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Rwanda

Pierre Brana : le procès de Bruxelles est <i>«historique»</i>

Après huit semaines de débats, le jury populaire de la cour d'assises de Bruxelles a reconnu coupables quatre Rwandais, (deux religieuses, un enseignant, et un ancien ministre), accusés d'avoir participé au génocide de 1994. Pierre Brana, député PS de Gironde et secrétaire de la commission des Affaires étrangères a été co-rapporteur de la mission d'information sur le Rwanda. Voici sa réaction.
RFI : En quoi le procès de Bruxelles est-il historique ?
Pierre Brana :
Il est historique essentiellement par le fait que cette loi, unique au monde, permet de juger en Belgique tout crime de droit international, que ce soit un crime de guerre, contre l'humanité, hors de son territoire. Autrement dit la Belgique a précédé ce que sera la Cour pénale internationale. Pour moi c'est un jugement historique d'autant que c'est un jury populaire qui semble avoir fait son travail avec beaucoup de sérieux, de sérénité. Je crois que c'est un procès qui fera date devant l'histoire de l'humanité.

RFI : Avez-vous l'impression qu'en organisant ce procès, la Belgique reconnaît en quelque sorte son implication dans le génocide ?
P.B :
Non, je crois que la Belgique avait déjà, dans un rapport parlementaire qui avait fait grand bruit à l'époque, reconnu un certain nombre de ses erreurs et de ses torts mais ce jugement là est indépendant de ce rapport là puisque c'est un jugement populaire qui juge des personnes et qui ne juge pas le génocide. Le jury a jugé des personnes nommément désignées.

RFI : La France est-elle prête a accepter le principe de compétence universelle ? Est-ce qu'un tel procès pourrait se tenir sur le sol français ?
P.B :
Non car nous n'avons pas une loi de cet ordre. J'avoue pour ma part que j'y serais favorable. Est-ce que les esprits sont mûrs pour cela ? Je n'en suis pas si sûr en me basant sur un certain nombre de débats que nous avons eu lors de la ratification des statuts de la Cour pénale internationale. Mais d'ici à la fin de l'année nous n'aurons plus besoin d'une loi de cet ordre puisque ce sera du ressort de la Cour pénale internationale.

RFI : Aujourd'hui la France peut-elle aller plus loin que la mission d'information sur le Rwanda qui n'avait aucun pouvoir de sanction ?
P.B :
Je crois que les esprits ont évolué. Personnellement je vous rappelle que j'avais été favorable à la création d'une commission d'enquête plutôt qu'une mission parlementaire mais comme il n'y a pas eu de nouveaux éléments décisifs pour remettre en question ce travail, je ne crois pas que la création d'une commission d'enquête soit d'actualité. Par contre ce que je crois très important c'est que notre pays collabore le plus étroitement possible avec le tribunal d'Arusha qui a pour rôle de condamner tous ceux qui ont participé à cette effroyable tragédie. Je sais qu'un certain nombre d'universitaires travaillent à partir du rapport de cette mission pour aller plus loin dans l'approche de la vérité sur ces événements.

RFI : La Belgique, elle, a présenté ses excuses au Rwanda pour son implication. La France n'est-elle pas un peu à la traîne ?
P. B :
Il est un fait que dans notre pays, ce phénomène nouveau sur le plan mondial de la repentance, ne fait pas partie de la culture française comme la Belgique l'a fait, comme les Etats-Unis avec Clinton en Afrique de l'est, comme le pape, etc. Ce que je crois, c'est qu'il y a une volonté de collaborer. J'ai beaucoup d'espoir sur la mise en place de cette Cour pénale internationale quoique j'ai beaucoup regretté le fait que l'exécutif français ait déclaré vouloir utiliser un article qui permet de ne pas donner la compétence à la CPI pendant sept ans pour les crimes de guerre. J'aurais préféré qu'on accepte les statuts intégralement sans faire jouer cette clause. Je crois que la France est suffisamment un grand pays pour se permettre de reconnaître ses erreurs quand elle en commet et de tout faire pour que, lorsque des fautes sont commises, même si c'est par ses ressortissants et par des militaires, que ceux-ci soient poursuivis devant les instances internationales comme quiconque.



par Propos recueillis par Sylvie  Berruet

Article publié le 08/06/2001