Labour en tête à 48% d'intentions de vote, les conservateurs aux alentours de 30%, et les libéraux-démocrates à16%.

La pilule est amère pour le chef des Tories, William Hague que l'on accuse déjà d'être le principal artisan de la chute de son parti. On lui reproche d'avoir mené une campagne mal ciblée contre l'euro et les demandeurs d'asile, deux thèmes au bas de la liste des préoccupations des électeurs britanniques, beaucoup plus inquiets de l'état de leurs services de santé, de leurs transports et de leurs écoles. Qui plus est la croisade eurosceptique a réveillé de profondes dissensions au sein du parti conservateur.

Au-delà c'est la personne même de William Hague qui ne plaît pas: pourtant excellent orateur qui ne rate pas une occasion d'embarrasser chaque semaine le Premier ministre à la chambre des Communes, le leader conservateur a toutes les peines du monde à briller au-delà de ce cercle. Ayant hérité d'un parti en bout de course, épuisé par dix-huit ans de pouvoir, il a vite remplacé la vieille garde conservatrice par de jeunes inconnus au risque de désorienter une partie de l'électorat Tory.

Margaret Thatcher appelée à la rescousse

Entre-temps, l'homme s'est beaucoup cherché, s'affichant longtemps avec une casquette de base-ball vissée sur la tête, ou avouant volontiers avoir avalé étant jeune jusqu'à 14 pintes de bières par jour, si bien qu'il a fini par se ridiculiser aux yeux des britanniques et des autres leaders politiques. Aujourd'hui, on se moque indifféremment de ses cheveux, de sa voix nasillarde et d'une tendance opportuniste... Une opposition conservatrice qui est allée jusqu'à appeler à la rescousse l'un de ses monstres sacrés, Margaret Thatcher pour tenir la main d'un William Hague faisant alors figure de petit garçon.

L'échec de la campagne est tel qu'en désespoir de cause les Tories ont appelé dans les derniers jours à ne pas voter Labour pour empêcher Tony Blair d'avoir une trop large majorité au parlement, une toute-puissance «dommageable pour la démocratie» , et qui est surtout l'aveu déguisé de la défaite pour les conservateurs. Une droite en situation de faiblesse, dont la perte de crédibilité sert plus que jamais le New Labour de Tony Blair. Si bien que le Premier ministre, donné grand vainqueur depuis des mois, se dirige droit vers un second mandat. Et pourtant l'enthousiasme des élections de 1997 a bel et bien disparu.

Les Britanniques disent s'apprêter à voter «par défaut» car ils sont avant tout déçus par un gouvernement qui n'a pas tenu ses promesses. Certes le Premier ministre présente un bon bilan économique mais après quatre années de gestion travailliste le service public en piteux état souffre toujours de sous-investissement et les britanniques en ont assez d'entendre leurs voisins européens surnommer leur pays «le patient anglais». Conscient de cette atmosphère désabusée, Tony Blair tente d'ailleurs depuis quatre semaines de convaincre des électeurs incrédules et apathiques qu'il faut aller voter et que rien n'est joué.

Dans une élection sans enjeu, le taux d'abstention risque donc d'être l'intérêt principal ce jeudi, sans oublier quand même le score des libéraux-démocrates, seule lueur dans cette morne campagne. Leur leader, Charles Kennedy a su séduire par sa simplicité et son humour mais aussi par son programme réaliste qui fait de la hausse des impôts le seul moyen de trouver les fonds nécessaires à des investissements dans les secteurs sinistrés. Des libéraux-démocrates en pleine ascension qui rêvent même désormais de supplanter les conservateurs en tant que seconde force politique du pays. Néanmoins, la partie est loin d'être gagnée et les «lib-dem» doivent encore transformer l'essai ce 7 juin dans les urnes.



par Muriel  Delcroix

Article publié le 06/06/2001