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Iran

Le camouflet aux conservateurs

Mohammad Khatami s'est offert un véritable triomphe électoral en remportant haut la main l'élection présidentielle. Les électeurs iraniens ont massivement choisi de reconduire Khatami dans ses fonctions, infligeant au passage un nouveau revers aux conservateurs.
De notre correspondant en Iran

Sur un peu plus de 28 millions de voix exprimées, le président Khatami en a obtenu 21 670 000, soit 77,8% des suffrages. C'est un résultat sans précédent. Avec ce scrutin, dont le taux de participation a été de 67% (contre 83% pour la présidentielle de 1997), les Iraniens ont donné une véritable gifle aux conservateurs en apportant une nouvelle fois leur soutien aux réformateurs. En effet, Khatami améliore son score non seulement en pourcentage mais aussi en voix par rapport à 1997. A l'époque, il avait obtenu 20 millions de voix. Ce qui représente environ 1 700 000 voix supplémentaires par rapport à il y a quatre ans.

Ce n'est pas la seule leçon du scrutin. L'ensemble des neuf candidats conservateurs ont fait un score particulièrement médiocre. Le principal d'entre eux a obtenu 15% des voix. Mais si on comptabilise le total des votes des neuf candidats conservateurs, cela représente six millions de suffrages. Or, en mai 1997, les trois adversaires conservateurs du président Khatami avaient obtenu ensemble un peu plus de neuf millions de voix. Ce qui veut dire que les conservateurs ont perdu une partie de leurs électeurs. D'ailleurs certains dirigeants de la droite pensent déjà à la rénovation. Avant même le scrutin, plusieurs responsables conservateurs ont affirmé que les partis de la droite devaient changer de méthode et de discours pour mieux comprendre les attentes de la société. «Si les adversaires conservateurs du président Khatami n'acceptent pas les règles du jeu politique, ce sera un danger pour l'ensemble du pouvoir» a affirmé Taha Hashemi, un religieux de 45 ans qui a lancé l'idée d'une modernisation de la droite.

En tout cas, le taux de participation montre également que plusieurs millions d'électeurs ont boycotté les élections car ils estiment que les réformes ne vont pas assez vite. L'ancien ministre des Renseignements, l'hodjatolislam Ali Fallahian, n'a obtenu que 0,2% des voix. Son nom avait été cité à propos des meurtres politiques du début des années 90 et il était en quelque sorte le porte-parole des extrémistes. «C'est une véritable gifle politique» souligne un diplomate occidental.

«Les réformes, pas la révolution»


Désormais, le président Khatami a un mandat clair pour relancer et accélérer ses réformes. A la veille du scrutin, il a promis de constituer une équipe gouvernementale plus soudée. Il doit également s'attaquer au problème du chômage qui touche plus de 14% de la population, en particulier les jeunes. «Pour régler le problème du chômage, il faut une croissance économique minimale de 6%. Le gouvernement doit en effet créer chaque année près de 800 000 emplois pour résorber le chômage et améliorer la situation économique des couches les plus défavorisées», affirme Saïd Leylaz, un expert économique.

Quant aux réformes politiques, les électeurs ont une nouvelle fois montré que l'enracinement de la démocratie et de la liberté était une priorité, en particulier pour la jeune génération. «Nous voulons la poursuite des réformes et pas une révolution. Mais si cela doit durer longtemps, c'est notre voix et notre choix. Même si les gens d'en face ont recours à la violence, nous, nous éviterons toujours la violence. A la fin, ils finiront pas comprendre ce que nous voulons» affirme Laleh, une jeune électrice qui a voté pour Khatami et qui est descendue dans les rues pour fêter la victoire du candidat des réformes. Ce langage hostile à la violence est loin d'être isolé. Loin de là. Ahmad, un étudiant de 25 ans, explique : «Khatami a fait deux choses. La première, c'est les réformes engagées depuis quatre ans. Mais le plus important, c'est ce qu'il a fait à long terme. Il a sorti les jeunes de leur torpeur. Il y a quatre ans, les jeunes Iraniens étaient isolés, déprimés et ne pensaient pas à leur avenir. La politique ne les intéressait pas. Aujourd'hui, la très grande majorité des jeunes s'intéressent de près à la politique».



par Siavosh  Ghazi

Article publié le 10/06/2001