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Balkans

Macédoine : la logique de guerre

Le calme est revenu mardi à Skopje, après une manifestation lundi soir durant laquelle des milliers de personnes ont crié leur colère devant le Parlement macédonien, réclamant au pouvoir des explications sur sa politique jugée trop laxiste face à la guérilla albanaise.
De notre correspondant dans les Balkans

«C'est cette nuit que la Macédoine sera sauvée ou qu'elle sera perdue», s'exclament les manifestants rassemblés devant le siège du Parlement. C'est peut-être lundi soir que le petit pays a achevé de basculer pour de bon dans une logique de guerre civile. Les manifestants ont commencé à se rassembler en début de soirée, alors que les médias rendaient compte de la nouvelle attaque de l'UCK à Tetovo, la principale ville albanaise de Macédoine, tuant un policier et en blessant quatre autres. Dans le même temps, l'opinion slave macédonienne ne décolérait pas après l'étrange épilogue de la crise d'Aracinovo, ce faubourg de Skopje transformé en bastion de la guérilla albanaise. Durant trois jours, les forces de sécurité macédoniennes ont pilonné Aracinovo, avant que les médiateurs internationaux ne parviennent à négocier un retrait des guérilleros. «Ils ont été évacués en autobus climatisés de la KFOR, et même pas vers le Kosovo mais vers une autre région de Macédoine, où ils vont continuer la guerre», s'indigne une femme d'une quarantaine d'années.

Pour les Macédoniens slaves, le dénouement de la crise d'Aracinovo signe la preuve de l'incapacité du gouvernement à lutter contre le «terrorisme», et de la «trahison» de l'OTAN, qui soutiendrait toujours la cause albanaise. «Nous attendons l'armée, elle doit rejoindre le peuple et nous distribuer des armes», expliquent de jeunes manifestants. Des rafales d'armes automatiques partent régulièrement de la foule, qui agite des drapeaux macédoniens. En début de soirée, des petits groupes de manifestants ont réussi à pénétrer dans le bâtiment du Parlement, saccageant quelques bureaux. Le président de la République, en réunion avec les partis politiques albanais et macédoniens, avait réussi à s'esquiver par une petite porte.

Des milices se forment

Quelques réservistes de l'armée et de la police se sont joints à la foule. Le gouvernement procède en effet à la mobilisation des Slaves macédoniens dans ces unités de réserve, bien armées mais très peu contrôlées. La ville bruit de rumeurs sur la formation de milices macédoniennes, un groupe, l'Armée parallèle 2001, aurait distribué un tract donnant aux Albanais jusqu'à vendredi pour fuir le pays, avant d'être la proie de la vindicte populaire.

Lundi soir, les plus échauffés parlaient de marcher vers Aracinovo, mais un autre danger se profile, celui de voir des émeutiers slaves s'en prendre aux quartiers albanais de Skopje. Près de 200 000 Albanais vivent en effet dans la capitale, sur une population totale de 700 000 âmes. Peu après minuit, un calme précaire est revenu dans la ville, où des détonations se faisaient cependant entendre de loin en loin. Tout le monde attend désormais la journée de mercredi, qui correspond en effet à la fin de la trêve unilatéralement décidée par l'UCK. S'il est par contre un sujet qui laisse indifférent la population de Skopje, c'est bien celui de la nomination de François Léotard. Nul ne veut rien attendre du représentant européen en Macédoine désigné lundi.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 26/06/2001