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Serbie

Crise politique à Belgrade

L'extradition de Slobodan Milosevic va-t-elle sonner le glas de la République fédérale de Yougoslavie, qui ne regroupe plus, depuis 1992, que les Républiques de Serbie et du Monténégro ? L'unité de la majorité serbo-yougoslave a volé en éclats durant la crise, et le Premier ministre fédéral, le Monténégrin Zoran Zizic, a présenté sa démission vendredi après-midi.
De notre correspondant dans les Balkans

Dans un discours à la nation, prononcé jeudi en fin de soirée, le Président Kostunica avait estimé que «l'extradition de l'ancien président yougoslave Slobodan Milosevic à La Haye ne peut être considérée comme légale ou constitutionnelle». Vendredi matin, les élus du Parti démocratique de Serbie (DSS), la formation du Président, ont quitté le groupe parlementaire
de l'Opposition démocratique de Serbie (DOS).

L'unité de l'opposition démocratique serbe, qui avait permis le succès de la «révolution» du 5 octobre 2000, appartient donc au passé. Vojislav Kostunica a immédiatement trouvé comme alliés les députés monténégrins du Parti socialiste populaire (SNP). Hier alliés de Slobodan Milosevic, ces pro-serbes du Monténégro s'étaient ralliés à Vojislav Kostunica après le 5 octobre, mais ils n'avaient jamais fait mystère de leur volonté de protéger leur ancien mentor.

Pour le SNP, le coup de force du Premier ministre de Serbie, Zoran Djindjic (qui a décidé d'extrader Milosevic), a mis un terme à l'alliance conclue avec la DOS. La situation est d'autant plus embarrassante que les Monténégrins du SNP disposent eux aussi de la moitié des élus dans une des deux chambres du Parlement fédéral. Les indépendantistes monténégrins avaient en effet boycotté le scrutin fédéral du 24 septembre dernier, laissant donc le SNP occuper tous les sièges qui reviennent à la petite république.

La Fédération yougoslave n'est plus qu'une coquille vide

En décidant d'extrader Slobodan Milosevic sans tenir compte de l'avis de la Cour Constitutionnelle fédérale et sans informer le Président Kostunica, le gouvernement de Serbie a fait la démonstration que la Fédération yougoslave n'est plus qu'une coquille vide, et c'est la survie, même formelle, de cette Fédération qui est désormais menacée. Zoran Djindjic a de quoi se sentir sûr de lui : la défection du DSS ne remet pas en cause la majorité de la DOS au sein du Parlement de la République de Serbie, et il a su utiliser un article de la Constitution de 1992, qui permet au gouvernement de la République d'avoir la préséance sur les autorités fédérales. Cette Constitution sur mesure avait été adoptée alors que Slobodan Milosevic était lui-même Président de la République de Serbie, mais on ne saurait mieux dire que les prérogatives fédérales sont inexistantes. Sauf à déclarer l'état d'urgence, le Président fédéral n'a pas d'autre compétence que la charge, bien symbolique, de chef des armées.

Le bras de fer engagé pourrait trouver une issue radicale, avec la dissolution de la Fédération. Dans cette hypothèse, la Serbie et le Monténégro deviendraient indépendants, et de grandes manouvres politiques ont peut-être déjà commencé en Serbie, puisque Vojislav Kostunica pourrait alors briguer la charge de Président de la République, pour l'instant toujours détenue par l'un des derniers fidèles de Slobodan Milosevic, Milan Milutinovic, également inculpé par le Tribunal de La Haye.

On comprend, en tout cas, que les dirigeants indépendantistes monténégrins aient salué l'extradition de Slobodan Milosevic, en ajoutant que les événements de jeudi soir avaient démontré que la Fédération yougoslave n'existait plus, ce qu'ils ne cessent de répéter depuis un an déjà.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 30/06/2001