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Affaires politico-financières

Fonds secrets : «<i>Des m£urs de République bananière</i>»

Entretien avec le député Alain Tourret. Membre de la commission des Finances de l'Assemblée nationale française, cet élu du parti radical de gauche critique sévèrement l'existence et l'emploi des fonds spéciaux (ou fonds secrets) mis à disposition du gouvernement et du président de la République.
RFI : A quand remonte, en France, la création des fonds dits secrets ?
Alain Touret :
On trouve les premiers fonds secrets sous Louis XI mais c'est un certain Monsieur de La Reynie, lieutenant de police sous Louis XIV qui les a institués. Les fonds secrets sont vraiment liés à l'histoire de la France. Quant à leur origine, c'est en fait un chapitre voté dans la loi de finances tous les ans par le Parlement qui se monte à 394 millions de francs pour 2001.

RFI : Concrètement, à quoi servent-ils ?
AT :
Pour 200 millions de francs, ils servent à la protection de la sécurité extérieure de la France, c'est-à-dire que cette somme est versée à la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) pour un certain nombre d'opérations et pour assurer, par ailleurs, ce qui est moins normal, des compléments de salaires pour les fonctionnaires de la DGSE et de la DST (Direction de la surveillance du territoire). Pour l'autre part, 194 millions, les fonds sont remis au chef du gouvernement qui en conserve les deux tiers et qui attribue le tiers restant au président de la République. Ces fonds servent notamment à payer des primes de cabinet, à alimenter des partis politiques, à gratifier des collaborateurs ou des journalistes. En fait, ils servent à tout et à n'importe quoi y compris les voyages privés du président de la République.

RFI : Y a-t-il un contrôle de ces fonds et pensez-vous qu'il y a une dérive, depuis plusieurs années, quant à leur utilisation ?
AT :
Les détenteurs de ces enveloppes en font absolument ce qu'ils en veulent puisqu'il n'y a pas de contrôle ce qui est totalement anormal et effarant. Ce sont des m£urs de république bananière. Concernant une certaine dérive, il me semble qu'elle est permanente et il faut y mettre fin. Il y a en ce moment un consensus qui se dégage au sein des partis politiques pour que ces fonds soient limités et surtout contrôlés. Un contrôle doit exister pour les fonds affectés à la sécurité extérieure de la France et pour le reste, il faut les supprimer, ils ne correspondent plus à rien. Il n'y a rien de pire que cette opacité totale qui amène vers le pourrissement de la République. Le contrôle de ces fonds pourrait se faire par une commission réunissant l'ensemble des sensibilités politiques de la France. Un procédé qui existe déjà en Grande Bretagne et en Allemagne. Il n'est plus concevable que l'on continue de procéder ainsi. Il faut revenir à des principes simples.



par Propos recueillis par Clarisse  VERNHES

Article publié le 28/06/2001