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Affaires politico-financières

Quel statut pour le président français ?

Les députés français ont examiné en première lecture, le 12 juin, la proposition de loi du groupe socialiste visant à réformer le statut pénal du chef de l'Etat. Ce texte prévoit de lever l'immunité du président pour des faits qui n'ont rien à voir avec l'exercice de sa fonction.
Responsable ou intouchable ? Comment faire pour que le président français soit un justiciable comme un autre tout en prenant en compte qu'il n'est pas un citoyen ordinaire ? Le débat qui a commencé aujourd'hui à l'Assemblée nationale s'annonce long, houleux et complexe. Les députés ont en effet entamé, en première lecture, la proposition de loi socialiste visant à modifier l'article 68 de la Constitution sur le statut pénal du chef de l'Etat. Ce texte prévoit que le président relève de la justice ordinaire pour des actes commis avant son entrée en fonctions ou sans rapport avec son mandat. Pour ceux commis dans l'exercice de ses fonctions, le dispositif actuel n'est pas modifié: il est responsable uniquement en cas de haute trahison devant la Haute cour de Justice.

Le texte rédigé par le député Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, apparaît donc comme une contre-offensive à la proposition de résolution d'Arnaud Montebourg (qui a recueilli 31 signatures de députés sur les 58 requises) visant à faire traduire Jacques Chirac devant la Haute Cour de Justice. Cependant ni l'hostilité de la direction du PS, ni la désapprobation publique du Premier ministre Lionel Jospin, ni cette proposition de loi n'ont semblé faire fléchir l'impétueux député de Saône-et-Loire: «La proposition de résolution reste ouverte à la signature. On continue» a-t-il assuré faisant valoir que sans action avant 2002, les infractions reprochées à Jacques Chirac seront prescrites.

«Immunité, oui pour la présidence de la République. Mais impunité pour les faits qui n'ont rien à voir avec l'exercice de cette fonction, non» a résumé François Hollande, premier secrétaire du PS. Marylise Lebranchu, la garde des Sceaux est allée dans le même sens : «Quel que soit le dispositif choisi pour le nouveau statut pénal du chef de l'Etat, il devra assurer que le président, comme tous les citoyens de ce pays, ne bénéficie pas de fait ou de droit d'un régime d'impunité pour des actes qui ne remettent pas en cause l'essence de sa fonction».

Front commun de la droite

A un an de la présidentielle, l'opposition a crié à la «manipulation», à la «gesticulation électorale» et à la «man£uvre de diversion avec des arrières-pensées politiciennes». La droite a fait bloc contre ce texte socialiste et a présenté trois motions de censure de procédure défendues par Jean-Louis Debré (président du groupe RPR à l'Assemblée), par Pascal Clément (DL) et par François Léotard (UDF). Cependant dans l'opposition, on s'est bien gardé d'apparaître hostile à toute réforme, privilégiant une réflexion plus large qui concernerait le statut de tout l'exécutif. Ainsi Claude Goasguen qui, au nom de Démocratie libérale a réclamé la réflexion préalable d'une commission d'experts a déclaré: «En discuter, oui mais pas au débotté». Quant à François Léotard il a jugé qu'à un an de la présidentielle, il était «trop tard aujourd'hui pour engager une telle réforme». François Bayrou, président de l'UDF a confirmé les dires de l'ancien ministre de la Défense en déclarant: «L'UDF est prête à s'associer à toute réflexion de bonne foi sur le statut du président de la République, qui ne peut pas être au-dessus de la loi». L'UDF, après avoir longuement hésité devrait majoritairement voter contre le texte socialiste aux côtés des autres formations politiques de l'opposition.

Charles Pasqua, président du Rassemblement pour la France (RPF) a été beaucoup moins tendre en qualifiant cette proposition de loi de «démarche d'attrape-nigauds». Renaud Donnedieu de Vabres (UDF) a surenchéri: «C'est une étape misérable de la campagne électorale». Et Michèle Alliot-Marie, président du RPR a dénoncé avec virulence ce texte rédigé «sur un coin de table en une semaine». Cette proposition est, selon elle «purement et simplement une prolongation, sous une forme apparemment plus décente, de l'opération Montebourg».

Ce texte n'a pratiquement aucune chance d'être adopté d'ici la fin de la législature en 2002, même s'il
est voté par l'Assemblée nationale le 19 juin lors d'un vote solennel. Pour que cette proposition devienne définitive, il lui faudrait être adoptée dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat, majoritairement de droite. Il appartiendrait ensuite à Jacques Chirac de la soumettre à référendum. Un scénario peu probable.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 12/06/2001