Côte d''Ivoire
La justice ivoirienne en question
Charnier de Yopougon, violences lors de la présidentielle et des législatives, tentative de coup d'Etat de janvier 2001 : quasiment aucune des procédures judiciaires engagées en Côte d'Ivoire depuis les élections d'octobre 2000 n'a abouti. Le RDR, principal parti d'opposition, y voit la main du pouvoir de Laurent Gbagbo, qui se défend de toute ingérence dans la justice de son pays.
Le dépôt d'une plainte en Belgique, le 28 juin, contre le président ivoirien, son prédécesseur et deux ministres intervient alors que plusieurs procédures judiciaires tardent à déboucher sur des procès en Côte d'Ivoire. La première, et sans doute la plus attendue, concerne le charnier découvert au lendemain de l'élection présidentielle du 22 octobre 2000 à Yopougon, un quartier populaire d'Abidjan. Cinquante-sept corps, criblés de balles, avaient été retrouvés entassés aux abords d'un bois. Plusieurs responsables du pouvoir tout juste installé de Laurent Gbagbo s'étaient immédiatement rendus sur les lieux et avaient annoncé l'ouverture d'une enquête. Dans les mois qui ont suivi, plusieurs organisations de défense des droits de l'homme ont enquêté sur place, confirmant la responsabilité de gendarmes ivoiriens dans ces événements atroces.
Sept mois plus tard, début avril, six d'entre eux étaient finalement inculpés pour «meurtre». Mais aucun n'a été mis aux arrêts, au grand étonnement de la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH) et de Reporters sans frontières (RSF), qui venaient de publier un rapport détaillé sur les circonstances du massacre. Dans le même temps, le procureur de la république annonçait l'inculpation prochaine d'une dizaine d'autres personnes, qui n'a toujours pas eu lieu.
En attendant les procès
«Ils bénéficient à l'évidence d'une protection du pouvoir», assène Zoro Epiphane Ballo, président du Mouvement ivoirien pour les droits humains (MIDH), qui soutient activement la procédure engagée en Belgique. Cet ancien magistrat, proche du RDR d'Alassane Ouattara, en veut pour preuve le fait que des militants de ce parti arrêtés ces derniers mois restent emprisonnés pour des charges moins graves. Une quarantaine d'entre eux, interpellés à la suite de violentes manifestations les 4 et 5 décembre 2000 puis d'une tentative présumée de coup d'Etat les 7 et 8 janvier 2001, sont toujours sous les verrous. Plusieurs responsables du mouvement ont été libérés, mais aucune des procédures n'a pour l'instant débouché sur un procès.
Deux enquêtes connaissent le même sort, concernant le meurtre d'un gendarme et d'un policier, au cours des événements des 25 et 26 octobre 2000, contre quatre personnes qui, elles aussi, attendent toujours d'être jugées. «Ces procédures n'avancent pas car les personnes arrêtées n'ont rien à voir avec les meurtres», s'insurge Maître Fanny Moré, leur avocat, pour qui ses clients sont des lampistes, parce qu'originaires du nord de la Côte d'Ivoire.
Seule l'affaire de la tentative présumée d'assassinat contre l'ex-chef de la junte ivoirienne, Robert Gueï, en septembre 2000, a abouti avec un verdict en demi-teinte, au mois de mars, pour les deux principaux accusés, les généraux Palenfo et Coulibaly, anciens numéro deux et trois du pouvoir militaire. Le premier a écopé d'un an d'emprisonnement et le second a été relaxé. Mais l'examen du pourvoi en cassation de Lassana Palenfo, prévu le 28 juin, a été reporté à la fin juillet.
Côté gouvernemental, on nie catégoriquement tout ingérence dans les procédures en cours. Interrogé sur la question lors de son passage en France, mi-juin, le chef de l'Etat ivoirien s'est voulu rassurant. Il faut «permettre à la justice d'aller au bout pour que la vérité éclate. Il faut qu'il y ait des procès pour que la République garde des traces et que de telles choses ne se répètent pas», a-t-il insisté devant des députés français. Brahima Touré, rescapé du charnier de Yopougon, qui a porté plainte contre Laurent Gbagbo, Robert Gueï, Emile Boga Doudou et Moïse Lida Kouassi, au nom des victimes d'exactions commises par les forces de sécurité, n'est à l'évidence pas convaincu.
Sept mois plus tard, début avril, six d'entre eux étaient finalement inculpés pour «meurtre». Mais aucun n'a été mis aux arrêts, au grand étonnement de la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH) et de Reporters sans frontières (RSF), qui venaient de publier un rapport détaillé sur les circonstances du massacre. Dans le même temps, le procureur de la république annonçait l'inculpation prochaine d'une dizaine d'autres personnes, qui n'a toujours pas eu lieu.
En attendant les procès
«Ils bénéficient à l'évidence d'une protection du pouvoir», assène Zoro Epiphane Ballo, président du Mouvement ivoirien pour les droits humains (MIDH), qui soutient activement la procédure engagée en Belgique. Cet ancien magistrat, proche du RDR d'Alassane Ouattara, en veut pour preuve le fait que des militants de ce parti arrêtés ces derniers mois restent emprisonnés pour des charges moins graves. Une quarantaine d'entre eux, interpellés à la suite de violentes manifestations les 4 et 5 décembre 2000 puis d'une tentative présumée de coup d'Etat les 7 et 8 janvier 2001, sont toujours sous les verrous. Plusieurs responsables du mouvement ont été libérés, mais aucune des procédures n'a pour l'instant débouché sur un procès.
Deux enquêtes connaissent le même sort, concernant le meurtre d'un gendarme et d'un policier, au cours des événements des 25 et 26 octobre 2000, contre quatre personnes qui, elles aussi, attendent toujours d'être jugées. «Ces procédures n'avancent pas car les personnes arrêtées n'ont rien à voir avec les meurtres», s'insurge Maître Fanny Moré, leur avocat, pour qui ses clients sont des lampistes, parce qu'originaires du nord de la Côte d'Ivoire.
Seule l'affaire de la tentative présumée d'assassinat contre l'ex-chef de la junte ivoirienne, Robert Gueï, en septembre 2000, a abouti avec un verdict en demi-teinte, au mois de mars, pour les deux principaux accusés, les généraux Palenfo et Coulibaly, anciens numéro deux et trois du pouvoir militaire. Le premier a écopé d'un an d'emprisonnement et le second a été relaxé. Mais l'examen du pourvoi en cassation de Lassana Palenfo, prévu le 28 juin, a été reporté à la fin juillet.
Côté gouvernemental, on nie catégoriquement tout ingérence dans les procédures en cours. Interrogé sur la question lors de son passage en France, mi-juin, le chef de l'Etat ivoirien s'est voulu rassurant. Il faut «permettre à la justice d'aller au bout pour que la vérité éclate. Il faut qu'il y ait des procès pour que la République garde des traces et que de telles choses ne se répètent pas», a-t-il insisté devant des députés français. Brahima Touré, rescapé du charnier de Yopougon, qui a porté plainte contre Laurent Gbagbo, Robert Gueï, Emile Boga Doudou et Moïse Lida Kouassi, au nom des victimes d'exactions commises par les forces de sécurité, n'est à l'évidence pas convaincu.
par Christophe Champin
Article publié le 29/06/2001