Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

L''affaire Elf

Dumas et Le Floch-Prigent accusent

Deux semaines après avoir été condamnés dans l'un des volets de l'affaire Elf, Roland Dumas, et Loïk Le Floch-Prigent sont passés à l'offensive. Le premier dans Le Figaro, le second sur Europe 1 ont mis en cause François Mitterrand et plusieurs personnalités politiques : Elisabeth Guigou, Alain Madelin, François Léotard, Edouard Balladur, Hubert Védrine, Charles Pasqua.
Les langues continuent de se délier dans l'affaire Elf. Alors que la justice suisse a retrouvé un milliard de francs correspondant aux commissions versées pour favoriser l'achat à Taiwan de frégates françaises, il y a quelques jours, Loïk Le Floch-Prigent, l'ancien PDG du groupe pétrolier a choisi, dimanche, la radio française privée Europe 1, pour dire, une fois encore, sa vérité sur les opérations troubles menées par Elf dans les années 1990. De son côté, Roland Dumas, l'ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand a préféré les colonnes du Figaro pour passer à l'attaque notamment sur le dossier de la vente des frégates de Thomson à Taiwan et sur le rachat de la raffinerie est-allemande Leuna. Les deux hommes confirment que la société pétrolière française jouait bien un rôle «opaque» voire «occulte» selon les propres termes de Loïk Le Floch-Prigent.

Pour l'ex-dirigeant d'Elf «on ne peut pas continuer à nier qu'Elf soit un système d'Etat». Une affirmation reprise par Roland Dumas : «Je n'ai jamais eu directement connaissance du versement de commissions, mais j'ai toujours entendu dire dans les milieux gouvernementaux, même à l'époque où j'étais dans l'opposition, que Elf était une vache à lait de la République (à) C'était connu. Le système était en place depuis très longtemps». Il menace en outre de faire des révélations sur les bénéficiaires des commissions sans toutefois en révéler les noms : «J'ai quelque idée sur les circuits et les personnes. Les intéressés savent que je sais». Roland Dumas, qui a confirmé faire appel de son jugement du 30 mai dernier (30 moi de prison dont six fermes et un million de francs d'amende pour «abus de biens sociaux»), assure aussi avec insistance : «J'ai toujours envie d'enquêter, j'enquête. J'ai envie d'en parler. Je parlerai».

Concernant les déplacements d'hommes politiques à bord d'avions d'Elf, Loïk Le Floch-Prigent a confirmé que sous sa présidence (de 1989 à 1993), non seulement Charles Pasqua (Président du Mouvement pour la France) mais aussi Alain Madelin (Président de Démocratie libérale) et François Léotard (député du Var et ancien ministre de la Défense) avaient bien utilisé ces appareils. Après ses révélations, seul Alain Madelin a expliqué qu'Elf «avait facilité quelques-uns de ses déplacements» mais que cela n'était pas «une découverte».

Elisabeth Guigou mise en cause

Au sujet de la raffinerie est-allemande Leuna, Loïk Le Floch-Prigent a expliqué que ce rachat en 1992 et le versement supposé d'une commission de 256 millions de francs au CDU d'Helmut Kohl (qui a toujours nié ce pot-de-vin) était devenu une «affaire politique, parce qu'elle était le symbole du rapprochement franco-allemand (à) Je confirme les propos du président Mitterrand, il faut aider notre ami Kohl». Roland Dumas confirme les dires de l'ancien PDG d'Elf en expliquant que «Mitterrand a souscrit à tout le projet, y compris peut-être au versement des commissions, parce qu'il considérait que c'était utile pour la France». En ce qui concerne un autre volet du dossier Elf, celui de commissions versées à l'occasion de la vente par Thomson de six frégates à Taiwan en 1991, l'ancien président du Conseil constitutionnel affirme : «On a greffé sur un contrat déjà conclu un dossier de commissions qui n'avait aucune raison d'être et on a trompé à l'époque mes amis qui ont donné le feu vert».

Roland Dumas s'en est pris par ailleurs vivement à l'ancien Garde des Sceaux, Elisabeth Guigou, et accuse la justice de «protéger ceux qui sont encore aux commandes». Il rappelle également qu'à la fin de l'instruction du volet de l'affaire Elf le concernant, Elisabeth Guigou «n'a pas toujours contribué au bon fonctionnement de la justice».

Loïk Le Floch-Prigent a décidé, lui aussi, de faire appel du jugement du 30 mai dernier. Mis en examen 28 fois, dans ce tentaculaire dossier, il a écopé de trois ans et demi de prison ferme et de deux millions de francs d'amende.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 18/06/2001