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Balkans

L'UCK maintient la pression sur Skopje

Tandis que les partis albanais et macédoniens poursuivent leur difficile dialogue pour sortir du conflit avec la guérilla, les maquisards de l'UCK s'installent autour de la capitale macédonienne.
De notre envoyé spécial en Macédoine

Des petits groupes de badauds, souvent équipés de jumelles, se massent toute la journée le long de l'autoroute qui relie Skopje à Kumanovo, une trentaine de kilomètres plus à l'est. Les positions de la guérilla albanaise commencent en effet à quelques centaines de mètres seulement de cet axe, encore sous contrôle des forces gouvernementales. La guérilla a décrété une trêve jusqu'au 27 juin, mais des tirs d'armes lourdes se font entendre sporadiquement à Kumanovo. Dans cette grande ville de près de 100 000 habitants, la population a appris à se passer d'eau depuis une dizaine de jours.

Les barrages de retenue qui alimentaient la ville se situent en effet dans les montagnes contrôlées par la guérilla, et il a fallu de longues tractations facilitées par des émissaires occidentaux pour que celle-ci accepte que des techniciens viennent remettre en état les réservoirs qui s'étaient vidés. «Le maire de Kumanovo, un Macédonien, a répété que l'UCK voulait priver la ville d'eau, mais ce n'est que de la propagande», s'indigne Xhevat, un commerçant albanais. «En fait, la guérilla voulait bien que des techniciens viennent réparer les barrages, mais elle exigeait en retour que les forces macédoniennes laissent les journalistes pénétrer dans les villages assiégés».

Il y a bien longtemps que les différentes communautés ne se parlent plus. Kumanovo vit sous le règne de la rumeur. «La police distribue des armes à tous les habitants serbes ou macédoniens», soutient Xhevat, assis à la terrasse d'un café. Un de ses amis, fonctionnaire albanais de la police macédonienne l'écoute sans émettre le moindre commentaire. Près de 15 000 réfugiés albanais venus des villages contrôlés par la guérilla ont trouvé refuge en ville, le plus souvent chez des parents ou des amis. Par eux, se colportent des nouvelles, souvent déformées ou exagérées. Les villages d'Opaje ou de Matejce, bombardés par la police depuis six semaines seraient ainsi des «champs de ruines».

L'information est impossible à vérifier, car la police interdit tout accès à la zone. Une chose n'est par contre que trop certaine : la police macédonienne n'hésite pas à utiliser les moyens les plus expéditifs à l'encontre des réfugiés. «S'ils voulaient nous convaincre de leur bonne volonté, il faudrait au moins que les policiers arrêtent de sortir les matraques dès qu'ils voient un Albanais», affirme Xhevat, qui en tire les conséquences : «il y a trois mois, peu de gens approuvaient l'UCK, aujourd'hui 99% des Albanais la soutiennent. Les jeunes quittent la ville pour aller s'enrôler».

Les jeunes quittent la ville pour aller s'enrôler

Xhevat n'attend rien du processus de négociations entamé entre les principaux partis politiques albanais et macédoniens. «Plus personne n'écoute les partis. Ils parlent dans le vide, et de toute façon, les Macédoniens ne veulent faire aucune concession». Pour Xhevat, seul un très fort engagement international pourrait encore empêcher le pire, mais tous les habitants de la Macédoine vivent désormais dans la terreur d'une guerre civile, sans cesse plus proche des grandes villes. Lorsque le soir tombe, les lumières des villages s'allument sur les collines qui entourent Skopje, sauf vers l'est. Là-bas, la guérilla s'est installée depuis une semaine dans le faubourg d'Aracinovo, à cinq kilomètres seulement du centre de la capitale. La police macédonienne n'a même pas tenté de s'opposer à ce coup de force, mais depuis, le courant a été coupé.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 20/06/2001