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Balkans

Accalmie provisoire en Macédoine

La guérilla albanaise de l'UCK a accepté lundi de se retirer d'Aracinovo, une localité proche de Skopje qu'elle contrôlait depuis le 8 juin.
De notre envoyé spécial en Macédoine

Il aura fallu près de trois journées de bombardements intensifs sur le village d'Aracinovo pour revenir pratiquement à la case départ. Dimanche vers midi, ce gros bourg situé dans les faubourgs de Skopje disparaissait sous d'épaisses volutes de fumée. Les blindés, l'artillerie et les hélicoptères de combat des forces de sécurité macédonienne ont bombardé sans relâche cette place-forte de la guérilla albanaise, qui menaçait directement la capitale elle-même.

Le commandant Hoxha, chef local de l'UCK, avait menacé de représailles contre des objectifs stratégiques situés dans Skopje, mais la médiation de l'émissaire européen Javier Solana a réussi à désamorcer momentanément la crise. Après de longues navettes diplomatiques, un cessez-le-feu entrait en vigueur dimanche après-midi, et la guérilla albanaise acceptait de se retirer d'Aracinovo.

L'UCK peut cependant se vanter d'avoir réussi à imposer un sévère camouflet aux forces macédoniennes. Le gouvernement de Skopje avait pris la responsabilité de rompre la trêve en vigueur depuis une dizaine de jours pour rassurer l'opinion slavo-macédonienne, de plus en plus critique envers l'incapacité de la police et de l'armée à juguler la rébellion albanaise. Or, malgré leurs intenses bombardements et l'engagement sur le terrain des unités les plus performantes de l'armée, les forces de Skopje n'ont pas réussi à prendre réellement pied dans Skopje.

L'UCK sort renforcée

Le ciel de la capitale a été régulièrement survolé par les deux avions Sukhoi, récemment achetés par la Macédoine à la Russie, mais cette démonstration de force n'a guère eu de conséquences sur le terrain. Le retrait négocié des guérilleros a donc l'arrière-goût d'un échec militaire pour les Macédoniens. Skopje avait également répété refuser le principe de toute discussion avec les «terroristes», et seul le contact établi entre Javier Solana et les chefs de l'UCK a permis sortir de l'impasse militaire.

L'UCK sort donc renforcée de la crise d'Aracinovo. Si elle se retire du village, il n'est plus question dans l'immédiat de son éventuel désarmement, et la guérilla semble plus que jamais dominer le jeu politique. Le processus de négociation devrait reprendre vaille que vaille, sous pression internationale, mais les deux communautés nationales du pays, les Albanais et les Macédoniens, garderont sans aucun doute un fort traumatisme de ce week-end de combat dans les faubourgs de Skopje. Les uns comme les autres seront moins prêts que jamais à accepter les pourtant indispensables compromis.

La survie du gouvernement d'union nationale laborieusement formé au mois de mai est plus aléatoire que jamais, et les partis politiques albanais n'ont plus d'autre choix que de reconnaître que l'UCK dirige seule la partie pour le camp albanais. L'étape suivante serait que les Macédoniens reconnaissent cette réalité et acceptent d'associer la guérilla au processus politique, mais cette hypothèse est moins acceptable que jamais pour l'opinion slave du pays.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 25/06/2001